Est-ce que le beau temps et les vide-greniers du Petit Port et de Graslin ont donné d’autres priorités aux manifestants, ou les Nantais – comme les Français en général – sont-ils passés à autre chose ? Le retour des Gilets jaunes en réalité n’a guère marqué, ni à Nantes ni à Paris. L’extrême gauche avait promis l’apocalypse, les policiers étaient au rendez-vous, mais ce ne fut qu’un immense pétard mouillé. La montagne a accouché d’une souris.
À Nantes, le vendredi soir 11 septembre, un tour de chauffe intitulé « du son pour la Révolution » avait rassemblé plusieurs centaines de personnes qui ont fait le tour du centre-ville avant de s’installer avec la sono place Bouffay. Comme d’habitude pour les mobilisations d’extrême gauche, le cortège avait été émaillé de diverses dégradations (tags, vitrines brisées), avant de finir en affrontements contre les policiers à partir de 22h30. Cinq d’entre eux ont été blessés et six manifestants dont un mineur ont été interpellés, principalement pour jets de pierre.
Le 12 septembre, seules 2 500 à 3 000 personnes défilaient à Paris, mais des tensions et des armes apportées par des manifestants (couteaux, tournevis, pinces coupantes et même un piolet) ont causé 275 interpellations dont 147 gardes à vue. Sur les Champs, les commerces s’étaient barricadés et avaient fermé. Une forte mobilisation policière accompagnait le cortège, après des appels à de gros débordements passés sur les réseaux sociaux.
Lors d’un autre rassemblement de Gilets jaunes, place de la Bourse (2e arrondissement) l’humoriste Jean-Marie Bigard, hué et malmené, a du être exfiltré. Par ailleurs une trentaine de Gilets jaunes se sont introduits chez BFM TV, ont culbuté les agents de sécurité et ont dégradé une porte, avant d’être évacués par les forces de l’ordre.
À Nantes, un peu plus d’un millier de personnes ont défilé – y compris dans le passage Pommeraye – ce qui n’a pas provoqué de heurts, mais a coupé les lignes 1, 2 et 3 du tramway ; une partie des manifestants défilaient sans masque, pourtant obligatoire sur tout le territoire communal. Vers 16h45, deux cent manifestants ont bloqué les trois lignes de tram à Commerce pendant une heure, avant de se disperser.
Ailleurs, les mouvements n’étaient guère plus populeux : 60 près du centre des expositions au Mans, 50 à Carcassonne en AG, moins de 1 000 à Bordeaux où la loi est mieux appliquée qu’à Nantes, puisque le militant allongé en travers des voies du tramway a été arrêté pour entrave à la circulation, une vingtaine à Decazeville sur un rond-point, 20 à Cannes et autant à Antibes, 60 près de Montbéliard, autant à Angoulême, 10 à Ruffec (16), trente à Châteauroux, une dizaine près d’Annecy, etc. En Bretagne, ils étaient 100 à Brest, 150 à Lorient, une quinzaine à Pontivy, et se sont surtout faits remarquer par des blocages routiers sur la RN165.
Dans le journal libéral L’Opinion, Nicolas Beytout affirme que les Gilets jaunes, c’est fini : « le retour a été un véritable flop. Entre 6 000 et 8 000 manifestants dont un tiers à Paris, quelques débordements, quelques interpellations et puis basta. Ce mouvement ne représente plus rien, il ne défend plus rien, ne réclame plus rien et ne reconnaît plus rien. Difficile de faire plus raté ».
Et d’enfoncer le clou, au sujet de leurs leaders : « Il y a ceux qui ont été cassés par leurs propres camarades, parce qu’ils avaient cru un moment pouvoir les représenter et sortir du lot. Flingués. Il y a ceux qui se sont auto-détruits, qui se sont perdus dans leurs propres excès comme Jérôme Rodrigues, cet homme qui avait acquis une stature, qui avait souffert et perdu un œil à cause d’un tir de LBD, et qui se noie en traitant les policiers de nazis. Quant à ceux qui ont essayé de récupérer le mouvement, raté là-aussi […] Ils étaient irrécupérables, ces Gilets jaunes, parce qu’ils ne voulaient pas être récupérés. Ils sont irrécupérables aujourd’hui, parce qu’il n’y a plus rien à récupérer ».
Cependant, même si le mouvement des Gilets jaunes semble définitivement mort – après avoir été récupéré et apprivoisé par l’extrême gauche, les colères ne sont pas éteintes. Le contexte économique difficile à la suite du confinement et de la crise financière en cours, avec son cortège de plans sociaux et d’effondrements d’entreprise qui ne fait que commencer, risque de les rallumer. Le spectre du chômage de masse et de l’affaiblissement durable de l’économie risque de cristalliser les colères et de faire passer, dans quelques semaines ou mois, les Gilets jaunes pour d’aimables plaisantins.
Louis Moulin
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