Le parquet de Paris a ouvert une enquête pour déterminer si les actrices tournant pour le site pornographique Jacquie et Michel sont bien consentantes. Il s’agit d’une enquête préliminaire pour « viols » et « proxénétisme » visant les conditions dans lesquelles sont tournées les scènes pornographiques pour le célèbre site Internet.
La décision du parquet fait suite à un signalement envoyé, en février, par trois associations féministes :Les Effrontées, Osez le Féminisme ! et Le Mouvement du Nid qui milite pour l’abolition de la prostitution.
Point de départ de toute cette affaire : le site Konbini avait diffusé, en février, le témoignage de deux actrices racontant avoir subi des actes sexuels auxquels elles n’étaient pas préparées.
Voici le communiqué – écriture inclusive incluse – pour que ces mouvements ont adressé à la presse :
Le Mouvement du Nid, Osez le Féminisme ! et Les Effronté.es se réjouissent que, suite aux signalements faits par nos associations au Procureur de la République le 27 février 2020, le parquet de Paris ait décidé d’ouvrir une enquête préliminaire à l’encontre de la société « Jacquie et Michel » pour proxénétisme aggravé et viols. Nous dénonçons les violences sexistes et sexuelles inhérentes au système pornocriminel et demandons justice pour les victimes.
Le 18 février 2020, nous avions été en effet nombreuses et nombreux à être choqué.es, face aux révélations de la vidéo « Les dessous sordides du porno amateur » diffusée sur la chaîne KONBINI : une enquête dénonçant les viols lors des « tournages » de l’entreprise pornographique « Jacquie et Michel ». Y était également démontré le proxénétisme aggravé en bande organisée, expliqué par le co-fondateur lui-même dans un enregistrement téléphonique.
Le témoignage de Karima dans le journal 20 minutes paru ce matin décrit les mêmes pratiques de violences sexuelles, et d’abus de faiblesse. Il est aussi similaire aux témoignages reçus dans nos associations d’accompagnement des personnes prostituées. « Nous espérons ainsi que cette procédure judiciaire permettra de révéler la réalité de « l’industrie pornographique », qui relève de la prostitution filmée. Nous recevons de nombreux témoignages de personnes accompagnées qui vont dans ce sens », souligne Claire Quidet, présidente du Mouvement du Nid.
C’est donc un système organisé, des modes opératoires bien huilés à travers lesquels les proxénètes de « Jacquie et Michel » ciblent les femmes les plus vulnérables, pour commettre des violences sexuelles contre elles; un système déjà dévoilé par le livre-enquête « Judy, Lola, Sofia et moi » de Robin d’Angelo en 2018. Cette impunité doit cesser.
« Que pourrait-être un mouvement féministe de lutte contre les violences sexuelles comme #MeToo si nous ne pensons pas d’abord aux femmes qui subissent les pires viols et tortures, les violences organisées et systémiques du système pornocriminel et prostitueur », souligne Céline Piques, porte-parole d’Osez le Féminisme !
La France a adopté en 2016 une législation pour lutter contre le système prostitueur : la loi abolitionniste a permis de décriminaliser les personnes prostituées, et de pénaliser le « client » prostitueur, mais aussi de renforcer la lutte contre le proxénétisme (+54% d’enquêtes ouvertes pour proxénétisme en 4 ans, selon le rapport interministériel de juillet 2020). Ces violences sexistes et sexuelles sont trop souvent concomitantes au trafic d’êtres humain.es, si colonialistes et racistes dans leurs racines profondes. Or, quelle est la différence entre prostitution et pornographie, sinon la présence d’une caméra dans la pièce ? Il est indispensable que le système pornocriminel cesse d’être l’angle mort de la politique abolitionniste de la France. Nous nous félicitons de cette réponse pénale aujourd’hui.
« Nous ne nous laisserons pas berner par la stratégie de glamourisation de la violence du système pornocriminel : loin d’être une marque populaire, fun et française, Jacquie et Michel est un cheval de Troie de la culture du viol, qui cible en priorité les plus jeunes », souligne Claire Charlès, présidente des Effronté.es. 88% des vidéos pornographiques contiennent des scènes de violences sexuelles explicites.
Aujourd’hui, si nous nous félicitons de l’ouverture de cette enquête préliminaire pour viols et proxénétisme contre « Jacquie et Michel », nous espérons toutefois que les actes de torture et barbarie et d’abus de faiblesse que nous avions également signalés seront retenus dans les qualifications pénales à venir.
Nous continuerons à dénoncer le proxénétisme et le système prostitueur sous toutes ses formes et à défendre une sexualité libérée des oppressions, pour toutes les femmes.
Crédit photo : DR (photo d’illustration)
[cc] Breizh-info.com, 2020, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine