Initié en 1716, le système de Law n’a pas concerné uniquement Paris. Il culmine en décembre 1718 avec la création de la Banque Royale. Son but : remplacer toute la monnaie métallique par des billets de banque gagés sur les entreprises du financier écossais. À partir du 21 décembre 1719, seuls ces billets sont utilisables dans les transactions importantes. C’est le début d’une période de spéculation, de dévaluation et d’inflation frénétique.
D’abord limitée à Paris, la circulation des billets se répand en province au cours de l’année 1720(1). Pourtant, le système est déjà proche de sa chute. Celle-ci commence avec un arrêt du conseil d’État du 21 mai 1720, qui prévoit une réduction graduelle du système. Bien qu’annulée six jours plus tard, cette décision casse tout reste de confiance dans le système. Dès lors, chacun cherche à se débarrasser de ses billets au plus vite, notamment en rachetant ses dettes.
Law et le Régent multiplient pourtant les manœuvres pour tenter de pérenniser le système. À l’été 1720, il est décidé de créer en province des bureaux de la Banque Royale. Ils faciliteront les affaires des négociants de Paris et émettront du papier-monnaie. L’un de ces bureaux doit être créé à Nantes(2). On nomme à sa tête un négociant, Pierre Michel (1663-1724), dont le père était déjà une figure du commerce nantais. Il est marié à une Irlandaise dont la famille est installée à Saint-Malo.
Fermeture express
Le 10 septembre, donc, voici tout juste 300 ans, le bureau nantais de la Banque Royale est solennellement inauguré par le maréchal d’Estrées, gouverneur de la Ville et l’intendant de Bretagne, Feydeau de Brou. Face à ces représentants du pouvoir central, les autorités locales se manifestent bientôt pour tenter de mettre fin à un système pervers. Le 15 septembre, Pierre Le Prieur et Charles Gellée, échevins de la ville… ferment la banque « en exécution de l’article VI de l’arrêt du Conseil du Roy du 15 août 1720 ».
Cet arrêt – un arrêt de mort pour le système de Law – prévoyait la démonétisation des billets de 1 000 et 10 000 livres dès le 1er octobre 1720, et des billets de 10 et 100 livres le 1er mai 1721 : à quoi bon en imprimer de nouveaux ? La presse destinée à timbrer les billets de banque est renvoyée à Paris. Restent des rancœurs tenaces : la crise a provoqué des fortunes et des ruines soudaines. Cependant, après un net passage à vide en 1720, la dynamique économie nantaise rebondit dès l’année suivante(3).
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(1) Voir Jérôme Jambu, « Le Système de Law dans les campagnes. L’exemple du Pays d’Auge », Annales de Normandie, 2000, n° 50-2, p. 297-320.
(2) Voir Farid Abbad, « La crise de Law à Nantes », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, 1975, n°82-3.
(3) Idem.
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Illustration : château de Nantes, photo BI, droits réservés
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