Dominique Labarrière : « C’est parce que la femme est femme qu’elle est désignée comme sorcière et coupable »

Dans Le Bûcher des sorcières (Pygmalion), Dominique Labarrière étudie la figure de la sorcière au fil des siècles et des jugements.

Du procès de Kilkenny aux sorcières de Salem en passant par les possédées de Loudun, les hécatombes de Trèves, Wurtzbourg et tant d’autres, voici un décryptage des grandes affaires de sorcellerie et possession. Cette enquête restitue le climat de fanatisme et d’hystérie tant individuelle que collective de cette époque étonnamment contrastée et riche, où s’affrontent – et parfois se mêlent – un obscurantisme démentiel et les avancées intellectuelles des Montaigne, Descartes, Érasme…

Écrivain, philosophe de formation et historien par passion, Dominique Labarrière a publié des romans, des récits et des documents. Depuis une quinzaine d’années, il se consacre plus particulièrement à l’étude et à l’analyse de faits divers, d’énigmes judiciaires, de procès et de faits historiques.

Nous l’avons interrogé à ce sujet, passionnant !

Breizh-info.com : Qu’est-ce qui vous a amené à écrire ce livre ?

Dominique Labarrière : Contrairement à ce que l’on croit souvent, ce n’est pas au Moyen Âge qu’on brûle le plus volontiers les sorcières mais plus tard, à l’époque de la Renaissance et jusqu’au siècle des Lumières. Cette frénésie obscurantiste s’étend donc sur plus de deux siècles. Autant dire qu’elle n’est pas seulement une péripétie, qu’elle ne relève pas de l’anecdote mais de tout un mouvement culturel, intellectuel, social, religieux, politique qui a marqué en profondeur notre inconscient collectif. Cette affaire des sorcières, la traque obsessionnelle menée contre elles, l’arsenal juridique de l’Inquisition que l’Église et le pouvoir laïque ont déployé pour les exterminer, soulèvent des questions très actuelles : la tentation du religieux de prendre le contrôle de la société civile par une idéologie de la terreur, et, surtout, la stigmatisation de la femme comme bouc émissaire presque exclusif du mal. Les préjugés mis alors en oeuvre ont laissé des traces jusqu’à nos jours. Il est donc extrêmement intéressant et éclairant de les décrypter.

Breizh-info.com : Comment définit-on une sorcière de l’Antiquité à notre époque ?

Dominique Labarrière : Tant dans l’Antiquité que, d’ailleurs, dans d’autres cultures que celle de notre Occident, la sorcière est davantage perçue comme une magicienne, comme celle qui, par la connaissance qu’elle a des philtres, des potions, des astres et de maintes pratiques obscures, peut apporter des bienfaits ou des méfaits. Pour notre culture occidentale, les documents les plus anciens en situent le berceau en Thessalie d’où elle se serait propagée à la Grèce entière où on l’appelait goétie. Mais cette magicienne n’est pas alors accusée formellement de pacte avec le diable. C’est avec le développement de l’Église de Rome et lors de son combat contre les hérésies que la relation sera établie entre sorcière et soumission à Satan. (Il est à noter que l’Église réformée, protestante, mettra autant d’ardeur à expédier de prétendues sorcières au supplice). En cela, on peut dire que la sorcière qui fait l’objet de la répression des bûchers n’est pas de même nature de celle qui l’a précédée, ni de celle d’autres cultures. D’ailleurs, on pourrait aussi dire que la sorcière, celle dont je parle, n’est autre qu’une invention – diabolique – de l’Inquisiton. Aujourd’hui, la sorcière n’est évidemment plus associée à la puissance maléfique du diable, du Prince des Ténèbres. Elle serait même une personne plutôt bénéfique qui puiserait dans l’intégrité et la puissance reconquises de la féminité des vertus, des pouvoirs salutaires.

Breizh-info.com : Quel rôle a joué le christianisme dans l’ostracisation (et les procès) des femmes accusées de sorcellerie ?

Dominique Labarrière : L’Église catholique romaine, bientôt suivie, redisons-le par la protestante, a joué un rôle majeur. C’est elle qui, tout à la fois, désigne la femme comme coupable principale, presque exclusive, conçoit la machine proprement infernale de la procédure inquisitoriale, notamment avec la torture, et qui, donc, allume les bûchers qu’on va voir brûler pratiquement dans toute l’Europe. L’hérésie de sorcellerie est dénoncée comme l’hérésie la plus grave de toutes, et mission est officiellement donnée aux dominicains de la combattre jusqu’à extermination par le pape Innocent VIII, en 1484. La femme est désignée comme la cible privilégiée dès ce moment, en raison notamment de « la passion charnelle qui en elle est insatiable (sic) » et qui la pousse à se donner sexuellement au diable. Ainsi, d’emblée, bien plus que d’être coupable de prétendus faits de sorcellerie, la femme est coupable d’être femme. Quant à l’objectif de ces croisades contre l’hérésie, il est clairement exprimé dans le fameux Manuel des Inquisiteurs : « La finalité des procès et de la condamnation à mort n’est pas de sauver l’âme de l’accusé(e), mais de maintenir le bien public et de terroriser le peuple. » Là est bel et bien la dimension politique de l’affaire.

Breizh-info.com : Qu’est-ce qui caractérise les grands procès que vous évoquez dans votre livre ? Quels points communs ont ces femmes qui terminèrent sur le bûcher ?

Dominique Labarrière : La caractéristique de ces procès de sorcellerie est l’extrême sophistication, le cynisme achevé de la procédure. Tout, dans cette parodie du justice, dans cette barbarie institutionnelle, est

très précisément codifié. Rien n’est laissé au hasard. La délation est non seulement encouragée par l’Inquisiteur, mais elle est sacralisée puisque chaque dénonciation d’une possible sorcière donne droit à trois années d’indulgence, trois années de purgatoire en moins. La torture elle-même est très soigneusement réglementée. Torture physique mais aussi bien sûr psychologique. La fabrique à coupables fonctionne merveilleusement bien. Imparable. Un contemporain de ces crimes – il n’y a pas d’autre mot – écrit : « Nous n’avons pas tous avoué être sorciers parce que nous n’avons pas tous été torturés. » Quant à ce que les femmes poussées sur le bûcher ont en commun, c’est tout simple. Elles ont en commun d’être femmes. Jeunes, vieilles, belles, laides, qu’importe. Toute femme est une proie possible. Là, est le but d’ailleurs. Qu’aucune femme puisse se croire innocente !

Breizh-info.com : N’est-ce pas totalement anachronique (et partisan) de vouloir faire de la sorcière un symbole féministe comme l’ont écrit 200 personnalités ayant récemment signé une pétition à ce sujet ?

Dominique Labarrière : Sans doute. Mais il s’agit d’une démarche militante, avec tout ce que cela peut comporter de simplification, d’accommodement. Cela dit, le symbole est bien trouvé si l’on se réfère à la réalité que je me permets de souligner dans mon livre, à savoir que c’est parce que la femme est femme qu’elle est désignée comme sorcière et coupable. Et non en raison de fautes ou de crimes qui lui seraient objectivement imputables. Que cette stigmatisation extrême et totalement arbitraire ait été retenue par ces militantes ne me surprend donc pas et, de surcroît, ne me paraît nullement injustifié.

Breizh-info.com : Notre 21ème siècle ne voit-il pas naître de nouveaux sorciers et de nouvelles sorcières, à travers notamment tous ceux qui, aujourd’hui, subissent des procès en raison de lois limitant de façon croissante la liberté d’expression, en France notamment ?

Dominique Labarrière : C’est la crainte que nous pouvons avoir. Et c’est la vigilance que nous devons exercer à tout moment en tout lieu. Dans toutes les phases de l’histoire où l’obscurantisme gagne du terrain, les procès en sorcellerie ne sont pas loin. Or, l’obscurantisme ces temps-ci se porte plutôt bien. La liberté d’expression est à la fois mise à mal, contestée, confisquée, castrée pour tout dire, et, dans le même mouvement, elle est également dévoyée, l’ignorance prenant le pas sur le savoir, l’émotionnel sur la raison, le dogme sur l’analyse, la croyance sur la connaissance. L’inquisition intellectuelle s’installe, progresse à grands coups de certitudes toutes faites, invérifiables et invérifiées.

C’est pourquoi – pardon pour ce manque d’humilité – se pencher sur les mécanismes inquisitoriaux, sur ces parodies de justice, ces inepties érigées en vérités intangibles qui ont conduit des milliers de femmes à la plus atroce des morts, est aujourd’hui une nécessité. Ne serait-ce que pour signaler une fois encore que nos civilisations, nos sociétés ne sont jamais à l’abri de ces naufrages de la pensée.

Breizh-info.com : Quels livres fondamentaux sur la sorcellerie en Europe recommanderiez vous ?

Dominique Labarrière : Bien évidemment, La Sorcière, de Jules Michelet. Mais aussi :

– Histoire de la sorcellerie, Colette Arnould.

– Le Roi et la sorcière, l’Europe des bûchers, XVème – XVIIIème siècle, Robert Muchembled.

– Possession et sorcellerie au XVIIème siècle, Robert Mandrou.

– Le Sabbat des sorcières, Carlo Ginzburg.

– Les sorcières et leur monde, Julio Caro Baroja.

– Malleus Maleficorum, le Marteau des Sorcière, Henri Institoris, Jasques Sprenger.

– Le Manuel des Inquisiteurs, Nicolau Eymerich, Francisco Pena.

– La Démonologie des sorciers, Jean Bodin.

Propos recueillis par YV

Crédit photo : DR
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Une réponse à “Dominique Labarrière : « C’est parce que la femme est femme qu’elle est désignée comme sorcière et coupable »”

  1. Samuel dit :

    Je suis tout simplement abasourdi par la fausseteté et les mensonges que je viens de lire. C’est dingue, je suis d’origine kabyle, j’ai la trentaine et pourtant j’en sais plus que les bretons de breizh-info sur les chasses aux sorcières. Comment pouvez-vous publier de telles sottises ? Vous etes devenus des SJW gauchistes sur ce site ?

    Alors dans les faits et contrairement aux mensonges de ce soi-disant écrivain Dominique Labarrière, personne ne brule des sorcières avant la Renaissance et l’episode de ce que l’on nomme la « chasse aux sorcières » qui a lieu de la seconde moitié du 16ème siècle à la première moitié du 17ème siècle, soit à la l’époque moderne. Elle a lieu partout en Europe, fera environ 25000 à 30000 victimes, mais pas du tout uniquement de femmes (60% de femmes, 40% d’hommes, donc dèjà prétendre que le femme est visée spécifiquement est grotesque) et sera le fait de juges locaux et de tribuanux laiques. Cette folie sera stoppée par la concomitance de trois acteurs (en France), l’Eglise catholique romaine, la Royauté française et les médecons généralistes de Paris !

    Oser prétendre que l’Eglise brule, oser parler d’hérésie de sorcellerie (grotesque), parler d’inquisition, on va voir cela :

    Les chasses aux sorcières a eu lieu dans toute l’Europe, dans les pays protestante encore plus, plus on s’éloigné de Rome, plus les buchets brulés, pourquoi ? Car l’Eglise n’était pas là pour faire cesser ces actes d’ignominie, partout où l’Eglise était puissante, les juges locaux et laiques ne pouvaient pas commettre leur crime et leur delire, là où elle était absente, ils s’en donné à coeur joie.

    Que cet écrivain ose mentir sur l’Eglise est infame (bon on a l’habitude depuis deux siècles), prétendre que l’Eglise catholique contribue à « prendre le contrôle de la société civile par une idéologie de la terreur, et, surtout, la stigmatisation de la femme comme bouc émissaire presque exclusif du mal. » est la chose la plus stupide que j’ai pu lire, personne n’a plus fait pour les femmes que l’Eglise, jusqu’à placer une femme « au-dessus de Dieu », la Sainte Vierge.

    Bref comme d’habitude on est dans l’inversion accusatoire, tout ce que le pouvoir laique et les puissants locaux ont fait, on le met s sur le dos de l’Eglise, c’est lourd au bout d’un moment.

    Concernant l’Inquisition, toujours les memes sottises, inquisitio cela signifie « enquete », il n’ y a rien de sinistre derrière, c’est comme si dans 500 ans des débiles parlant une autre langue stigmatiser le « parquet »… Quelle intelligence wow.

    L’Inquisition avait des regles, sans blague, comme les magistrats, la police, l’armée… Je rappel qu’on est pas à l’epoque des tapettes de 2020 ou des chialeurs qui manifestent (on va vous y voir bientot breizh-info ?). La torture n’est pas un acharnement cruel, on nomme cela « la question » qui est effectuée, APRES avoir établi la culpabilité de l’accusé par l’enquete afin qu’il puisse avoué ses crimes. C’est toujours effectué aujourd’hui en Occident et partout dans le monde réveillez vous bande de fragile, si vous croyez que l’Etat français ne pratique pas la torture afin de vérifer des infos, vous etes pathetique.

    Faire du mal, ce n’est pas faire le mal, et faire le bien, ce n’est pas faire du bien. Vous avez quel age ?

    Une autre débilité de cet écrivain :

    « à savoir que c’est parce que la femme est femme qu’elle est désignée comme sorcière et coupable. »

    Non c’est faux ! N’importe quel véritable chercheur et historien (c’est a dire qui use des méthodes scientifiques) sait que la chasse aux sorcières est un evenement mystérieux. En effet, en réalité et vous pouvez lire tout ceux qui ont travaillé sur ce sujet (je parle des historiens, pas des anthropologues, des sociologues, des ecrivains… qui ne sont pas historiens, un mecanicien, ce n’est pas un menuisier…) expliquent qu’il n’ y a pas de raisons claires et objectives à cet evenement de la chasse aux sorcières, et encore aujourd’hui il est quasiment inexpliquable. Marion Sigaut est l’historienne qui a le plus approché la vérité selon moi, si ce sujet vous interesse breizh-info, interrogez la plutot que cet escro ou liser ses livres (notamment sur « l’Hopital général de Paris » et vous comprendrez mieux les débilités de ce Labarrière).

    Prétendre que les débiles de feministes actuelles ont en parti raison de reprendre l’image de la sorcière est débile. Les femmes (et les hommes) qui ont été brulé au cours de ces evenements étaient des PERSONNES isolées (veuves, ermite, sans proche, sans famille…), elles n’ont jamais pratiqué de cérémonies occultes, de rites sataniques, ni n’ont jamais dansées nues avec des animaux, cela ce sont les accusations de leurs bourreaux. Or ces débiles de feministes reprenent les accusations de ces bourreaux et les valident en reprenant l’image grotesque et caricaturale de la sorcière en prétendant que les victimes ont eu ces comportements car elles étaient libres blablabla, ce sont des idiotes qui valident a posteriori les accusations des bourreaux, bref ce chercheur est une farce.

    Surtout, c’est l’Eglise qui apermis de mettre un terme à ces buchés. L’Inquisition, elle, a surtout agit lors de la chasse aux hérétiques qui eu lieu en plein moyen age. On en fait tout un plat mais c’est 200 morts en 2 siècles à tout casser…

    Breizh-info, vous etes des français, des centaines de milliers de bretons sont morts pour la France, arretez avec vos délires puerils et débiles, presque gauchistes, de cracher sur votre histoire. Surtout en diffusant des mensonges pareils.

    Interrogez plutot Marion Sigaut qui a écrit des ouvrages sur ce sujet :

    « Mourri à l’ombre des Lumières »
    « L’Hopital général »
    « La Chasse aux sorcières et l’Inquisition »

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