Johanna Rolland (PS), maire de Nantes, n’est pas rancunière. Christophe Jouin l’enfarine, elle le prend sur sa liste au second tour des élections municipales. Devenu conseiller municipal dans la majorité, le citoyen Jouin aura-t-il envie d’enfariner la maire chaque fois qu’elle prendra une décision qui ne lui convient pas ?
Rappelons les faits. Samedi 6 octobre 2018, jour du marché, Johanna Rolland (PS), maire de Nantes, entourée d’une bonne vingtaine d’élus, va à la rencontre des habitants de la Petite Hollande afin de leur présenter son projet de transformation du quartier, avec des jardins et un parking souterrain à la place des voitures en surface. Jusqu’à ce qu’elle se fasse accrocher par un groupe d’une petite dizaine de militants spécialisés dans l’aide aux migrants clandestins qui lui reprochent de ne pas en faire assez pour les « réfugiés » – pourtant 700 « demandeurs d’asile » ont été mis « à l’abri » par la municipalité. Mais le groupe dénonce à grands cris « une mairie hypocrite » et l’un de ses membres, Christophe Jouin, étudiant en droit de 24 ans, balance un sac de farine sur Johanna Rolland. Cette dernière porte plainte contre X.
Un mois de prison avec sursis et 150 euros d’amende
Le coupable est rapidement identifié et envoyé devant le tribunal correctionnel pour violences sans ITT sur personne dépositaire de l’autorité publique. Les juges ont estimé le prévenu coupable : un mois de prison avec sursis et 150 euros d’amende. Commentaire de François de Rugy (LREM) à l’époque ministre de l’Écologie : il s’agit d’« actes dégradants et violents qui montre le peu d’esprit démocratique de ces militants extrémistes » (Dimanche Ouest-France, Nantes, 7 octobre 2018).
Arrivent les élections municipales. Et on retrouve le vaillant Christophe Jouin, étiquette société civile, sur la liste « Nantes ensemble » conduite par Julie Laernoes (EELV) à la douzième place. On sait que le grand rêve des écolos est de terminer ce premier tour en tête afin de réaliser la fusion avec la liste de Johanna Rolland (PS) à leur profit. Mais il n’en sera rien. La liste socialiste termine première (31,36% des exprimés), la liste de droite (Laurence Garnier) deuxième (19,94%) et la liste écolo (Julie Laernoes) troisième (19,58%) Dans ces conditions, la fusion socialo- écolo s’effectue donc sous la direction de Johanna Rolland. Mais l’ami des migrants n’a pas disparu : Christophe Jouin occupe la trente-deuxième place de la liste « Nantes en confiance ». « J’assume, dit la maire, qui salue l’expertise de l’intéressé dans le domaine de la solidarité. J’ai la volonté de laisser une chance » (Presse Océan, mercredi 13 juin 2020). On sait que la négociation a été difficile et que les écolos sont parvenus à imposer 26 candidats sur une liste qui en comporte 69 – la présence de Jouin s’imposait donc arithmétiquement. Et comme Madame Rolland n’avait pas l’intention de faire un casus belli, trop préoccupée qu’elle était par le bouclage de la liste, on en est resté là.
Ravi de son entrée au conseil municipal
Avec 59,67% des suffrages exprimés, la liste Rolland obtient 56 élus, dont le fameux Jouin. Lequel semble ravi de son entrée au conseil municipal : « Jusque là, on aboyait devant la porte de l’hôtel de ville. Là, je vais pouvoir porter le combat de l’intérieur. Et, preuve que ça peut être efficace, on a déjà obtenu 10 millions par an dans le programme de Johanna Rolland pour les sans-abri. » (Ouest-France, Loire-Atlantique, mardi 30 juin 2020).
La leçon de l’histoire apparaît simple. Celles et ceux qui souhaiteraient figurer en position éligible sur la liste de Johanna Rolland en 2026 savent ce qu’il faut faire : commencer par enfariner cette dernière. Puis médiatiser l’affaire afin de se rendre incontournable. Des « extrémistes » pourraient même envisager de constituer une liste avec 69 enfarineurs. À la nantaise, bien entendu.
Bernard Morvan
Photo d’illustration : DR
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