Dans la majorité au début du quinquennat d’Emmanuel Macron, aujourd’hui dans l’opposition, ainsi va Paul Molac. Mais qu’importe le positionnement du député de Ploërmel. Ce qui compte, c’est l’action qu’il mène en faveur de la Bretagne. Si tous les députés de Bretagne pouvaient en faire autant, ce serait formidable.
Élu par hasard en 2012
Paul Molac, député de Ploërmel, est un champion. Élu par hasard en 2012, alors qu’il n’appartenait pas à un parti politique mais au mouvement culturel breton – c’est un « chantou » qui fut président du Conseil culturel de Bretagne. Mais les aléas de la vie politique font que cette circonscription de droite soit cédée par le PS aux écolos (EELV), lesquels, faute de militants dans le secteur, rétrocédèrent la candidature « de gauche » à l’UDB, laquelle, ne possédant pas davantage de partisans dans ces communes rurales, le « cède » à Paul Molac qui accepte de se dévouer, sachant son élection impossible. Mais la chance va l’aider. En effet la droite est représentée par François Guéant (UMP) que son père Claude Guéant, ministre de l’Intérieur de Nicolas Sarkozy, a parachuté à Ploërmel. Au lieu d’être élu facilement, Guéant est battu nettement, car le « tout sauf Guéant » fonctionne à plein, si bien qu’une fraction notable de l’électorat de droite vote pour l’enfant du pays (fils de paysans), Paul Molac. Au second tour, 32 197 voix (52,56%) pour le Breton et 29 064 (47,44%) pour le parachuté ; il aura manqué 3 133 voix à ce dernier qui bénéficiait pourtant du soutien des notables locaux, toujours prompts à s’aplatir devant un supposé « puissant » débarquant de Paris. Vaguement avocat, Guéant avait été salarié au siège de l’UMP à Paris, conseiller dans des cabinets ministériels (Hortefeux, Dati, Marleix), pour être finalement recasé au cabinet du président des chambres de commerce. Un personnage falot qui n’enthousiasmait pas les foules lorsqu’il se présentait dans les communes de la circonscription ; ce n’était pas une bête politique.
Une fois élu, Molac demeure un militant des langues bretonne et gallo. À l’Assemblée nationale, il fait sensation en intervenant dans cette première langue : « Pep tra a zo mat a zo mat da gaout » (« Tout ce qui est bon es bon à prendre »). Et comme la séance était présidée par Marc Le Fur (UMP, Loudéac), il eut droit à une réponse en breton : « Matreze tout an dud n’o deus ket Komprenet » (« Tout le monde n’a peut être pas compris »). Il est probable que Molac et Le Fur avaient préparé leur coup ! (Deuxième séance du mardi 1er octobre 2013). Pendant ce mandat, il sera d’abord apparenté au groupe écologiste, puis au groupe socialiste sans être encarté.
Réélu dans un fauteuil en 2017
Bien implanté dans la circonscription car sachant rendre service aux électeurs, populaire car chantant en gallo dans les fêtes, évitant de jouer à l’homme « de gauche », Paul Molac sera réélu dans un fauteuil dès le premier tour des législatives de 2017 : 54% des suffrages exprimés, écrasant la concurrence (14,45% pour la candidate LR et 12,16% pour le candidat LFI). Mais, cette fois, il a changé d’écurie. Il n’est plus « de gauche » mais Marcheur (LREM)… Il profite donc de la poussée macroniste. Notons qu’il est le seul en Bretagne à être élu dès le premier tour. Tout naturellement, Molac vote « pour » lors du scrutin oublic sur la déclaration de politique générale du gouvernement d’Édouard Philippe (mardi 4 juillet 2017) ; il appartient au groupe La République en marche.
Mais le vent tourne…
Mais le vent tourne. Molac commence par avouer qu’il n’est « pas toujours à l’aise dans cette majorité » (Le Point, vidéo, samedi 4 août 2018). Il franchit rapidement le Rubicon en participant à la création d’un nouveau groupe à l’Assemblée nationale – Libertés et territoires (mercredi 17 octobre 2018) – constitué d’éléments très divers, par exemple les trois députés nationalistes corses (18 membres aujourd’hui). Mais le député de Ploërmel demeure prudent : « Notre groupe n’est ni dans l’opposition, ni dans la majorité. Je le vois comme un aiguillon sur les sujets qui nous tiennent à cœur : l’autonomie des territoires, mais aussi la transition énergétique et la justice sociale. Nous serons force de proposition. Je ne veux qu’une seule chose : que ça avance ! » (Le Télégramme, jeudi 18 novembre 2018).
On constate un nouveau glissement de l’intéressé en juillet puisqu’il vote « contre » lors du scrutin public sur la déclaration de politique générale du gouvernement de Jean Castex (15 juillet 2020). La boucle est bouclée, Molac appartient désormais à l’opposition.
Réélu en 2022 ?
Pour un député breton qui se définit comme « autonomiste », l’important n’est pas d’appartenir à un groupe plutôt qu’à un autre. On attend de lui qu’il défende les intérêts de la Bretagne – culturel, économique, politique. Ce qui exige habileté et vigilance afin de saisir toute occasion permettant de faire avancer le schmilblick (langues régionales, régionalisation). Mais, si l’affaire semble difficile lorsque l’on est noyé dans un groupe pléthorique comme LREM (280 membres aujourd’hui) –sauf à y jouer un rôle moteur -, la partie n’est guère plus aisée lorsque l’on appartient à un petit groupe condamné à faire de la figuration. Sous la IVème République, existaient les partis « charnières » qui pouvaient monnayer leur vote, mais, sous la Vème, on doit tenir compte d’une majorité qui colle au gouvernement.
Si, en 2022, le mode de scrutin n’est pas modifié, Paul Molac sera capable de se faire réélire sur son nom à Ploërmel. Pour le plus grand bénéfice de la Bretagne.
Bernard Morvan
Crédit photo : Gwendal/Wikimedia (cc)
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