Décadence ligérienne
La restauration ligérienne des environs de Nantes a fait les belles heures d’une cuisine traditionnelle en prise directe avec les ressources piscicoles et maraîchères de la Loire : cuisses de grenouille, sandre au beurre blanc, légumes à la nantaise, autant de spécialités mises à l’honneur sur la carte de restaurants inscrits dans le patrimoine culinaire nantais.
Aujourd’hui les grandes adresses de bord de Loire subsistent cahin caha, au gré des vicissitudes et des changements de mode qui ont jeté une certaine obsolescence sur cette gastronomie devenue quelque peu désuète, lorsque le renouveau ne s’est pas opéré.
La villa Mon rêve a perdu de son lustre et malheureusement aussi son chef charismatique Gérard Ryngel, l’ancien étoilé : le jardin des Forges de Champtoceaux n’est plus, quant à la maison Bénureau déchue de ses étoiles, elle perdure dans la défense d’un classicisme de bord de Loire aux accents surannés. Seule Clémence a connu un véritable regain par la modernisation spectaculaire de son restaurant et surtout de sa cuisine, désormais mieux ajustée au goût contemporain.
Renouveau à Oudon
Et puis il y a eu les nouveaux entrants… La Villa Saint-Germain s’installe en 2008 à l’ombre de la grande Tour d’Oudon, dans une vieille maison de bourg aux chaleureux murs de pierre. Très rapidement, la cuisine méticuleuse et créative du chef Marie le Calvez est adoubée par le petit monde gastronomique nantais et s’introduit dans le sérail du guide des Tables Nantaises. L’adresse s’impose par l’éclat d’un menu du midi particulièrement abouti et large en propositions, présenté au prix dérisoire de 20€.
Virtuosité d’un menu à 20 €
Quelques plats peuvent légitimement majorer ce coût d’entrée en raison du caractère noble de certains produits, mais les surcoûts restent limités et n’entravent pas l’accessibilité du menu.
Disons-le d’emblée, rarement il sera donné l’occasion au gastronome de connaître des envolées de saveurs aussi enthousiasmantes à un accès tarifaire aussi modeste. Des entrées ultra soignées et savoureuses à l’excès (risotto de seiche et gaspacho de tomates assorti de beignets de crevettes), aux plats rigoureux et justement proportionnés (magret de canard et purée à la vanille ou filet de lieu jaune cuit en basse température agrémenté d’une savoureuse mousse au sarrasin), aucune anicroche ne vient ternir un cheminement serein et maîtrisé de ce « simple » menu du midi. Jusqu’au dessert (remarquable tiramisu et moelleux à l’abricot), trop souvent cantonné dans le rôle du maillon faible des bonnes tables n’ayant pu recruter un pâtissier, qui vient poser le point d’orgue d’une prestation exempte de toute faiblesse.
Le même professionnalisme inspire une carte des vins avisée, très à l’affût sur la représentation des grandes valeurs locales à l’image de Jérôme Bretaudeau du domaine de Bellevue. Sa cuvée générique en Muscadet Sèvre et Maine montre une brillance aromatique peu commune qui subjugue à la première gorgée. La carte n’oublie pas les vins de confiance du domaine des Génaudières, installé à un jet de pierre du restaurant, son malvoisie surclasse régulièrement par un excellent équilibre et une belle concentration les autres représentants de l’appellation. D’ailleurs les jolis flacons (Léon Barral en Faugères, Grange des Pères, Gramenon) qui trônent au-dessus du comptoir rappellent la sensibilité des propriétaires pour les grands noms sudistes.
La Villa Saint-Germain établie depuis une dizaine d’année dans la tranquille petite cité de caractère d’Oudon, devrait être chérie par tous les gastronomes nantais comme une adresse de pèlerinage ou l’on vient se ressourcer et oublier toutes les déconvenues culinaires de l’année.
Raphno
Crédit photo :DR
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