Marine Le Pen serait-elle en train de refaire le coup (foireux eu égard des résultats électoraux qui suivirent) de son père en 2007 et de la dalle d’Argenteuil ?
Charles N’Tchoréré, exécuté… par un soldat de la Wehrmacht
A lire sa dernière sortie sur « l’assimilation républicaine », c’est ce que l’on peut penser. A voir la purge interne qui a lieu actuellement dans le parti, on peut s’interroger.
Quoi qu’il en soit, à l’occasion de sa sortie presque d’un autre temps eu égard des évènements actuels sur « L’assimilation républicaine, condition indispensable à la cohésion de la nation », Marine Le Pen a montré une petite lacune historique.
Ainsi, au même titre qu’elle adore évoquer « ses compatriotes d’Outre-Mer », se féliciter du statut français de Mayotte, ou encore mettre en avant « la diversité » au sein du RN (comme si c’était ce qui amenait les électeurs à voter pour elle), cette dernière a introduit son discours par une phrase du capitaine africain né français par la colonisation, Charles N’Tchoréré : « J’ai une foi inébranlable en la destinée de notre chère France. Rien ne la fera succomber et, s’il le faut pour qu’elle reste grande et fière de nos vies, eh bien, qu’elle les prenne! Du moins, plus tard, nos jeunes frères et nos neveux seront fiers d’être français, et ils pourront lever la tête sans honte en pensant à nous ».
Marine Le Pen d’expliquer ensuite : que Charles N’Tchoréré aurait été, après sa capture par l’armée allemande, « froidement abattu par un soldat de la Waffen-SS, le 5 juin 1940. Il avait exigé, après avoir été fait prisonnier, de ne pas être séparé des officiers blancs par des Allemands qui refusaient, du fait de sa couleur de peau, de lui rendre les honneurs dus à son rang »
Il y a tout de même un gros hic historique. Ce n’est pas un Waffen SS qui a abattu Charles N’Tchoréré. Mais un sous officier de la Wehrmacht, l’armée allemande. Et la scène se passait à… Airaines (il suffit de le dire à haute voix pour apprécier l’ironie).
Une lacune historique pour Marine Le Pen
Ainsi, le livre de Jean-Pierre Richardot, 100 000 morts oubliés : La bataille de France, 10 mai-25 juin 1940 apporte une précision sur l’exécution du capitaine : il s’agit d’un sous officier de la 7e division blindée allemande, sous les ordres d’Erwin Rommel(1).
Certains historiens expliquent que les soldats de la Wehrmacht, en exécutant sommairement des soldats noirs, vengeaient ce que la propagande allemande de l’époque a nommé « la honte noire« , c’est à dire l’occupation de l’Allemagne par les troupes africaines après la Première Guerre mondiale (et les exactions qui suivirent, exagérées pour certains, minorées pour d’autres).
Quoi qu’il en soit, durant la Seconde guerre mondiale, 1500 à 3000 prisonniers africains seront ainsi exécutés sommairement pendant la campagne de France. (A noter qu’il n y a pas que dans le camp allemand que des hommes se comportèrent en salauds, puisque l’armée d’Afrique et ses goumiers marocains servant la France, elle aussi, se livrera, entre autres, à de nombreuses exactions sur des populations civiles, notamment en Italie, en 1944). Leclerc lui même se livrera à une exécution sommaire et sans jugement de Waffen SS Français, à Bad Reichenhall, en 1945 énervé dit-on que ces Français à qui il demandait ce qu’ils faisaient sous uniforme allemand lui rétorquent qu’il portait un uniforme américain…)
Pour revenir à l’exécution de Charles N’Tchoréré et son interprétation par Marine Le Pen donc, certains y verront une continuité dans la course à la revendication gaulliste (après l’épisode de l’île de Sein) et donc de l’anti-nazisme, d’autres n’y verront qu’une petite lacune historique , un point de détail dirait son père !
(1) Cette précision laisse néanmoins subsister des zones d’ombre. La citation du capitaine N’Tchoréré à l’ordre de la division, le 12 octobre 1940, n’indique pas les circonstances de sa mort. Elle a été remplacée le 29 août 1954 par une citation à l’ordre du corps d’armée selon laquelle il « a trouvé une mort glorieuse au cours de l’action du 7 juin 1940 », ce qui concorde avec un témoignage versé à son dossier militaire assurant qu’il serait mort en combattant « le fusil-mitrailleur à la main ». Selon un entrefilet paru dans une publication de la France libre en Afrique, il aurait plutôt été assassiné en Allemagne en 1941 pour avoir refusé de poser les mains sur son casque. Tous les récits de la mort de Charles N’Tchoréré parus ces dernières années, y compris le texte de sa lettre à son fils, semblent provenir d’une source unique : une biographie intitulée Le Capitaine Charles N’Tchorere, un officier gabonais dans la tourmente de la deuxième guerre mondiale et publiée en 1984 à Dakar par son cousin Louis Bigmann, qui fut lui aussi militaire français avant de mener une carrière politique au Gabon.
Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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