Rien ne va plus au Nouveau Parti Anticapitaliste ! C’est le Monde du 27 juillet qui le dit. Sa journaliste Sylvia Zappi est bien tuyautée. C’est en effet une ancienne de la LCR, l’ancêtre du NPA.
Au dernier conseil politique national de juillet, les 6 tendances de l’opposition (qui représentent 52 % des quelques 2000 militants) se sont coalisées pour contrer une décision de la direction du parti. Cette dernière s’appuie sur 48 % des militants, appartenant à la tendance « majoritaire » qui tient les rênes depuis le début, autour d’Alain Krivine le grand manitou soixante-huitard, maintenant à la retraite, et de sa descendance politique : Christine Poupin, Philippe Poutou et surtout Olivier Besancenot, le principal actif médiatique de ce micro-parti.
Les 6 tendances d’opposition forment l’aile gauche du NPA. Elles exigent depuis le dernier congrès de 2018 une clarification de la ligne du parti, fondé en 2009 sur l’idée floue de l’anticapitalisme. Elles défendent la « centralité de la classe ouvrière » et la construction d’un « parti ouvertement révolutionnaire ». Parmi ces opposants, une figure bien connue en interne : le syndicaliste SUD Gaël Quirante, qui a animé la longue grève des postiers des Hauts-de-Seine, 463 jours de lutte ininterrompue en 2018-2019, bientôt sur vos écrans grâce au film « Grêvons » de la cinéaste Francine Lemaître…
La direction, elle, constate une fois de plus qu’il est difficile de faire fonctionner le vivre-ensemble entre tribus trotskystes. Christine Poupin, porte-parole nationale, s’en explique en exclusivité à Sylvia Zappi, son ancienne camarade devenue journaliste du Monde. Poupin ne se sent plus de « projet commun » avec les « minoritaires » et pense « qu’il faut acter la séparation de fait au lieu de se nuire mutuellement ». Une séparation pour un nouveau départ, autour de la figure populaire de Besancenot.
Après 10 ans d’échec du NPA, Besancenot serait prêt à revenir à la politique active
Le NPA a été créé en 2009 autour des succès électoraux d’Olivier Besancenot, candidat de la Ligue Communiste Révolutionnaire aux présidentielles 2002 et 2007, avec à chaque fois plus de 4 % et plus d’1 million de voix. La popularité personnelle de Besancenot est encore plus élevée (jusqu’à 30 à 40 % d’opinions favorables, niveau équivalent à celui de Marine Le Pen). En 2009, l’idée est de prolonger ces succès par la création du NPA, version élargie et plus ouverte de la LCR.
Or le NPA va se révéler un échec électoral. Son candidat Philippe Poutou n’obtient que 1.12 % en 2012 et 1.09 % en 2017. Dans cette dernière élection, Poutou n’a d’ailleurs pu se présenter que grâce à de surprenants parrainages de dernière minute . Dans le même temps, Mélenchon rafle la mise, obtenant presque 20 % en 2017, un score inouï pour un candidat issu de l’extrême-gauche. Le NPA perd peu à peu son « aile droite » qui rejoint la France Insoumise. Le NPA passe de 9000 adhérents en 2009 à 1300 militants actifs au congrès de 2018.
En 2019, le NPA n’est pas capable de présenter une liste aux Européennes et en 2020 sa présence aux municipales est limitée à Bordeaux et Poitiers. Dans son article, Sylvia Zappi, en s’appuyant sur son contact avec Christine Poupin, décrit « une situation interne où le collectif n’existe plus : de moins de moins de cotisations payées, au point de mettre l’organisation en quasi-faillite, des comités locaux désertés au profit de réunions de factions concurrentes, des décisions sans cesse remises en cause… »
La cas Besancenot : bon client des médias, prince des antifas et millionnaire malgré lui
Dans cet échec collectif, il y a une équation individuelle liée à Olivier Besancenot. Après le congrès fondateur de 2009, celui-ci se met en retrait d’une politique à laquelle il a beaucoup sacrifié depuis son adolescence. C’est l’heure d’une nouvelle étape dans sa vie. Le facteur a en effet rencontré Stéphanie, une cadre de l’édition. Ensemble, ils ont un enfant et s’achètent un appartement dans un quartier encore abordable de Paris. Même en tenant compte de l’emprunt qui a été nécessaire, Olivier est virtuellement millionnaire en francs, selon les calculs de l’historien économiste Jacques Marseille dans son livre la Fortune des Français (il consacre un passage croustillant de ce livre à Olivier Besancenot).
Après sa rencontre avec Olivier, Stéphanie Chevrier déserte un temps l’enfer de l’édition capitaliste en se mettant à son compte ; seule aux commandes de sa maison d’édition Don Quichotte, elle publie des auteurs décolonialistes comme le footballeur Karembeu, la chanteuse Diam’s ou l’incontournable Edwy Plénel. Mais la concurrence est rude et Stéphanie doit finalement retourner au salariat. Elle accepte en 2018 la direction de La Découverte, maison d’édition fondée par le militant tiers-mondiste François Maspéro et aujourd’hui filiale de la multinationale Vivendi.
Olivier, quant à lui, quitte à cette époque la distribution du courrier pour un travail de guichet. Après sa journée à vendre des timbres et des livrets A pour 1000 euros par mois, le jeune papa écrit des livres militants sur la Révolution russe ou l’économie politique. A l’occasion, il participe à des albums de rap ou va supporter son équipe fétiche, le PSG. De loin en loin, il intervient sur BFM TV ou sur Arte…
Une gauche intellectuelle en phase avec les mobilisations contre la « domination blanche »
Si Besancenot semble vouloir sortir de cette vie rangée, c’est peut-être qu’il juge que la situation s’y prête.
Les mobilisations spectaculaires autour de George Floyd et Adama Traoré semblent valider les théories du NPA sur la convergence des luttes intersectionnelles et décoloniales. La France insoumise elle-même se rapproche de cette idéologie et une alliance fructueuse autour de Philippe Poutou a été possible à Bordeaux lors des dernières municipales. C’est d’ailleurs ce rapprochement avec la France Insoumise qui semble avoir mis le feu aux poudres.
Dans cette nouvelle configuration, Besancenot pourrait être tenté de se débarrasser de ses boulets contestataires. Car il n’a pas besoin d’eux. Sa popularité réelle dans le théâtre médiatique n’a pas entamé sa crédibilité sur le terrain militant. Le Monde mentionne en effet qu’il a su « investir ses propres réseaux comme chez les antifascistes ou avec le Collectif des ultras Paris, un groupe de supporteurs du PSG ». Au-delà des jeunes antifas, c’est toute une classe intellectuelle qui réseaute dans l’université, la culture, les médias, les syndicats et les ONG et qui peut se reconnaître en Besancenot.
Bref de quoi nourrir un projet politique, entre violences de rue et batailles médiatiques. Mais ce milieu ultra-militant semble s’illusionner sur les dynamiques de la société. Si la France Insoumise se rallie au décolonialisme, c’est qu’elle est en plein déclin et qu’elle se replie sur ses circonscriptions électorales de banlieue. Plus récemment un sondage étonnant pour Le Point du 22 juillet estimait que 39 % des Français se classaient à droite, 32 % au centre, 16 % nulle part et seulement 13 % à gauche.
Comme si cette dernière n’était plus synonyme d’un monde meilleur, mais plutôt d’une intelligentsia préparant des lendemains qui déchantent.
A.T.
Crédit photo : DR (photo d’illustration)
[cc] Breizh-info.com, 2020, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine