Les Millennials. Un recueil de poèmes témoignages de notre monde absurde.

 Valentin est un jeune poète de trente ans qui a écrit un recueil (pas encore publié, avis aux éditeurs) de poèmes qui sonnent comme un témoignage percutant au sujet de notre monde, de plus en plus absude.

« Plus de valeurs, plus de repères, destructions de pilier ; vénération d’idoles bancales… Depuis quelques années j’écris une série de poèmes que j’ai nommée, «  Les Millennials », et dans laquelle je décris et critique cette époque qui marche sur la tête » nous dit-il.

Nous vous proposons de découvrir quelques uns de ses poèmes ci-dessous. Si un éditeur était intéressé pour l’éditer, nous contacter sur [email protected]

Ambre

Ambre c’est mon prénom. Depuis que je suis né

Je suis un peu des deux, féminins masculins

Doivent se mélanger, sur mon torse des seins,

Sur ma peau de la barbe : en bas c’est épilé.

Mes parents ont suivi les normes de l’époque

Qui indifférenciaient notre cri de naissance.

Nous pratiquions la boxe et quelques pas de danse,

Les dames accouchaient les messieurs en cloques.

Ambre c’est mon prénom, un prénom acceptable

Car il ne genrer rien. Comme mon nom l’indique

Je suis fait pour durer, pour graver l’Historique,

Pour bâtir l’Éternel !… pourtant je suis friable.

Solitude

Dans les habitats gris,

Les peines s’amoncellent.

Sous les couches de peau

Les habits chamarrés,

Et les rires factices,

Ou plutôt de façades…

Le soir devant la glace

De l’image sans tain

Le reflet se questionne :

« Pourquoi suis-je si seul? »

Pas de réponse. Rien…

Soirée de solitude

Et de pensées pesantes.

Envie de réconfort,

Mais aucun doigt caresse.

Demain l’on parlera

À des gens, à des ombres,

Et la nuit reviendra

Dans un profond silence

.Solitude d’amour

Solitude d’amour…

On attend, on attend,

Mais on ne trouve pas.

On se connecte,

On se jauge,

On se voit mais rien n’y fait.

Quelque chose s’est brisée, perdue…

On cherche, on cherche,

Rien ne se trouve

Mais on cherche :

On ne se trouvera pas.

Solitude d’amour…

Et rien ne se découvre,

Tout est découvert.

Les couples se font,

Puis se défont, s’échangent ;

Rien ne se construit,

Tout s’effrite,

On est seul, on se cherche,

On s’attend, on se veut

Mais qui nous veut ? Qui ?

On ne se voudra pas.

Solitude d’amour…

C’était

C’était des bouts de craie, des petits bouts de terre

Entre les joints des murs. La cheminée fumante

Et le poêle alangui réchauffait les chaumières

Des familles soudées, des familles aimantes.

Les villages profonds respiraient la douceur,

Les rivières coulaient dans les veines surprises

Alimentant le sol de nourrices éprises ;

Le soir les habitants portaient de la chaleur.

Puis le désert rural en furieuse cascade

A asséché les pluies et asséché les âmes

De résidents changeants, ne voulant pas changer.

Mais c’est ainsi la vie désormais le progrès

Doit ronger le terroir des hommes et des femmes.

Ne nous étonnons pas de ce présent bien fade…

Ego sans Dieu

Tourmenté à jamais comme de noir vêtu

Mon être s’autoproclame Dieu ! mais si faible…

Que même ses passions, et ses joies, et ses peines,

Ne serait rendre mieux si jamais il le pût…

Lui le géant, le beau, l’immense, le parfait !

Donne-moi un peu de ta grâce, une pincée !

Ne me laisse pas dans ma rage maléfique

Mêlée à ce banal se voulant destructeur…

Toi le fort, le divin, le sage fou voit comme !

Je pleure le soir à vouloir m’émanciper…

D’un ciel brillant d’orage éclairant mes lampions

Vacillant sur des murs sans lignes architectes.

Notre-Dame

Notre-Dame s’en va et ne reviendra plus.

Dans la cendre du Diable et des tissons ardents,

Se meurent le bourdon et les cloches des rues

Carillonnant Paris, endormant ses enfants.

Notre-Dame partie quand soudain le silence

Dans la ville s’installe ; et soudain se tait l’orgue…

C’est l’hiver au printemps qui habille les morgues

D’un manteau triste noir, se découvre l’absence.

Mais soudain dans les cris de la voir s’embraser !

Dans le foyer fumant des poutres incendiées !

S’entend le chant chrétien…

C’est sa mort qui se pleure en vide maternel,

Notre-Dame n’est plus mais la Dame était belle :

« Laissons-les errer, vient… »

Fausse liberté

Et l’on pense être libre… et on le crie partout !

Sur les toits de Navarre à ceux de Jéricho,

S’époumonent la joie d’être enfin libéré

Des carcans étriqués d’une vie de misère.

Et on le chante à tous… et bourdonnent trompettes !

D’une félicité, d’une libération.

La parole s’étend et les corps se déchaînent

Sur les cols et les pans d’imposantes montagnes.

Et on le dit pour vrai… et on l’écrit à tous !

Ce présent n’a jamais été si permissif.

Jetons à bas les murs qui enserrent nos vies,

Supprimons les contours de ce garde opprimant.

Et tant pis ce garde était un garde-fou.

Valeurs averses

Tout valse et vrille et va dans ces valeurs averses !

Combien de temps encore va-t-on subir l’inverse

Assombrissant nos vies dans des vices écueils

Où le sens ne va plus, et où le sang se veule ?…

J’aimerais trouver mots et des moralités

Ainsi que des valeurs ; où est la vérité ?

Mais j’erre dans du gris et quelquefois du noir

Se répand dans le jour, puis soudain c’est le soir…

Beaucoup vrillent autour me demandant de l’aide

Mais moi, moi, comme vous je cherche mon viatique

Que nos aînés, repus, nous ont repris un jour !

C’était quand ? C’était eux ? Ne tirez pas je cède

Aux noirceurs du présent car mon âme élastique

Non soutenue, s’étire !… À terre ! Il fait si lourd…

Son futur ivre

Mon fils dans son lit dort et moi j’écris mes peurs.

Mes peurs de son futur dans un monde si vague…

J’aimerais tant dormir, comme lui, de candeur.

De mes doutes frayeurs je veux que l’on m’élague.

Car pour lui, je le sais, vivre sera faussé.

Les rapports qu’il aura ne seront que paraître…

Il croira en des mots provoquant des nausées

Qu’il n’arrivera pas à faire disparaître.

Toujours ballonné et toujours nauséeux,

Il marchera tordu. Une chape de plomb

Enserrera sa tête en un poids mystérieux

Qu’il ne parviendra pas à saisir pour de bon.

Cela sera ainsi, ça ne changera pas,

Quand il demandera on lui rira au nez.

Il aura beau lutter en cherchant ce qui cloche…

Les cloches sonneront, sonneront ! Dans ses poches

Il remettra ses mains et suivra l’avancée :

Puis il s’interdira, puis il s’interdira…

Sans lui

Plus besoin de ce père, immonde et patriarche,

Imbu de sa puissance et de sa déraison.

Les ordres qu’il émet ne sont que des oukases

Et ses dires des mots, tournés en dérision…

Plus besoin de ce mâle à la vile semence,

La femelle girouette expose sa vengeance

Et pérore à tue-tête à qui veut bien l’entendre,

Que par elle et sans lui, ses tout petits s’engendrent.

Plus besoin de cet homme affaibli désormais,

Plus besoin de ce mort, plus besoin de ce sexe ;

Elles s’engrosseront… … … Et le ciel en été

Brillera sur ces temps devenus unisexe.

Cent-treize

Cent-treize j’ai compté c’est le nombre de jours

Par an que je le vois. Ce n’est même pas là

Moitié, mais c’est le quart, qu’il y a de journées

Et de nuits chaque année. Pour toi cela est juste,

Pour toi cela est mieux, et comme tant de mères

Tu penses dans ton for que si manque le père

Ce n’est que de sa faute. Et tant pis s’il ne voit

Son tout petit grandir !… Mais idiote cervelle,

Toxique maternelle, où crois-tu l’emmener

Ainsi, loin du mentor ?! Te crois-tu les épaules

Assez solides pour, et son âme et son cœur,

Les tenir éloigné du brasier qu’est-ce monde ??!…

Mais je vais te conter ce qui t’arrivera :

Tu perdras son estime et son admiration

Quand demain il saura que ce chiffre cent-treize

Fût le vide pour lui, et le vide pour moi.

Que ce chiffre maudit aura rongé son fort

Intérieur de cristal et qu’au premier cahot,

Il se fissurera… Que lui répondras-tu

Quand il demandera «  Pourquoi as-tu laissé

Si peu papa me voir ? » Que lui répondras-tu

Quand il reprochera à ton corps possessif

De l’avoir possédé pour posséder le peu

De cet amour de toi que tu voues aux enfers ?!

Lui diras-tu du mal de son père ??!! Incapable… … …

Mais je ne veux te plaindre et ne voudrais te voir

Quand demain il voudra, de toi, se séparer :

Tu l’auras mérité !

Puisse ce chiffre treize

Hanter tes noires nuits comme il hante mes jours

Et ce cent associé te couper de ce sang

Qu’à ses six mois de vie tu voulus me couper !…

La maison vide

À côté de la maison où seul j’habite

(Et où tu ne vis plus),

Chante une famille.

Les jeux de leur bonheur éclatent

Dans mon vide,

Moi ? J’écoute les éclats de leurs

Rires et de leurs chants…

C’est une famille basique

Comme il ne se fait plus

Mais où j’aurais tant vu

La nôtre chantonner.

Mais ce n’est pas le cas

Et me voilà bien seul

Quand de ma maison vide

J’entends la maison pleine

Et que la mienne est vide,

Et que la leur est pleine,

Et que la mienne est vide,

Et que la mienne est vide,

Et que la mienne est vide…

Tel un écho sans fin.

Illustration : DR
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