Dans les Pyrénées-Atlantiques, au Pays basque français, une bataille est engagée entre le rectorat de Bordeaux et les élus d’une communauté d’agglomération autour de l’ouverture d’une classe immersive en langue basque.
Le rectorat hostile à l’enseignement du basque
Enseigner le basque à Saint-Pierre-d’Irube (Pyrénées-Atlantiques), voilà une idée qui n’est pas pour plaire au rectorat de Bordeaux. La rectrice d’académie a ainsi refusé l’ouverture d’une classe immersive dans la commune, une formule qui constitue une nouvelle expérimentation « 100 % langue basque » en petite et moyenne section de maternelle à l’école publique de Basté-Quieta.
Le projet en question, lancé il y a deux ans et concernant quelques 18 élèves de la commune de Saint-Pierre-d’Irube, est approuvé par 86 % des parents mais aussi par les enseignants, le Conseil d’école et les élus locaux. En résumé, tout le monde est d’accord à l’exception de l’Inspecteur d’académie.
Sans autre forme de procès, le rectorat a donc refusé l’ouverture de cette classe en langue basque en s’appuyant sur la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance qui rend l’instruction obligatoire dès l’âge de trois ans et, en parallèle, sur la Constitution de 1958 qui « prévoit en son article 2 que l’instruction obligatoire est dispensée en français ». De ce fait, la rectrice d’académie affirme ne plus pouvoir « autoriser des nouvelles expérimentations d’enseignement en langue basque dispensées à 100 % pour les enfants soumis à l’obligation scolaire à l’âge de trois ans ». L’administration jacobine est décidément bien rodée dans son argumentation…
Une réponse « pauvre et brutale » face au succès des écoles immersives
Pour le maire de Saint-Pierre-d’Irube, ce refus n’est ni plus ni moins qu’une « décision politique, une posture idéologique » tandis que le conseiller régional Mathieu Bergé a décrit une réponse « pauvre et brutale » de la part du rectorat. Qui apparaît par ailleurs d’autant plus injustifiée que, jusqu’à présent, 19 expérimentations immersives dans l’enseignement public et 19 dans l’enseignement privé confessionnel ont été réalisées au Pays basque. Avec succès.
D’autant plus que les résultats de l’évaluation de ces expérimentations immersives témoignent d’ « excellents résultats » obtenus par les élèves de CP et CE1 scolarisés en section maternelle « 100% langue basque ». En mathématiques mais aussi… en français. Et oui ! Avec parfois des résultats « supérieurs » à ceux des élèves scolarisés uniquement en français.
La riposte des élus locaux au Pays basque
Face à cette énième attaque de la part de l’Éducation nationale à l’encontre de la langue basque, les élus fraîchement arrivés à la tête de la Communauté d’agglomération Pays Basque (CAPB) ont voté le 17 juillet une motion afin de dénoncer cette décision et « pour la poursuite du développement des sections maternelles immersives en langue basque ». La motion a été votée à l’unanimité tandis que les élus décrivent l’enseignement immersif comme étant « un enjeu stratégique pour la transmission de la langue basque ».
De son côté, l’Office public de la langue basque (OPLB) a jugé « inacceptable » cette interdiction tout en demandant que le dossier soit réexaminé. Son président Beñat Arrabit considère que « la réponse du rectorat marque un premier recul sur la politique de développement des expérimentations immersives dans les filières bilingues. C’est inacceptable ».
Enfin, même colère chez l’association de parents d’élèves Biga Bai, laquelle a dénoncé « un véritable coup porté à l’enseignement du basque », relevant elle aussi que les enfants scolarisés en basque à temps plein « assimilent cette langue plus rapidement et la maîtrisent mieux, qu’ils communiquent plus aisément, et qu’ils ont ensuite plus de facilités pour poursuivre une scolarité bilingue ».
Quant à la position de l’Éducation nationale, Biga Bai note que celle-ci « montre clairement une attitude en défaveur des langues régionales, qu’elle est pourtant censée sauvegarder et transmettre ».
AK
Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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