Si les dernières municipales ont été une « veste » mémorable pour la République en Marche, le Parti Communiste Français a continué de se déliter, avec deux grosses pertes : Arles (13) et Saint-Denis (93) au profit respectivement de Patrick de Carolis (divers droite) et Mathieu Hanotin (PS) qui met fin avec l’aide des minorités ethniques de la ville à 76 ans de règne communiste sans partage. En 2014, il ne restait que 651 communes communistes ou assimilées, et ce capital a encore fondu en 2020.
Les communistes perdent aussi beaucoup d’autres communes qu’ils possèdaient depuis des décennies : Seclin (59), la très cheminote Saint-Pierre des Corps (37), Morsang-sur-Orge (91), Gardanne (13), Givors (69), Fontaine (38), Bezons (95), Firminy (42), déjà perdue en 2001 jusqu’en 2008, Grand-Couronne (76), Waziers (59), Nilvange (54), Uckange (54) au profit d’un divers gauche, Longueau (80) alors que pour la première fois dans cette cité cheminote composée de quatre villages – comme Vierzon – il n’y avait depuis 1925 aucune liste communiste aux municipales.
Des pertes importantes en région parisienne et en Provence
Dans le Val-de-Marne, ils perdent quatre communes symboliques : Villeneuve Saint-Georges, Valenton, Choisy le Roi et Champigny-sur-Marne, mais conserve Vitry, Ivry, Gentilly, Chevilly-Larue, Bonneuil-sur-Marne et Fontenay aux Bois, tout en reprenant Villejuif perdue en 2014. Une situation qui pourrait conduire le PCF à perdre le dernier département qu’il dirige encore, aux portes de Paris.
En Seine-Saint-Denis, le PCF reprend Bobigny, où se trouve la préfecture et Noisy le Sec, mais perd Saint-Denis au profit des socialistes et Aubervilliers (déjà perdue en 2008) à cause des divisions à gauche. Soit 200.000 habitants perdus (111.000 à Saint-Denis, 83.000 à Aubervilliers) contre 95.000 retrouvés (dont 51.000 à Bobigny).
Autre grosse perte, Arles dans les Bouches-du-Rhône, où Patrick de Carolis chasse les communistes de la mairie. Il aura fort à faire : outre des taux de chômage et de pauvreté endémiques dans une ville certes au soleil mais dénuée d’industrie, il faut tout refaire : voiries, habitat, quais, tout est à l’abandon.
A commencer par la plupart des églises de la ville, patrimoine touristique inestimable abandonné ou désaffecté sous divers prétextes par les communistes – pour le touriste ou le pèlerin, ne restent que Saint-Trophime, la cathédrale confiée à la communauté Saint-Martin et Notre-Dame la Major, une des premières églises de la chrétienté consacrée à la Sainte-Vierge – encore n’est elle ouverte que tôt le matin lors des messes.
Le PCF sauve d’autres bastions, reprend Villejuif et Corbeil-Essonne…
Ils reprennent en revanche Varennes-Vauzelles dans la Nièvre, Mouy dans l’Oise au terme d’une quinquangulaire et avec une liste officiellement étiquetée divers gauche, Lamanère dans les Pyréennes-Orientales, Elne – perdue en 2014 – dans le même département, la Sentinelle dans le Nord, Rive de Gier (42) perdue en 1995,…
Le PCF arrive à se maintenir dans d’autres de ses bastions historiques, comme Saint-Vallier, Saint-Paul de la Réunion, Vénissieux (69), Vierzon (18), Dieppe (76), Martigues (13). En Meurthe-et-Moselle le PCF sauve la plupart de ses bastions, dont quatre au premier tour à 100%, étant seul candidat (Jarny, Talange, Hussigny, Sérémange) et d’autres au 1er tour (Algrange, Villerupt, Knutange)
Au chapitre des belles prises, outre Villejuif dans le Val-de-Marne, Corbeil-Essonne (91) où le candidat communiste Bruno Piriou, officiellement divers gauche là encore, bat Jean-Pierre Bechter et met officiellement fin au système Dassault dans la commune jadis connue pour ses papèteries. Ou encore Mauléon-Licharre dans les Pyrénées-Orientales où le communiste Louis Labadot parvient à la mairie au bout de sa 7e candidature aux municipales, et avec 82% de participation…
Déclin dans les campagnes et les bastions ouvriers, hausse dans les cœurs de ville bobo
Cependant la situation en Bourgogne reflète bien la déprise du PCF rural : alors qu’en 1983 il y avait encore neuf communes communistes en Bourgogne (5 en Nièvre : Fourchambault, Garchizy, Imphy, la Machine, Varennes-Vauzelles ; 3 dans la Saône et Loire – Cluny, Saint-Vallier et Torcy, ainsi que Montbard en Côte d’Or et Migennes dans l’Yonne), il n’en restait plus qu’une en 2014, Saint-Vallier, et depuis Varennes-Vauzelles a été reprise.
Cependant, comme le remarque Libération, les résultats aux municipales du PCF traduisent surtout la mutation d’un parti dont les apparatchiks ont abandonné les classes ouvrières au profit des bobos des centre-villes : avec des strapontins dans les listes d’union de gauche, socialistes – comme à Nantes, ou « pastèques » EELV (vertes dehors, rouges dedans), les communistes gagnent des élus et des adjoints en mettant de côté leur étiquette et la défense des ouvriers.
Ce sont maintenant des cadres friqués des villes-mondes, ou leurs enfants privilégiés, qui votent pour les communistes, qui se sont mis à la page : plus question de défendre le travailleur français contre l’immigration adoubée par le patronat pour baisser les salaires et détricoter le code du travail comme le faisait Georges Marchais, l’heure est à l’antiracisme, au BLM, au copinage avec l’extrême-gauche, à la soumission au lobby LGBT et à la théorie du genre ; plus de gestion municipales et de services publics généreux, mais des grands principes et des slogans marketing mondialisés. De quoi plaire à Nantes ou à Tours, mais pas chez les cheminots de Saint-Pierre des Corps ou les ouvriers d’Arles, de Seclin et de Gardanne.
« En plus des défaites retentissantes en banlieue parisienne (Saint-Denis, Aubervilliers), les communistes s’inclinent à Arles et Gardanne (Bouches-du-Rhône), à Givors en banlieue lyonnaise, à Fontaine (Isère) ou encore à Saint-Pierre-des-Corps, à côté de Tours. Sur ces trois dernières villes, le constat est plutôt cruel pour les communistes : alors qu’ils l’emportent dans les villes centres avec les écologistes, ils reculent dans les banlieues populaires », relève Libération. Marx et Lénine s’en retournent dans leurs tombes : le PCF est devenu un parti bourgeois.
Louis-Benoît Greffe
Illustration : DR
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