Texte en breton et traduction mot-à-mot en français de Me zo ganet e-kreiz ar mor
Me zo ganet e-kreiz ar mor,
Teir lev er-maez
Un tiig gwenn du-hont am eus,
Ar balan (a) gresk e-tal an nor,
Hag al lann a c’hol(o) an avaez
Me zo ganet e-kreiz ar mor,
E bro Arvor
Moi (je) suis né au milieu de la mer,
Trois lieues au large
Une maisonnette blanche là-bas (j’) ai
Le genêt pousse près de la porte,
Et la lande couvre les alentours
Moi (je) suis né au milieu de la mer
Au pays d’Arvor
Ma zad a oa (e)vel e dadou
Ur martolod !
Bevet en (d)eus kuzh ha diglod
Ar paour, ne gan den he glodou!
Bemdez, bebnoz, war ar mor blod
Ma zad a oa (e)vel e dadou
Stlejour rouedoù
Mon père était comme ses pères
Un marin !
Vécu (il) a, caché et ignoré
Le pauvre, ne chante personne ses exploits !
Chaque jour, chaque nuit, sur la mer souple,
Mon père était comme ses pères
Traîneur (de) filets
Ma mamm ive(z) a labouras,
Ha gwenn he blev
Ganti, ar c’hwez àr hon talou,
Desket am eus bihanik tra
Medi(ñ) ha tenni(ñ) avalou
Ma mamm, ive(z) a labouras
D’hounit bara !
Ma mère aussi travailla,
Et blancs [furent] ses cheveux
Avec elle, la sueur sur nos fronts,
Appris (j’) ai toute petite chose [ou : tout petit enfant] :
(A) moissonner et tirer (les) pommes (de terre)
Ma mère aussi travailla,
Pour gagner (notre) pain !
Aide pour la prononciation
- Ganet = gan-nette
- E-kreiz = é-creil-ze
- Mor, nor, arvor = maur, naur, arvaur
- Lev = léo, léw
- Er-maez = air méss
- Balan = balan-nne
- Gresk = grésk
- Du-hont = du-honte
- A c’hol’ an avaez = a hhaul’an-nne avéss (h aspiré comme en allemand) ou a rraul‘ an-nne avéss (r guttural)
- Ur = eur
- Martolod, diglod, blod = martaulaude, diglaude, blaude
- Den = dénn
- Bemdez = bèmmdé
- Bemnoz = bèmmnauze
- Blev = bléo, bléw
- c’hwez : rwéze, rwize
Aide pour la compréhension grammaticale
- Gresk, c’holo, zad, dadou, gan, hounit = kresk, golo, tad, tadou, gounit, mots dont la première consonne a subi une mutation
- A kresk, a golo, a gan = verbes kreskiñ, goleiñ, kanañ, conjugués au présent (invariable quel que soit le sujet)
- Ganti = préposition gant (avec, par) déclinée à la troisième personne du féminin singulier
Petite histoire de la chanson Me zo ganet
Le texte correspond aux trois premières strophes d’un poème de Bleimor, pseudonyme de Jean-Pierre Calloc’h (1888-1917). Né sur l’île de Groix, dans la maison familiale du hameau de Kerclavezig, il meurt à 28 ans, atteint par un obus sur le front de Picardie.
Le poème a été mis en musique par Jef Le Penven (1919-1967), un compositeur breton de musique classique. La cantatrice Mona Kerys (Simone Le Pesquer), accompagnée au piano par Jef Le Penven, enregistre le morceau en 1957 : https://www.youtube.com/watch?v=SpychENwlGg
C’est devenu par la suite une chanson du répertoire traditionnel, reprise par toute une série de chanteurs. Voici ce qu’on relève sur internet :
- une première version d’esprit chant populaire, enregistrée par Eliane Pronost dans les années 50 : c’est celle donnée en exemple plus haut
- une variation libre en français, à la fois très seventies et très intemporelle, par Alan Stivell (1970) :
- les interprétations de Gilles Servat ou de Yann Fanch Kemener, à partir des années 70 jusqu’à nos jours, plus minimalistes et plus proches de l’esprit du poème :
- une version rock celtique par le groupe L’Ange Vert en 1998
Le nom de Jean-Pierre Calloc’h figure au Panthéon sur la stèle des écrivains morts au champ d’honneur pendant la guerre 14-18. (Wikicommons)
Il s’y trouve aux côtés de 560 hommes de lettres, dont Charles Péguy, Louis Pergaud ou encore Jos Le Bras, défenseur comme lui de la langue bretonne.
Dans un de son dernier poème, Pedenn ar Gedour, le sous-lieutenant Calloc’h s’était ainsi décrit :
Je suis le grand Veilleur debout sur la tranchée
C’est toute la beauté du monde que je garde cette nuit
Illustration : DR
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