Comme Breizh-info l’a déjà noté, l’épidémie de covid-19 révèle de grandes disparités entre « ethnies », en particuliers entre blancs et noirs. En France, l’absence de statistiques « ethniques » n’empêche pas la circulation d’informations ou de rumeurs. Les immigrés, entend-on souvent, sont largement surreprésentés parmi les malades hospitalisés.
L’Insee vient de le confirmer dans une intéressante étude de Sylvain Papon et Isabelle Robert-Bobée portant sur le nombre des décès en mars-avril 2020 et intitulée « Une hausse des décès deux fois plus forte pour les personnes nées à l’étranger que pour celles nées en France en mars-avril 2020 ».
Il ne s’agit pas pour autant de statistiques ethniques. Une fraction des personnes « nées en France » sont elles-mêmes des enfants d’immigrés, en particulier en île-de-France, région à laquelle l’étude s’intéresse spécialement. Quant aux « personnes nées à l’étranger », elles englobent évidemment les personnes nées dans d’autres pays européens.
Le lieu où un individu est venu au monde a-t-il vraiment un intérêt pour l’étude d’une maladie, surtout quand elle frappe avant tout des personnes âgées ? Évidemment non, mais les données disponibles en France sont ainsi faites, il faut s’en contenter. Malgré leurs limites, elles révèlent déjà des choses étonnantes.
Un écart phénoménal chez les moins de 65 ans
Si l’on considère le cas des personnes nées en Afrique, que voit-on ? La hausse des décès par rapport à mars-avril 2019, toutes causes confondues, n’est pas « deux fois plus forte » comme l’indique le titre de l’étude de l’Insee mais 2,5 fois plus forte pour les personnes nées au Maghreb et 5,2 fois plus forte pour celles nées dans d’autres régions d’Afrique. Pour les personnes nées en Asie, la hausse des décès est 4,1 fois plus forte.
La comparaison devient encore plus stupéfiante si l’on ne s’intéresse qu’aux personnes de moins de 65 ans. L’Insee constate que « avant 65 ans, la hausse a été environ 30 fois plus forte pour les décès de personnes nées en Afrique hors Maghreb ou en Asie que pour ceux de personnes nées en France, et 10 fois plus forte pour ceux de personnes nées au Maghreb ». Trente fois plus d’augmentation des décès ! Un écart si phénoménal que les personnes nées à l’étranger sont deux fois plus nombreuses que les personnes nées en France parmi les défunts « supplémentaires » enregistrés en mars-avril 2020 chez les moins de 65 ans.
Organisme public, l’Insee s’efforce naturellement de trouver des explications politiquement correctes à cette situation. Il note par exemple que « le plus fort excédent de décès pour les personnes nées en Afrique ou en Asie peut notamment s’expliquer par le fait qu’elles résident plus souvent en Île-de-France, région de loin la plus fortement touchée par la Covid-19 ». L’explication est évidemment tautologique et peut se lire aussi dans l’autre sens : la situation de l’Île-de-France peut aussi bien s’expliquer par le fait qu’y réside une population « de loin la plus fortement touchée » par la maladie.
Les conditions de travail n’expliquent pas grand chose
Autre explication avancée par l’Insee : « La hausse du nombre des décès […] a été nettement plus forte dans les territoires les plus densément peuplés […]. Or, les personnes nées en Afrique ou en Asie résident environ deux fois plus souvent dans ce type de territoires, notamment parce qu’elles habitent plus souvent en Île-de-France ». Comme la précédente explication, celle-ci peut être renversée. Elle est en outre relativisée par ce constat : la densité de population de Paris intra-muros est presque trois fois supérieure à celle de la Seine-Saint-Denis et pourtant l’épidémie y a été moins sévère.
Corrélativement, l’Insee note que « les personnes nées à l’étranger résidant nettement moins souvent que celles nées en France dans des communes peu denses, il y a peu de décès de personnes nées à l’étranger dans ces communes ». Ce qui revient à enfoncer une porte ouverte !
Outre les explications classiques par l’exiguïté des logements et la fréquentation des transports en commun (démenties par les disparités entre originaies d’Afrique noire et originaires du Maghreb ou d’Asie), l’Insee avance cet argument intéressant : « les personnes nées en Afrique sont parmi les plus exposées au risque de contamination en raison de leur métier ». Elles sont nombreuses en effet parmi les « travailleurs clés » tels les postiers, ambulanciers, livreurs, agents de nettoyage, etc. qui ont continué à travailler pendant le confinement.
Mais il s’agit par définition de personnes de moins de 65 ans, frappées par une surmortalité trente fois plus importante quand elles sont nées en Afrique noire et non en France, soit beaucoup plus que l’écart entre la proportion de travailleurs-clés chez les unes et les autres (15 % et 11 %). Là encore, les comparaisons avec les travailleurs nés en Asie ou au Maghreb ne sont pas non plus explicables par ce facteur.
Une pirouette pour éviter de conclure
Sylvain Papon et Isabelle Robert-Bobée ne peuvent finalement que s’avouer vaincus : « faute d’informations suffisantes disponibles sur les personnes décédées », leur étude ne mesure pas le poids des différents facteurs susceptibles d’expliquer la surmortalité des personnes nées à l’étranger. Heureuse incertitude qui, s’empressent-ils d’assurer, « ne permet pas de conclure quant à une surmortalité particulière des personnes nées à l’étranger, une fois prises en compte les différences de structure de la population (âge, sexe, profession, lieu de résidence, etc.) ». Même si ça y ressemble fort, quand même !
On appréciera la pirouette : une fois pris en compte des facteurs qu’on ne parvient pas à prendre en compte, pas de surmortalité ! Mais comme le dit l’adage, l’absence de preuve n’est pas une preuve d’absence. En fait, les auteurs parviennent très bien à démontrer l’existence d’une surmortalité, mais ils ne parviennent pas du tout à démontrer que la génétique des populations et/ou des attitudes culturelles n’y sont pour rien du tout. Hypothèse fâcheuse pour les Africains, bien sûr, puisqu’ils s’avéreraient particulièrement vulnérables. Mais hypothèse fâcheuse aussi pour les immigrationnistes, puisqu’elle signifierait que les immigrés ont pesé bien plus lourd que leur poids démographique dans les difficultés du système de santé français face à l’épidémie.
E.F.
Photo BI, migrants à Nantes en 2019, droits réservés
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Une réponse à “L’Insee confirme que le covid-19 frappe davantage les immigrés”
[…] Surmortalité beaucoup plus importante chez les immigrés : « En fait, les auteurs parviennent très bien à démontrer l’existence d’une surmortalité, mais ils ne parviennent pas du tout à démontrer que la génétique des populations et/ou des attitudes culturelles n’y sont pour rien du tout. Hypothèse fâcheuse pour les Africains, bien sûr, puisqu’ils s’avéreraient particulièrement vulnérables. Mais hypothèse fâcheuse aussi pour les immigrationnistes, puisqu’elle signifierait que les immigrés ont pesé bien plus lourd que leur poids démographique dans les difficultés du système de santé français face à l’épidémie. » http://www.breizh-info.com/2020/07/10/147279/linsee-confirme-que-le-covid-19-frappe-davantage-les-i… […]