L’activiste Sylvain Afoua le leader de la LDNA (ligue de défense des noirs africains) a pris le nom d’Egoutchi Béhanzin, en hommage à l’avant-dernier souverain du Dahomey Béhanzin, qui a résisté opiniâtrement à la colonisation française. Le problème est que ce souverain était, certes, un fervent nationaliste, mais également un esclavagiste et qu’il pratiquait des sacrifices humains.
Le Dahomey était un royaume fondé par des envahisseurs Fons venus au XVI ième siècle du Nigeria. Ces derniers ont submergé les populations autochtones, avant de fusionner avec elles d’une manière inégalitaire, les nouveaux venus formant les classes supérieures et les guerriers
Rapidement ce nouvel État prend de l’ampleur ; à partir de 1725 il se lance dans la vente d’esclaves suite à l’installation de comptoirs sur la côte par un Normand Jean Préault. Vers 1750 le roi du Dahomey Tegbessou procure chaque année aux négriers européens 9 000 esclaves, principalement des habitants des États voisins capturés lors de raids incessants. On estime que Tegbessou a des revenus 4 fois supérieurs à ceux des plus riches propriétaires terriens d’Angleterre. Le puissant royaume d’Oyo à qui le Dahomey paye un tribut, fera pression de temps à autre pour empêcher ce trafic, non pour des raisons humanitaires, mais pour protéger son propre commerce.
La traite est interdite par la Grande Bretagne en 1807, par les États-Unis en 1808, par la France en 1815 tandis que l’esclavage est aboli en 1838 dans les colonies anglaises, en 1848 dans celles de la France. Après 1815, seul le Brésil continua l’importation de nouveaux esclaves. En 1818, le roi Andodozan incapable de fournir suffisamment de recrues aux négriers brésiliens est renversé par son frère Ghézo. Sous le règne de ce dernier, le Dahomey atteint son apogée territorial et conquiert le royaume d’Oyo. Les Britanniques interviennent pour mettre fin à la traite. Ils fondent en 1821 au Nigeria une ville Abeokuta pour servir de refuge aux habitants de la région contre les raids du Dahomey et mettent en place un blocus naval britannique entre 1851 et 1852. Le roi Ghézo est contraint d’arrêter les expéditions destinées à se procurer de nouveaux captifs et met fin au commerce d’esclaves. Les Britanniques partis, il tentera de relancer le trafic d’êtres humains, mais sans succès.
La France s’installe vers 1870 sur la côte du Dahomey et doit défendre ses comptoirs contre les manigances des Britanniques, des Portugais et des Allemands en cette période où les Européens se partageaient l’Afrique sans aucun scrupule. En 1878, lors du séjour d’une délégation diplomatique française à Abomey, la capitale du Dahomey, le régent du royaume Béhanzin ordonne exprès un sacrifice humain de 200 personnes. Lorsqu’à la mort de son père, Béhanzin devient roi, il renouvellera cette pratique odieuse. La prospérité de son royaume repose en partie sur l’exploitation dans des fermes royales d’esclaves d’origine Nago, un peuple autochtone subjugué par les Fons. La possession du port de Cotonou où le roi du Dahomey perçoit des droits de douane devient un enjeu entre les Fons et les Français, ces derniers considérant qu’il appartient au Kinto un petit royaume ayant accepté le protectorat de Paris. Une première guerre éclate, marquée par un assaut raté des Fons sur Cotonou et une bataille indécise avant qu’un accord ne soit trouvé en octobre 1890, le Dahomey reconnaissant les possessions françaises et cédant Cotonou contre 20 000 Francs annuels.
La situation reste conflictuelle et après de nouveaux accrochages la France déclare la guerre au Dahomey. Elle réunit des forces plus importantes dont des légionnaires. Les Fons ont acquis des armes modernes auprès des Allemands en échange d’esclaves qui sont hypocritement transformés par leurs nouveaux maîtres en travailleurs « libres » pour leur colonie du Togo. Le corps expéditionnaire français marche sur la capitale du Dahomey, Abomey qu’ils prennent après une longue série de batailles acharnées où ils perdent une dizaine d’hommes contre plusieurs milliers pour les Fons. Nos troupes trouvent des crânes humains décorant le palais. Les négociations ayant échoué, la guerre continue. Des renforts arrivent d’Algérie et la traque du roi Béhanzin est lancée, elle dure plusieurs mois durant lesquels les Français affrontent une violente et incessante guérilla. Le 15 janvier 1894, cerné Béhanzin se rend. Il est exilé, d’abord en Martinique puis à Alger et remplacé sur le trône par son frère. Ce dernier a trahi son aîné et a dévoilé sa cachette aux envahisseurs. Le nouveau souverain ne se montrant pas assez docile, la royauté est abolie, en 1900 et le Dahomey devient une colonie bientôt membre de l’Afrique occidentale française.
Pendant la guerre contre Béhanzin, les troupes françaises ont été aidées par les esclaves Nagos, seuls les Fons ayant résisté.
Béhanzin est actuellement considéré comme un héros au Bénin (nouveau nom du Dahomey), pour avoir longuement tenu tête aux Français, malgré la supériorité militaire de ceux-ci. En outre, il n’a pas été battu, mais a été capturé par trahison. On vante avant tout son patriotisme. On peut expliquer cette popularité parce que les Fons constituent 39 % de la population béninoise alors que les descendants des esclaves Nagos forment moins de 1 % de celle-ci.
Les sacrifices humains sont également minimisés en partie parce que l’animisme (religion Vaudou) reste présent, même chez les Béninois qui déclarent appartenir à d’autres religions.
Il est néanmoins paradoxal qu’un homme qui n’hésitait pas à sacrifier des centaines de ses sujets et dont la prospérité de son royaume reposait sur l’exploitation éhontée de noirs soit considéré comme un héros par la LNDA. Cette organisation reproche en effet violemment l’esclavage aux Blancs, considère que c’est un crime fondamental, un crime contre l’humanité. Elle prétend de même que la colonisation a ruiné l’Afrique et empêché les cultures indigènes de sortir seule du sous-développement.
Peut-on sérieusement croire que si le Dahomey était resté indépendant, il aurait aboli de lui-même l’esclavage et aurait pris le train de la modernité ? Il serait plutôt resté un Empire immobile, archaïque, misérable comme l’Éthiopie.
Christian de Moliner
Illustration : DR
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