La montée des marches, Pompéi le sang et la cendre, Des larmes dans les yeux et un monstre dans la main, La femme aux cicatrices survivante de l’inceste, l’idéologie du réchauffement..voici la sélection littéraire de la semaine. Hormis l’idéologie du réchauffement, les autres chroniques sont signées Christian de Moliner.
L’idéologie du réchauffement
L’homme est-il responsable du réchauffement du climat ? Cet essai ne nie pas le réchauffement de la planète dont la température moyenne a augmenté de 0,6 à 0,8 degré centigrade au cours du XXe siècle. Il n’élude pas non plus la possibilité d’une augmentation des températures dans les années à venir. Mais il s’intéresse plutôt au discours apocalyptique qui règne dès lors qu’on évoque ce réchauffement. A la recherche de fondements scientifiques solides, il déconstruit ce faisant le « réchauffisme », mélange de « réchauffement » et d' »alarmisme », discours omniprésent et véritable idéologie.
En interrogeant son caractère scientifique, en soulignant ses contradictions et en confrontant ses prédictions avec les évolutions effectives, l’auteur critique le discours « réchauffiste » dans ce qu’il a de simpliste et de réducteur. Pour le dire autrement, ce livre se fait l’avocat du diable dans le procès fait à l’homme à propos du réchauffement et montre comment une science fragile a pu se transformer en idéologie. Une idéologie dangereuse comme toutes les idéologies.
Un livre particulièrement salvateur dans cette période très manichéenne où une certaine écologie – qui n’évoque jamais la démographie – est en passe de devenir une religion mondiale. Il est bon que des scientifiques et des chercheurs portent un autre point de vue, d’autres conclusions que celles qui sont dominantes actuellement. Ne serait-ce que pour susciter le débat, car pour quelqu’un qui se prétend scientifique (ou homme libre ?) tout consensus devrait apparaître comme suspect. « Quand on cesse d’être sceptique, on a basculé dans la religion ». Pr Raoult.
L’idéologie du réchauffement – Rémy Prud’homme – L’artilleur – 9,90€
La montée des marches
Erwan Créac’h, dont le nom est on ne peut plus breton, a exercé maints métiers et s’est montré particulièrement polyvalent. Il a été successivement vétérinaire, fonctionnaire de la commission européenne, mais aussi auteur de chansons, de films, chanteur, comédien, réalisateur et producteur. Dans cette dernière fonction, il faisait partie de l’équipe de « Noces éphémères » un film iranien qui a rencontré un certain succès (7 prix). Pour compléter ce curriculum vitae déjà bien rempli, il a endossé une dernière casquette celle d’écrivain. Son premier livre « Carnivores domestiques » (éditions le Seuil) a reçu le « prix Goncourt des animaux » décerné par Michel Houellebecq en personne.
La montée des marches est un conte moderne, il décrit l’ascension de Gilles Vendeur, un dilettante, qui approchant la trentaine, sans avoir jamais étudié et ne possédant aucune formation ni aucune compétence, décide de devenir réalisateur sans bien entendu rien connaître du cinéma. Engagé par hasard sur un tournage, pour réguler la circulation il provoque par sa maladresse un accident horriblement coûteux, il se fait renvoyer illico ce qui lui permet de rencontrer Anh, une jeune Asiatique qui va prendre une place importante dans sa vie. Gilles s’étant attribué un pedigree impressionnant, mais totalement inventé, Anh va l’introduire dans le milieu du cinéma, où sans rien connaître au départ des fonctions qu’on lui attribue, Vendeur va se débrouiller, donner satisfaction et passer une à une les étapes. Pour finir, dix ans après ses débuts, il recevra à Cannes le prix de la caméra d’or pour son premier long-métrage.
Vendeur est un Rastignac, il rencontre des femmes qui vont l’aider dans son ascension et que, parfois il laisse tomber (en douceur) dès que leurs compétences techniques ne lui servent plus. Si on en croit ce livre, (mais pourquoi mentirait-il ? L’auteur ayant une grande expérience en ce domaine) le milieu du cinéma est une jungle où chacun cherche avant tout ce que l’autre peut lui apporter ou lui offrir. On se sert de ceux qu’on croise comme d’un marchepied. Les acteurs oscillent entre cachets élevés dans des navets et films ambitieux, moins bien payés, boostant leur carrière ; les producteurs eux sont à l’affût de la pépite, du film à petit budget qui pourrait rapporter beaucoup tout en coûtant le minimum. Le livre décrit bien la chasse aux subventions (Arte, Canal Plus, les différentes régions, les innombrables comités ,…) spécialité bien Française où l’art cinématographique est sous perfusion.
Le roman se lit très bien. Il est agréable, on a envie de connaître la suite et on a de la sympathie pour le héros. Un roman distrayant donc, mais il ne faut pas chercher d’effets de style, car il n’y en a aucun. L’écriture est minimaliste au ras des dialogues qui sont nombreux. Il est certes efficace, puisqu’on est happé par l’histoire, mais quand on referme « la montée des marches » on s’aperçoit qu’il n’y avait aucune émotion ou si peu. Or le sujet s’y prêtait.
La montée des marches d’Erwan Créac’ h éditions encre rouge 21,50 €, 310 pages
Pompéi, le sang et la cendre
Ce roman est fidèle à l’Histoire, telle qu’elle est racontée par Suétone et Tacite, dont les écrits sont les principales sources disponibles sur l’époque. Mme Makki dénigre Néron et encense Vespasien et Titus. Certains historiens révisionnistes conseillent de se méfier de cette vision manichéenne et orientée par, Néron n’ayant pas mis le feu à Rome, ni été pire ou meilleur que ses prédécesseurs. Quant à Vespasien et Titus la brièveté de leurs règnes les a peut-être préservés de devenir des tyrans, ce qu’est devenu Domitien, leur fils et frère. Quoi qu’il en soit « Pompéi, le sang et la cendre » est un excellent roman historique qui permet de faire vivre le quotidien d’un monde disparu, à la fois différent de nous et proche de nous, les humains et leurs passions étant restés les mêmes alors que les lois, les mœurs, les conventions n’ont rien à voir avec les nôtres
Nous faisons donc connaissance avec Véra, fille de Vérus, le jour de son mariage avec Quintus. La jeune épousée n’a que 15 ans, elle n’a pas choisi son mari, devant obéir en tout point à son père. Elle ne proteste pas, ne se révolte pas tant la situation lui paraît normale. Elle est contente que l’homme choisi par son père soit beau et de commerce agréable. Hélas il est homosexuel et le mariage n’est pas consommé. Tour à tour, Vérus et Quintus meurent sans autre héritière que Véra, qui se retrouve à 16 ans riche et veuve. Elle a 2 ans pour se remarier, selon la loi romaine qui interdisait aux jeunes gens de rester célibataires. La dépopulation, le manque d’enfants dans les classes supérieures a été tout le temps de l’Empire Romain d’Occident (500 ans) un problème majeur. Véra mène une vie oisive, sans aucune occupation si ce n’est de jouir de la compagnie de son chien. Une lointaine parente Sexta veuve elle aussi veille de loin sur elle, mais celle-ci au contraire de Véra est une femme active, qui place ses biens et s’efforce de les faire fructifier. Véra lors d’un des rares repas où elle est conviée fait la connaissance d’Albanus, un gladiateur et s’éprend de lui. Les gladiateurs sont des esclaves ou des hommes libres qui se vendent par contrat pour un temps déterminé. Ils vivent ensemble dans une caserne, où ils sont entraînés pour combattre. De temps à autre, lors de fêtes données dans l’amphithéâtre de la ville ou chez des particuliers, deux gladiateurs combattent jusqu’à la mort. Le vaincu est égorgé si la foule ou l’ordonnateur du duel ne le gracie pas. Ces hommes voués à mourir sont fréquemment invités à des repas organisés par des riches patriciennes qu’ils fascinent ; on les nourrit alors de plats raffinés et de bons vins.
Certaines dames de l’aristocratie romaine vont encore plus loin. En toute discrétion, elles se rendent à la caserne des gladiateurs dans la cellule de celui qui leur plaît ou obtiennent de l’emmener à l’écart pendant une courte période. Elles se donnent alors à lui. La haute société romaine le tolère du moment que tout reste discret. Véra fera ainsi. Éprise d’un gladiateur qui n’est pas le plus beau de sa troupe, ni le plus habile, elle viendra le visiter tous les soirs. Elle tremblera à chaque fois qu’il combattra. Lui qui dans la première partie de sa vie a eu une femme et des enfants qu’il n’oublie pas, se laisse aimer, résigné et fataliste.
Ce roman se déroule à Pompéi. Bientôt, le Vésuve se réveille et bouleverse la vie de Véra, Sexta et Albanus. Les deux amants pourront-ils être réunis et vivre ensemble comme mari et femme ?
Ce texte, dont la beauté se nourrit de l’acceptation de son sort par chacun des membres de la société, est finalement une réflexion dérangeante sur l’esclavage, non celui des noirs dans les plantations, mais celui de l’antiquité où les esclaves (blancs) côtoient leurs maîtres en toute familiarité tout en restant à leur place, où aucune situation sociale n’est figée, où des anciens esclaves ont pu s’élever aux plus hauts postes de l’État. Ce monde qui nous paraît inimaginable en 2020 a pourtant été celui de nos ancêtres.
Pompéi, le sang et la cendre éditions de Michèle Makki, éditions Baudelaire 22 euros 598 pages
Des larmes dans les yeux et un monstre par la main / La femme aux cicatrices survivante de l’inceste
Mme De Brinon a fondé une association SOS Violenfance pour la protection de l’enfance et plus particulièrement pour les victimes d’inceste. Elle traque la pédocriminalité et souhaite se concentrer sur les milieux aisés qui malheureusement ne sont pas à l’abri de ce type de fléau. Mme de Brinon souhaite plutôt prévenir que guérir, car, selon elle, on ne guérit jamais de telles blessures.
Mme de Brinon a une histoire personnelle douloureuse. Sa mère est tombée enceinte sans qu’elle l’ait voulu. L’avortement étant illégal en 1948 et inimaginable dans une famille Catholique, ses parents ont dû se marier, mais le couple ne fut pas heureux, le père se révélant volage et la mère d’un caractère difficile. Déçue d’avoir une fille, cette dernière confia la petite, prénommée à l’époque Muriel aux parents de son mari qui l’élevèrent avec amour pendant près d’une décennie. Elle nomma ses grands-parents Maman et Péli, et adopta le prénom de Kathya qu’ils lui avaient donné. Mais Mme de Brinon fut reprise à l’âge de 9 ans par ses parents et elle vécut désormais avec sa famille à côté d’un frère né après elle et préféré par sa mère. Son grand-père paternel qui vivait avec eux abusa d’elle entre 9 ans et 11 ans ; il alla jusqu’à la prostituer. Quand ce crime fut découvert, si le papa de Kathya prit le parti de sa fille, sa propre mère préféra croire son propre père. Le pédophile échappa à la prison, fut prétendument écarté et enfermé dans un asile psychiatrique, mais en réalité fut repris par sa femme et renoua avec sa fille qui l’adorait.
Kathya grandit avec ses blessures intimes, elle s’acharna dans ses études, menant de front plusieurs formations, obtenant un BTS d’assistante de direction, une licence de droit, un diplôme d’avocat, fréquentant la faculté de psychologie (qui l’a déçue) tout en étant professeur auxiliaire, hôtesse de l’air et monitrice de colonie de vacances.
Ses relations avec ses propres parents furent chaotiques et complexes, son père a correctement rempli son rôle pendant son adolescence, avant de blesser profondément sa fille en refusant de connaître son fils Mickaël, car il était un « bâtard ». La mère de Kathya, elle, accepta et aima son petit-fils, mais elle se montra souvent égoïste et ne sut jamais être une vraie « maman ».
Kathya eut le malheur de rencontrer un nouveau monstre, un homme qui l’a mis enceinte de Mickaël après un viol. Cet individu se montra épouvantablement violent et finit par quitter la vie de Mickaël sans l’avoir reconnu. Kathya rencontra par la suite Julien ; il l’épousa, adopta Mickaël et lui fit une fille Alexandra. Mme de Brinon éleva les deux enfants d’un premier mariage de Julien. Le père de Kathya, antisémite forcené, refusa toujours de rencontrer son gendre car ce dernier était juif.
La vie se montra cruelle pour Kathya, elle rencontra des problèmes psychologiques dus aux maltraitances subies, eut des relations difficiles avec ses enfants et ses beaux enfants avec qui elle fut quelques années, brouillée.
On sort de ces deux livres écrits sans temps mort, sans fioritures inutiles dans un style extraordinairement efficace avec beaucoup de pitié pour Mme de Brinon, dont la vie s’est révélée être un calvaire. Si elle a connu quelques plages de bonheur, elle a connu maints revers. Même si la lecture de ces deux témoignages est dure et si parfois on a envie de les arrêter tant ils sont difficilement supportables, leur intérêt est de nous faire toucher du doigt l’enfer des enfants souillés par un pédophile et en ce sens on ne que recommander d’oser ouvrir ces 2 pavés.
Livres de Kathya de Brinon éditions Maïa. Des larmes dans les yeux et un monstre par la main 326 pages 19 €. La femme aux cicatrices survivante de l’inceste 310 pages 24 €
Illustration : DR
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