Les aveux de Mme Houlette, ancienne patronne du parquet financier, dévoilent un scandale d’État, qui dans toute autre démocratie provoquerait une commission d’enquête et le renvoi devant les tribunaux des responsables s’il y en a.
Malheureusement, dans une semaine, on n’en parlera plus ; à la fin juin M. Fillon et sa femme seront punis par une amende et une peine de prison ferme inférieure à 12 mois ainsi que par 3 ou 4 années avec sursis. Il fera appel sans doute, n’obtiendra qu’une remise partielle avant de se pourvoir inutilement en cassation. En revanche, on n’instruira jamais sa plainte sur les manquements de l’instruction de son dossier, sur le fait que les pièces de ses auditions apparaissaient dès le lendemain dans les journaux bien-pensants et étaient disséquées en direct sur BFM TV. On ne cherchera pas les responsables des fuites (policiers, magistrats ou…). Les journalistes eux sont protégés par une loi que je trouve anticonstitutionnelle et qui provoque des dérives malsaines.
Fillon méritera-t-il sa peine ? Peut-être, mais dans ce cas qu’on enquête, avec la même énergie et les mêmes moyens employés contre lui, sur tous les parlementaires ayant engagé leurs femmes, leurs compagnes ou leurs enfants et surtout qu’on juge ceux qui parmi eux sont coupables. L’instruction contre M. Le Roux, fugace ministre de l’intérieur, semble enlisée alors que les charges contre lui paraissaient aussi fortes que celles qui pesaient contre M. Fillon. La justice doit être la même pour tous, sinon nous nous vautrons dans l’arbitraire.
Mais sommes-nous encore une démocratie ? Nous pouvons en douter. La manœuvre qui a profité à M. Macron est tout simplement inouïe et devrait en toute bonne logique, si elle était confirmée par une enquête (et uniquement dans ce cas !), amener à l’annulation de l’élection présidentielle de 2017. Je rappelle que des scrutins municipaux ou législatifs ont été annulés pour des infractions mineures moins graves que celle dont nous parlons, pour des tracts distribués le dernier jour avant l’élection ou pour des rumeurs fausses répandues contre un candidat et contre lesquelles le mis en cause n’a pu réagir à temps. Je précise à toutes fins utiles qu’il serait inadmissible et calomnieux d’accuser de forfaiture le chef de l’État ou son prédécesseur. Rien, absolument rien, ne les implique actuellement.
Que M. Fillon ait été mis en examen et renvoyé devant les juges qui le déclareront coupable ou innocent ne change rien au fond de l’affaire. Ceux qui étaient informés des travers reprochés à l’ancien Premier Ministre, le savaient-ils pendant la primaire de la droite ? C’est un point que l’enquête devra déterminer en priorité. Si les révélations ont tardé, il s’agit d’un délit grave : quiconque a connaissance d’une infraction pénale doit le dénoncer immédiatement et pas lorsqu’il le juge utile. Si l’appétit apparent de M. Fillon pour l’argent avait été porté à la connaissance des sympathisants de droite, leurs votes auraient sans doute été différents. Or ceux qui savaient se sont soigneusement tus, au contraire M. Fillon a bénéficié dans les médias d’un traitement de faveur qui a probablement contribué à sa victoire. Fallait-il qu’il soit choisi, parce qu’il était le plus facile à abattre ? Je me contente de poser la question sans formuler la moindre accusation. Mais la presse « bien-pensante » était dérangée par la victoire annoncée d’un candidat de droite au programme de choc, qui tant dans le domaine économique que dans celui de l’immigration annonçait une révolution.
Si nous étions un pays normal, la France se révolterait contre cette affaire bien plus importante que ne le sont les circonstances de la mort d’Adama Traoré, l’esclavage disparu depuis 172 ans ou l’imaginaire racisme systémique que les racialistes ont inventé. Hélas nous sommes enlisés, endormis et nous acceptons l’inadmissible.
Christian de Moliner
Illustration : DR
[cc] Breizh-info.com, 2020, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine