Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, a envoyé sa police traquer, à 135 euros l’infraction, les individus dangereux qui se promenaient dans les forêts ou sur les plages en période de confinement. Puis il a toléré les manifestations organisées par la famille Traoré et d’autres. Cette incohérence a été souvent signalée en France. Qu’ont fait les États-Unis, qui connaissent depuis trois semaines des manifestations autrement plus nombreuses, alors que l’épidémie de covid-19 y sévit davantage ?
Depuis le début de l’épidémie, la gauche américaine a souvent reproché à Donald Trump sa tiédeur envers les mesures de confinement (qui ne dépendent pas de lui mais des maires et des gouverneurs). Le Président des États-Unis était soupçonné de préférer les libertés des citoyens à leur santé. Les responsables du système de santé, souvent à gauche politiquement, préconisaient des mesures autoritaires. Ils se montraient spécialement véhéments contre les mauvais citoyens qui allaient au travail ou à l’église au lieu de rester à la maison – ou, pire, qui manifestaient contre le confinement, car, disait un fonctionnaire, « le coronavirus peut aisément être propagé par des gens serrés les uns contre les autres, comme par exemple dans une manifestation ».
Les manifestations, condamnables puis vertueuses
Puis est venue l’affaire George Floyd. Et là « soudain, des responsables de la santé publique disent que la justice sociale compte plus que la distance sociale », note Dan Diamond dans Politico. Ce n’est pas une plaisanterie : ils le disent vraiment. Certains assurent même que ne pas manifester est plus dangereux que manifester.
L’épidémiologiste Jennifer Nuzzo fait partie des dirigeants du Johns Hopkins Center for Health Security, l’une des sources d’information majeures sur l’état du covid-19 dans le monde. Elle a longtemps fait du confinement une priorité absolue. Mais, quelques jours après la mort de George Floyd sous le genou d’un policier à Minneapolis, elle a soudain tweeté : « On doit toujours évaluer les risques et les avantages des actions destinées à maîtriser le virus. En cet instant, ne pas manifester pour réclamer la fin du racisme systémique présente un risque pour la santé publique bien supérieur à celui du virus ».
Le nombre de nouveaux cas repart à la hausse
Surmenage d’une fonctionnaire épuisée par son travail d’observation de l’épidémie ? Non, d’autres experts ont embrayé. « On voit clairement qu’il y a toujours eu des arbitrages entre les détails du confinement et de la distanciation sociale et d’autres facteurs que les experts considéraient auparavant comme secondaires et qu’ils ont décidé de reconsidérer et de réévaluer », note prudemment un ancien doyen de la faculté de médecine de Harvard. Ce qui ne devrait pas suffire à apaiser les salariés des entreprises tuées par le confinement.
Compte tenu du délai d’incubation, les conséquences des manifestations sur l’épidémie n’apparaîtront vraiment que dans quelques jours. Mais les premières indications semblent montrer un net rebond de l’épidémie (le graphique ci-contre est établi à partir des statistiques de nouveaux cas disponibles à l’aube du 21 juin). Il est très probable que les manifestations alourdiront le bilan. Et que, comme précédemment, les Afro-américains présenteront une surmortalité. Black lives matter, sûrement, mais ça n’empêche pas d’en faire de la chair à manif’.
E.F.
Crédit photo : Illustration : Manifestation aux États-Unis le 26 mai 2020, photo Fibonacci Blue via zh.m.wikipedia.org.
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Une réponse à “Ne pas manifester, « plus dangereux que le covid-19 » aux États-Unis !”
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