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Rapports IGPN et Toubon. Les chiffres officiels des « violences policières » en 2019

Tirs croisés sur les policiers français ! Alors que la mort de George Floyd suscite une émotion internationale, les autorités politiques semblent vouloir aller dans le sens de la vague anti-policière. Pourtant à regarder de près les chiffres fournis par les rapports officiels qui viennent de sortir, l’image pavlovienne du flic français raciste et brutal semble à côté de la plaque.

C’est confirmé : le policier français tue très rarement, en cas d’extrême nécessité

C’est le principal enseignement du rapport 2019 de l’IGPN, la police des polices. Il recense 19 morts, le plus souvent sans faute policière ou alors très indirectement. Cela rejoint un autre article de Breizh-Info, qui recense 22 morts liées à la police en 2019, en se basant sur une relecture du recensement de Bastamag (qui avec un parti-pris anti-policier évident monte jusqu’à 26, en étant abusivement large).

L’IGPN précise que seules 8 personnes sont mortes par balle, là encore validant les infos de Bastamag. La chanteuse Camélia Jordana mentionnait récemment l’existence de « massacres » provoqués par les policiers contre des travailleurs immigrés se rendant à leur travail. Or parmi ces 8 morts par balle, aucun ne se rendait à son travail ; la moitié était en train de commettre un attentat terroriste, les autres étaient menaçants et armés.

En ce qui concerne les morts dans lesquelles la police a joué un rôle indirect, il y a de légères différences d’appréciation avec la base de données Bastamag. D’après l’IGPN, il y a eu en tout 11 morts indirectes (contre 14 pour Bastamag) :

– 6 sont morts dans des accidents de la route, chute ou évasion liés à la police (6 également pour Bastamag),

– 1 après usage de taser (contre 3), alors que 2 349 coups de tasers ont été tirés en 2019,

– 2 par suicide ou automutilation (contre 0)

– 2 pour une autre raison, par exemple problèmes de santé ou toxicomanie (contre 4),

– l’IGPN ne semble pas retenir de mort par asphyxie liée à une clé d’étranglement (contre 1 suggérée par Bastamag).

Lire le récapitulatif des 22 morts liées à l’activité policière en 2019 selon Bastamag.

Le rapport de l’IGPN montre que l’usage des armes létales est strictement contrôlé :

  • 741 coups de feu ont été tirés par des policiers en 2019, au cours de 303 fusillades, chaque munition étant comptée, chaque fusillade déclenchant une enquête.
  • La moitié de ces fusillades (153) sont des tirs contre des véhicules qui forcent un barrage routier,
  • 56 contre des animaux,
  • 39 des tirs accidentels,
  • 30 contre des individus jugés dangereux,
  • 10 en direction du sol.

Au total, la comparaison s’impose avec les USA : 100 fois moins de morts par balles policières (8 contre 987). Ce n’est pas que la police française soit 100 fois moins raciste. Mais elle peut se permettre d’agir avec des méthodes plus prudentes, dans une société moins violente (20 fois moins d’homicides en France qu’aux USA).

Sur ordre, le policier français a davantage blessé en 2019, avec les Gilets jaunes en ligne de mire

Sur 1 460 enquêtes réalisées par l’IGPN sur instruction de la justice, 868 concernent des accusations de violences volontaires.

Parmi ces violences volontaires, on trouve 117 victimes de blessures liées à l’activité policière classique. C’est en baisse par rapport à 2018 (139). Ailleurs il est question de 211 blessures graves, peut-être en y ajoutant celles qui sont liées aux manifestations.

En effet les victimes les plus nombreuses sont liées à la répression des Gilets jaunes :

  • selon l’IGPN, il y aurait eu 130 blessés graves, en lien avec la police, pendant ce mouvement.
  • Les Gueules Cassées du président Macron sont par ailleurs à l’origine de 310 enquêtes IGPN (ou 399 selon Le Monde), validées par la justice, y compris pour des blessures ou des fautes plus légères.

Le rapport 2019 du Défenseur des Droits, attire lui aussi l’attention sur deux méthodes irrégulières mises en place pour briser ce mouvement social inédit, qui échappait à l’encadrement syndical classique :

« La technique dite de l’encagement qui consiste à priver plusieurs personnes de leur liberté de se mouvoir au sein d’une manifestation ou à proximité immédiate de celle-ci, au moyen d’un encerclement par les forces de l’ordre qui vise à les empêcher de se rendre ou de sortir du périmètre ainsi défini, parfois pendant plusieurs heures, sans aucun cadre juridique ».

– « Le port de casques de moto intégraux ou de cagoules par les forces de l’ordre, empêchant l’identification des agents, qui a été constaté dans le cadre d’opérations de maintien de l’ordre, en dehors de tout cadre légal ou réglementaire. »

Le défenseur des Droits en titre, Jacques Toubon, nommé et non élu, est un homme qu’on ne peut suspecter de s’opposer frontalement à l’État. Et de fait il reste allusif quand il s’agit d’évoquer les responsables. Il se contente d’évoquer « des pratiques illégales mises en place ou tolérées par la hiérarchie. »

Si Fiorina a été nassée puis éborgnée, ce serait un peu la faute du tireur de LBD, un peu de celle de son capitaine, mais de là à remonter jusqu’au ministre…

Le policier français contrôle beaucoup au faciès, mais pas parce qu’il est raciste

Selon le rapport Toubon, la police française recourt de façon massive et ciblée au contrôle d’identité. Au cours des 5 années précédentes, 16 % des Français ont été contrôlés au moins 1 fois par la police :

  • 10 % des femmes,
  • 23 % des hommes,
  • 40 % des jeunes hommes de 18 à 24 ans,
  • 80 % des jeunes hommes de 18 à 24 ans noirs ou arabes.

Le rapport Toubon évoque aussi des « consignes portant sur des “évictions systématiques de SDF et de Roms” d’arrondissements touristiques parisiens en l’absence de toute référence à un comportement objectif en lien avec les troubles de la voie publique, [et qui] reposent sur un profilage à partir de critères exclusivement discriminatoires liés à l’apparence physique, à l’origine, à l’appartenance vraie ou supposée à une ethnie ou une race, ou à la particulière vulnérabilité économique ».

Le niveau de racisme individuel des policiers ne peut être sérieusement mis en cause dans des actions aussi massives. Selon le rapport de l’IGPN, 1 seul cas concret concernant un traitement partial d’un dossier en fonction des origines a été détecté par la police des polices. Par ailleurs, 29 policiers ont été mis en cause pour racisme devant l’IGPN, pour des propos, par pour des actes. L’antiracisme est depuis longtemps la priorité n°1 de la hiérarchie, relève l’IGPN. Les manquements à la probité comme le vol ou la corruption (54 policiers mis en cause) sont pourtant plus courants et semblent en augmentation, tandis qu’on recense 29 cas d’exploration des fichiers confidentiels dans un but personnel (par simple curiosité le plus souvent, selon l’IGPN).

On le comprend en lisant entre les lignes, c’est le ministère qui ordonne la stratégie des contrôles d’identité et qui demande hypocritement aux policiers de s’arranger pour faire bonne pioche.

Le George Floyd français ne s’appelle pas Adama Traoré, mais Steve Maia Caniço

Les simples policiers gèrent au quotidien le vivre ensemble et comme celui-ci capote, ils sont aussi là pour porter le chapeau. Les « violences policières » cachent pourtant le plus souvent des violences d’État.

On peut le supposer dans le plus grand scandale policier de l’année 2019, la mort évitable d’un jeune fêtard sans histoires, Nantais d’origine portugaise, cas passé sous silence par les deux rapports officiels (Toubon s’était pourtant saisi officiellement du dossier en juillet 2019).

Selon le scénario le plus plausible, Steve Maia Caniço est tombé dans la Loire, dans la panique de la dispersion d’une rave tolérée mais non formellement autorisée. Au même endroit, deux ans plus tôt, des fêtards étaient tombés à l’eau à l’occasion de la Fête de la musique.

Si cette nuit-là du rap avait été au programme, et pas de la techno ; si le contexte Gilets jaunes avait été différent, l’État n’aurait peut-être pas tenu à montrer ses muscles et aurait demandé aux policiers de regarder ailleurs. C’est la doctrine d’emploi qui est fautive, d’autant plus fautive qu’elle fluctue en permanence, entre laxisme et autoritarisme, entre angélisme et hypocrisie collective sur les causes de la délinquance.

Et pourtant, l’émotion, en grande partie sincère, s’est dirigée uniquement contre les policiers du rang. Il n’y a guère eu de clameur contre les politiques.

On se prend à rêver d’une sorte d’IGPN pour ministres. Nos ancêtres en avaient eu l’idée en 1789 : ils appelaient ça un Parlement.

A.T.

Illustration : DR
[cc] Breizh-info.com, 2020, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine – V

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