Plus de deux mois après les élections du 2 mars, une coalition gouvernementale a finalement vu le jour en Israël, reflétant le rapport de force issu des urnes. Le nouveau gouvernement comprend 34 ministres (selon le décompte du 17 mai) et 16 secrétaires d’État ! Il est soutenu par la quasi-totalité des forces représentées au parlement, soit 72 députés sur 120. Une assise large pour appliquer le plan Trump de Paix au Proche-Orient, un plan controversé qui prévoit des annexions de territoires palestiniens.
Le Likoud continuera d’occuper la première place (14 ministères) et son chef Netanyahu gardera le poste de Premier ministre. Ce dernier bat ainsi le record de durée pour un Premier ministre depuis la création de l’État d’Israël (14 ans, un peu plus que Ben Gourion). En mars, Netanyahu a obtenu le score inattendu de 29,46 % (en progression de 4,36). À l’inverse d’un François Fillon, son électorat ne lui a pas tenu rigueur de ses ennuis judiciaires. Ses succès économiques et diplomatiques (ambassade américaine transférée à Jérusalem, revirement des USA sur l’Iran ou encore plan de paix Trump) lui ont permis au contraire de faire le plein des voix de droite.
Le parti Bleu et Blanc, aux couleurs du drapeau national, deuxième aux élections, sera presque à parité avec le Likoud (avec 13 ministères, dont celui de la Défense pour son chef Benny Gantz). Ce dernier succèdera d’ailleurs à Netanyahu à la tête du gouvernement en novembre 2021. En mars, Bleu et Blanc a obtenu 26,59 % des voix (en hausse de 0,64 %). Il est présenté par les grands médias français comme un parti « centriste », un équivalent de la République en Marche. Mais en plus nationaliste quand même. Benny Gantz, ancien général, a été associé aux négociations du plan Trump, dont il a approuvé la philosophie.
La liste unifiée représentant la minorité arabe (environ 21 % de la population d’Israël) est une coalition de partis marxistes, islamistes ou nationalistes. Elle est arrivée en troisième position, avec un score de 12,67 % (en hausse de 2,07 %). L’abstentionnisme de cet électorat a été moins élevé que d’habitude. Par ce vote, la minorité arabe israélienne a voulu protester contre le plan Trump, qui veut les transférer à l’autorité palestinienne. Cette liste unifiée reste logiquement dans l’opposition au nouveau gouvernement.
Les partis religieux juifs ont obtenu les 4ème et 5ème places au vote. Le Shas, qui représente le courant orthodoxe sépharade, a obtenu 7,69 % (+0,25) tandis que le Parti Judaïsme unifié de la Torah, ashkénaze, a réalisé 5,98 % (-0,08). Le Shas aura deux ministres, son confrère un seul. Cela semble modeste, mais ces partis cléricaux et communautaristes préfèrent l’influence et les subventions ciblées à l’exercice direct des responsabilités.
La gauche classique est également réduite à la portion congrue : 3 ministères. Le parti travailliste et ses alliés ont réalisé un score historiquement bas : avec 5,83 % (contre 9,34 % en 2019), ils sont plus proches de Benoît Hamon que de Ben Gourion ! Une poursuite du déclin de ce parti qui a pourtant donné à l’État hébreu ses pères fondateurs. Les problèmes sociaux se concentrent en Israël sur la minorité arabe et sur les communautés juives orthodoxes. Les thématiques sociales ne sont donc guère mobilisatrices pour l’électeur moyen. Même chose d’ailleurs pour les thématiques écologiques : alors que le Proche-Orient est l’une des régions les plus impactées par la crise écologique, le parti Da’am-Économie verte-Une Nation a réalisé un score aussi réduit que son intitulé est long : 0,01 %.
Les petits partis de droite nationaliste ont perdu des plumes électorales au profit du Likoud : Israël Beytenou, laïc (5,74 %, en baisse de 1,25) et Otzma Yehudit, religieux (0,42 %, -1,46 %) ne seront pas représentés au gouvernement. Yamina, conservateur, du haut de ses 5,24 % (en baisse de 0,63), se contente d’un modeste strapontin.
Dans son discours d’investiture, Benjamin Netanyahu envisage d’ici le 1er juillet l’annexion unilatérale de territoires palestiniens à majorité juive. Le plan Trump de janvier 2020, présenté généralement comme une pure manœuvre électorale, serait ainsi à l’ordre du jour. Netanyahu pourrait profiter d’une configuration internationale favorable. Les USA sont en effet en année d’élections présidentielles, ce qui ne va pas dans le sens de pressions américaines en faveur des Palestiniens. En outre, dans un contexte de tensions avec l’Iran, les émirats pétroliers du Golfe pourraient seulement afficher une solidarité de façade avec les Palestiniens. Netanyahu est également pressé par le temps : les juges israéliens vont peut-être finir par le faire tomber.
A.T.
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