La crise du coronavirus a accéléré et accentué des processus historiques, économiques et géopolitiques en cours depuis plusieurs décennies. C’est ainsi que le coronavirus a dévoilé au grand public une confrontation géoéconomique opposant les États-Unis et la Chine.
La présente étude propose une analyse et un éclairage inédit sur l’évolution de la politique économique et géopolitique de la Chine, des années 1970 à la crise du coronavirus. Un pays qui s’est transformé, après la mort du Grand Timonier Mao Zedong, sous l’impulsion du Petit Timonier, Deng Xiaoping, le fondateur de la Chine socialo-capitaliste qui a abandonné le collectivisme au profit du capitalisme, sous l’influence direct du monde anglo-américain.
Cette Chine nouvelle, soviéto-capitaliste, pur produit des idéologies modernes, est devenue progressivement l’alliée des multinationales occidentales dans le cadre du système de libre-échange imposé au monde par les États-Unis et les institutions internationales (FMI, OMC, Banque mondiale) que ceux-ci pilotent.
Mais la Chine est sortie du simple rôle d’atelier du monde qu’on lui a assigné. Elle a utilisé la globalisation et le libre-échange pour opérer un grand bond (capitaliste) économique – grâce aux délocalisations des entreprises de l’Ouest – et techno-industriel – par le transfert des technologies occidentales.
Pour l’empire du Milieu, le développement économique a été le marchepied vers la puissance géopolitique ; cette puissance mise en retour au service d’une expansion géoéconomique.
Le premier objectif de Pékin a été, dès le début des années 1990, de s’insérer dans la vie diplomatique asiatique – en copiant là encore le modèle anglo-américain – par le biais des organisations internationales : APEC en 1991, Organisation de coopération de Shanghai créée en 1996, rapprochement avec l’ASEAN en vue d’instituer une zone de libre-échange en 2010 (ASEAN + 3) avec la Corée du Sud et le Japon.
Les géostratèges étasuniens ont fini par comprendre le jeu chinois, consistant à avancer en « cachant la lumière et en cultivant l’obscurité » (cf. infra), et à considérer la Chine, alliée objective du capitalisme libéral, en adversaire géopolitique dangereux qui pouvait entraver l’impérialisme américain en Asie.
La politique du président Xi Jinping et l’établissement de la nouvelle route de la soie – qui s’étend jusqu’en Europe de l’Ouest – ont alarmé les États-Unis qui sont passé d’une politique de contention à la création d’un arc de crise asiatique pour entraver le projet géoéconomique mondial de la Chine.
Le départ du premier train de marchandises (sur les rails de la nouvelle route de la soie) chinois vers l’Europe, au premier trimestre 2017, a coïncidé avec l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche qui, menant une politique protectionniste, a remis en question le système de libre-échange – que son pays a instauré – et s’est retrouvé fatalement opposé à un des plus grands bénéficiaires de la globalisation économique : la Chine.
Dans cette guerre géoéconomique opposant Donald Trump et la Chine, deux camps transversaux s’opposent. D’un côté Donald Trump, soutenu par les paysans, les ouvriers et les PME américaines ; et de l’autre la Chine et ses alliés objectifs, les multinationales américaines qui veulent continuer à bénéficier de la main d’œuvre bon marché d’Asie.
C’est dans ce contexte que sont apparus le coronavirus puis les mesures ayant ralenti brutalement l’économie mondiale et les échanges. À cette occasion, les dangers du libre-échangisme sont apparus au grand jour, notamment les conséquences de la délocalisation en Chine de la production des médicaments et autres produits sanitaires (ibuprofène, combinaisons antidéflagrantes, gants en caoutchouc, masques chirurgicaux, respirateurs…). L’ironie a voulu que l’Occident soit dépendant, sur le plan sanitaire, des approvisionnements du pays d’où est partie la pandémie.
La crise actuelle a également fait apparaître, une nouvelle fois, l’inconséquence, voire l’inexistence d’une politique européenne. Or l’Europe, qui est encore un continent riche, est un des lieux de confrontation géoéconomique des États-Unis et de la Chine. Les nations du Vieux Continent, totalement inféodées à l’Amérique, sont incapables de dessiner les contours d’une vision politique, économique et géopolitique, en mesure de jouer un rôle dans l’équilibre des puissances dans les relations internationales. Elles sont, pour le moment, sorties de l’histoire.
Le coronavirus a achevé un tournant historico-économique. Le retour relatif au protectionnisme et au localisme semble inéluctable, mais le commerce international n’en sera pas pour autant aboli (le protectionnisme étant une variante de l’économie libérale).
Les grandes puissances économiques, à commencer par la Chine, devront actualiser leur politique économique. Une réorientation, à défaut d’une réinvention, que l’empire du Milieu a d’ores et déjà entamée.
Au sommaire de ce dossier de 42 pages :
- La doctrine de Deng Xiaoping et l’émergence de la Chine socialo-capitaliste
- La Chine et l’impérialisme américain
- La Chine sort de sa zone d’influence et les États-Unis actualisent leur stratégie
- La nouvelle route de la soie : un projet eurasiatique géoéconomique
- L’arc de crise asiatique : guerre militaro-économique pour entraver la nouvelle route de la soie
- La stratégie chinoise dans la guerre commerciale
- Conquête de l’Europe : guerre géoéconomique sino-américaine
- Le contrôle de l’Europe par les multinationales et les banques américaines
- L’arrivée de Trump à la Maison Blanche et la guerre commerciale contre la Chine
- Coronavirus et démondialisation
- Le commerce sino-européen durant l’épidémie
- Coronavirus et commerce sino-américain
- Vers une guerre monétaire chinoise contre le dollar ?
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