Ce poème a été écrit par Thérèse de Lisieux en mai, l’année de sa mort (1897), alors qu’elle « éprouve le besoin de redécouvrir le mystère de Jeanne d’Arc, comme pour s’identifier à elle au seuil de sa propre passion. A l’infirmerie, elle se référera souvent à l’héroïne ». Le poème montre avec le lumineux pathos caractéristique de Thérèse, que « ce n’est pas dans la victoire et la gloire que Jeanne s’accomplit, mais dans le cachot et la trahison, où elle s’identifie elle-même à Jésus. Et Lui, par Sa mort, donne à toute souffrance son « charme » ». (commentaires tirés de l’édition intégrale des poésies de Sainte Thérèse, Un cantique d’amour, Cerf-DDB, 2010).
Ci-dessous le texte complet du poème :
A Jeanne d’Arc (mai 1897)
Quand le Dieu des armées te donnant la victoire Tu chassas l’étranger et fis sacrer le roi Jeanne, ton nom devint célèbre dans l’histoire Nos plus grands conquérants pâlirent devant toi Mais ce n’était encore qu’une gloire éphémère Il fallait à ton nom l’auréole des Saints Aussi le Bien-Aimé t’offrit sa coupe amère Et tu fus comme Lui rejetée des humains. Au fond d’un noir cachot, chargée de lourdes chaînes Le cruel étranger t’abreuva de douleurs Pas un de tes amis ne prit part à tes peines Pas un ne s’avança pour essuyer tes pleurs.
Jeanne, tu m’apparais plus brillante et plus belle Qu’au sacre de ton roi, dans ta sombre prison. Ce céleste reflet de la gloire éternelle Qui donc te l’apporta ? Ce fut la trahison. Ah ! si le Dieu d’amour en la vallée des larmes N’était venu chercher la trahison, la mort La souffrance pour nous aurait été sans charmes Maintenant nous l’aimons, elle est notre trésor.
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