Jacques Bichot, économiste, professeur émérite à l’université Lyon 3, auteur notamment de La retraite en liberté, éditions Le Cherche-midi, 2017, nous adresse une réponse sous forme de matière à débattre, réponse à l’interview donnée par Jacques Garello dans la semaine dans nos colonnes au sujet des retraites.
Jacques Garello fait un éloge de la retraite par capitalisation : il a raison, en ce sens que les Français comptent trop exclusivement sur la répartition. Mais il a tort de penser que l’on peut se passer de la répartition, qui repose d’ailleurs elle aussi sur une forme de capitalisation, l’accumulation du capital humain.
Les pensions, en France, vont représenter en cette année 2020 environ 330 Md€. Les entreprises françaises, au total, distribuent un peu moins de 50 Md€ de dividendes. Même si ces dividendes étaient intégralement destinés à des fonds de pension et donc distribués aux retraités, on serait loin du compte ! Admettons même que ce chiffre de 50 Md€ puisse augmenter, passer peut-être à 100 Md€, ça ne le fait toujours pas…
Il faut donc compter en partie sur le capital humain, qui représente à peu près le double du capital constitué par l’ensemble des entreprises, des infrastructures et des bâtiments. Dans quelle proportion ? Deux tiers de retraite « par répartition », c’est-à-dire fondée sur le capital humain, pour un tiers de capitalisation serait assez logique.
Bien entendu, la retraite dite par répartition doit être profondément réformée, puisqu’elle repose actuellement sur un grossier mensonge juridique : quand le législateur affirme que les jeunes doivent cotiser pour leurs anciens parce que c’est comme cela que l’on prépare sa retraite, il montre qu’il mériterait un zéro pointé en économie.
Le démographe Alfred Sauvy l’a très bien expliqué il y a déjà un demi-siècle : s’il y a des cotisants pour entretenir les retraités, c’est parce que, globalement, ces retraités, quand ils étaient plus jeunes, les ont mis au monde, entretenus et formés. Que les législateurs ignorent ce « théorème de Sauvy » quasiment partout dans le monde est le signe que le B. A. BA de l’économie des retraites reste à enseigner aux dirigeants de nos pays et des institutions internationales. Plaise à mon ami Garello de participer avec moi à cette indispensable alphabétisation !
Jacques Bichot, 14 mai 2020
Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2020, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine – V