Mes lectures vont et viennent. Je suis abonné à de nombreux « médias » par internet. Je lis donc l’excellent CAUSEUR (surtout quand « je ne suis pas souvent d’accord » avec les « papiers » – Alain Finkelkraut et Jean-Paul Brighelli mis à part, la mère Lévy aussi… mais qu’elle est exaspérante !). Je suis un fana d’une chirurgienne de la Pitié-Salpétrière, Anne-Laure Boch, qui donne son point de vue de temps en temps. Je dis bien une chirurgienne, et pas n’importe laquelle, une neurochirurgienne très fine en « tumeurs supra-sellaires » (tapez HCL sur Gougoule, pour savoir) à qui on confierait sans crainte son banal AVC tant elle excelle dans son art. Elle est, en plus (excusez du peu !), philosophe patentée. Rien que ça…
Eh bien ! en cette journée du « déconfinement », je viens de suivre sa dernière intervention (en écriture, happily) intitulée : « Oui, la France a bien trié les patients sur des critères d’âge pour entrer en réanimation… et elle a eu raison de le faire ! » Quand je vous disais qu’on allait nous conduire à Narayama, qui c’est qui avait raison ? Hein ? « Passée l’émotion primaire provoquée par des termes “choquants”, sur le sujet délicat du “tri” ou de la “sélection” des patients, il faut réfléchir avec une tête froide », écrit-elle…
Alors, on y va. Avant de vous plonger dans l’angoisse, apprenez qu’on est classé sur une « échelle de la fragilité clinique » qui va du point 1 « très en forme » (c’est mon cas… pfff !) à point 9 « phase terminale » (avec une espérance de vie < 6 mois ) en passant par « en forme » = 2, « se débrouillent bien » = 3, « vulnérables » = 4, « légèrement fragiles » = 5, « modérément fragiles » = 6, « sévèrement fragiles » = 7, « très sévèrement fragiles » = 8 »… puis le point 9. Ce qui ressort d’une « Étude canadienne sur la santé et le vieillissement, révisée en 2008, 6.K. Rockwood et coll. A global clinical measure of fitness and frailty in elderly people (là c’est nous, les « vieux »). CMAJ 2005; / 73:489-495… etc. » qui est traduit de « Geriatric Medicine Research, Dalhousie University, Halifax, Canada ».
L’aspect clinique de l’affaire est impressionnant. On trouve le « loup » dans un document élaboré par l’ARS d’Ile-de-France intitulé : « Décision d’admission des patients en unités de réanimation et unités de soins critiques dans un contexte d’épidémie à Covid-19 ». Tapez sfar.org pour lire la totalité de l’œuvre. Alors voilà… Comme dit Anne-Laure Boch : « Il ne suffit pas d’entrer en réanimation, il faut surtout en sortir ! Et surtout, en sortir dans un état “décent”. » L’état « décent », vu mon âge, c’est pas terrible. Imaginez ! « la minorité qui survit à la réanimation garde de lourdes séquelles ». Çà, c’est pour vous prévenir. Rien à voir avec ces urologues qui ne vous disent rien de l’ablation définitive de la glande prostatique. Aïe, aïe, aïe ! Bon, passons aux joyeusetés « post-réa »… La neurochirurgienne vous explique qu’il ne s’agit pas « d’un petit séjour en soins intensifs avec un peu d’oxygène dans le nez mais de la “vraie” réa, celle où on est ventilé pendant trois semaines, puis trachéotomisé… » Suivent des escarres, des ostéomes, des phlébites « et autres joyeusetés » plus « un affaiblissement intellectuel quasiment constant ». Bref, « Les vieux ne se relèvent jamais de cette épreuve, au propre comme au figuré. La plupart restent grabataires et dépendants. »
Il n’est pas étonnant que plus de 50 % des « personnes âgées » soient mortes, définitives, après s’être fait souffler dans le nez par ces réa-machines. Les autres survivent, mais pas très longtemps. Au pire, elles finissent dans des EPAHD, nos « très modernes » Nayarama. Feue ma chère maman disait, à 97 ans, avisant la maison de retraite de son patelin : « Quand j’entrerais chez les vieux, j’en aurais pour pas longtemps »…
Que faire, me direz-vous ? Avoir la pétoche ne suffit pas – et même ne suffit plus. Soyons raisonnables… Tu parles ? Un petit dernier pour la route, extrait de la précaution oratoire du document que je vous ai servi ci-dessus et qui provient de l’ARS d’Ile-de-France (noble administration qui pourrait être « nationale », sinon « mondiale ») : « Le droit à une analgésie proportionnée, à une sédation proportionnée ou profonde et continue maintenue jusqu’au décès prévenant toute souffrance doit être garanti. Des prescriptions anticipées encadrées par des équipes expérimentées doivent, si besoin, être disponibles pour répondre à des demandes urgentes de soulagement. »
MORASSE
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