Jean-Philippe Delsol est avocat, essayiste et président de l’Institut de Recherches Économiques et Fiscales, IREF. Il vient de publier un manifeste visant à encourager la propriété privée en France, notamment pour faire face à la crise économique que nous traversons et qui va empirer dans les mois à venir. Il est également l’un des participants à la plateforme « Réformer pour libérer », que nous avons évoqué en début de semaine.
Nous l’avons interrogé sur le sujet.
Breizh-info.com : Pourquoi rejoignez-vous la plateforme « Réformer pour libérer » ?
Jean-Philippe Delsol : Nous avons été quelques-uns à constituer cette plateforme pour expliquer aux Français que la solution pour sortir de la crise économique et sociale créée par l’épidémie du Covid-19 n’était pas « plus d’État » mais « plus de liberté et de responsabilités » pour tous.
Breizh-info.com : Vous expliquez vouloir « encourager la propriété privée ». Concrètement, par quelles mesures peut-on permettre à un maximum de Français de devenir propriétaires ?
Jean-Philippe Delsol : Pour encourager la propriété, il faut l’imposer moins et lever beaucoup des contraintes qui pèsent sur elle. Par exemple si vous réduisez les droits d’enregistrement sur les achats immobiliers (ce qu’on appelle improprement les frais de notaire et qui représentent environ 7 % du prix d’achat), vous faciliterez l’acquisition par chacun de son logement. Si vous rééquilibrez les droits entre propriétaires bailleurs et locataires, vous favoriserez l’investissement immobilier en réduisant l’appréhension des bailleurs qui craignent de donner leurs biens en location et d’être à la merci de preneurs insolvables et surprotégés.
Breizh-info.com : En quoi l’État et les collectivités sont-ils selon vous des boulets concernant l’accès à la propriété ? Ne sont-ils pas au contraire garants afin d’éviter des dérives (bétonisation du littoral, destruction environnementale…) ?
Jean-Philippe Delsol : L’autorité publique a pour vocation première de garantir à chacun la liberté et la sécurité. Mais en France, elle assume de moins en moins bien ces missions et dépense énormément d’argent à s’occuper de ce qui ne la regarde pas pour nous dire comment on doit construire nos maisons, combien de logements sociaux on doit avoir dans chaque commune, ou pour imposer à tous les logements des normes pour handicapés qui renchérissent les coûts, le tout multipliant les obligations, les taxes… À vouloir en faire trop, elle fait mal et cher.
Breizh-info.com : Vous estimez les bases des taxes actuellement incohérentes. Mais ne servent-elles pas à financer des services publics, comme ici une médiathèque, là une maison de quartier, là encore des initiatives permettant aux citoyens de se cultiver, de s’instruire ?
Jean-Philippe Delsol : La propriété supporte en France près de deux fois plus de charges fiscales qu’en Allemagne. La propriété y est beaucoup plus imposée que les revenus du travail. Il est normal que les collectivités territoriales aient leurs propres impôts, mais les seuls impôts importants qui leur restent sont les taxes foncières dont les bases d’imposition sont totalement obsolètes et donc injustes. Au surplus, la suppression de la taxe d’habitation a été une très grave erreur qui affaiblit le lien de responsabilité des habitants par rapport aux services requis de leur commune et qui rend les collectivités territoriales encore plus dépendantes de l’État. La fiscalité des collectivités territoriales doit donc être revue de fond en comble de telle façon que ces collectivités retrouvent leur autonomie fiscale et que les collectivités restent en concurrence entre elles pour qu’elles soient obligées de veiller à garder toujours le meilleur rapport entre les services offerts et la charge fiscale imposée à leurs ressortissants.
Breizh-info.com : Le système français de « métropolisation », qui se fait au détriment des villes moyennes et de la ruralité, n’est-il pas un frein à l’accession de tous à la propriété ?
Jean-Philippe Delsol : Je ne pense pas que la constitution de métropoles soit nécessairement une mauvaise chose. Tout dépend de ce qu’on leur demande. Il y a des services qui sont plus économiques et mieux gérés au niveau d’une agglomération. Il y en a d’autres qui doivent naturellement rester plus proches des citoyens.
Breizh-info.com : Un simple détour dans la ruralité permet de se rendre compte d’un nombre important de bâtisses abandonnées. L’accès à la propriété ne passe-t-il pas par de grands plans de rénovation plutôt que par de nouvelles constructions ?
Jean-Philippe Delsol : Je ne crois pas que l’argent public ou des plans artificiels de rénovation permettront à des villes désertées de se repeupler. Les gens vont vivre là où ils trouvent du travail et, quand ils le peuvent, là où la vie est agréable. Le rôle des collectivités est de veiller à ce que leur environnement soit accueillant tant pour les entreprises que pour les particuliers. Accueillant veut dire tout à la fois de meilleurs services et une fiscalité raisonnable. C’est un challenge difficile. Mais c’est comme pour les entreprises qui ne peuvent vivre et se développer qu’en offrant le meilleur rapport qualité/prix.
Propos recueillis par YV
Photo : DR
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