Le second tour des élections municipales aura lieu en juin… ou bien à l’automne. Dans cette deuxième hypothèse, il faudra procéder à nouveau aux deux tours.
En Bretagne, 180 communes sont concernées par le second tour des élections municipales (55 dans les Côtes-d’Armor, 35 dans le Finistère, 30 en Ille-et-Vilaine, 26 en Loire-Atlantique et 34 dans le Morbihan). Reste à connaître la date choisie par le gouvernement pour le second tour. « La loi qui a été votée par le Parlement le 23 mars a prévu un système dans lequel le 23 mai, pas avant, pas après, nous dirons si le second tour des élections municipales peut se tenir à la fin du mois de juin », a affirmé le Premier ministre, Édouard Philippe (dimanche 19 avril 2020). « Nous sommes conscients que cela sera difficile de tenir le second tour en juin », confie une source ministérielle (Le Monde, mardi 21 avril 2020).
Remettre le compteur à zéro ?
Mais une question se pose : si le second tour ne pouvait se dérouler en juin, faudrait-il alors procéder au seul second tour ou bien reprendre l’ensemble des opérations électorales ? Un avis rendu le 18 mars concernant le projet de loi d’urgence sanitaire par le Conseil d’État indique que si la crise « rend impossible l’organisation du deuxième tour avant l’été, il appartiendra aux pouvoirs publics de reprendre l’ensemble des opérations électorales dans les communes où les conseils municipaux sont incomplets ». En clair, on remet le compteur à zéro dans les communes où un second tour s’imposait ; lorsque les conseils n’ont pas été intégralement élus le 15 mars, on rejoue le premier tour.
Dans l’hypothèse de l’automne – ou au-delà – plusieurs questions méritent d’être posées. Qui sera autorisé à participer à ces élections municipales ? Dans les communes de moins de 1 000 habitants, les membres des conseils municipaux sont élus au scrutin uninominal majoritaire. Des personnes qui n’étaient pas candidates en mars peuvent-elles le devenir à l’automne ? Dans les communes de 1 000 habitants et plus, les conseillers municipaux sont élus au scrutin de liste (proportionnel). À l’automne, sera-t-il possible de présenter une liste qui n’existait pas en mars ? Ou bien une liste largement modifiée par fusion ou par apports extérieurs ? En effet, compte tenu des résultats du 15 mars, on peut être tenté de rebattre les cartes, ce qui aurait pour conséquence d’attenter à la sincérité du scrutin. Des « arrangements » deviennent alors possibles dès le premier tour. Enfin comment gérer la question du plafonnement des dépenses ?
Un petit goût de bizarrerie
Quelle que soit la formuler retenue, les résultats de ces élections municipales auront un petit goût de bizarrerie. En effet, dans une partie des communes, les conseillers municipaux auront été élus dans une certaine « ambiance » et, dans d’autres, avec des données politiques différentes. En effet, si en mars, Emmanuel Macron n’apportait aucune dynamique aux listes des Marcheurs, il pourrait en aller différemment à l’automne s’il faisait figure de « sauveur ». Des maires sortants ont compris qu’ils avaient une carte à jouer ; c’est le cas de François Cuillandre (PS) à Brest qui a compris l’intérêt politique certain qu’il y avait à distribuer des bons d’achats (150 euros pour les plus pauvres) aux familles brestoises en difficulté. Une astuce efficace pour récupérer des électeurs puisque ses concurrents ne pouvaient pas en faire autant… De même d’ailleurs pour les distributions de masques gratuits dans de très nombreuses communes. Les juristes – Conseil constitutionnel et Conseil d’État – pourraient voir dans tout cela un manque de respect du principe d’égalité.
Françoise Verchère, ancien maire et ancien conseiller général de Bouguenais (Loire-Atlantique), demande l’abrogation du scrutin du 15 mars. Elle estime que le contexte de crise sanitaire a favorisé une abstention très forte qui pèse sur la légitimité du premier tour des municipales. « Je ne voudrais pas qu’on ajoute une crise démocratique à la crise sanitaire », déclare-t-elle (Presse Océan, samedi 21 mars 2020). À coup sûr, celles et ceux dont l’élection a été acquise dès le premier tour n’ont nulle envie de retourner devant les électeurs…
Bernard Morvan
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