Des récents travaux montrent comment la pratique de l’élevage et la production de lait se sont propagées le long de la façade atlantique de l’Europe il y a 7 000-6 000 ans. L’analyse de résidus culinaires dans des récipients provenant de 24 sites archéologiques a permis de mieux saisir l’évolution des pratiques au sein des premières communautés agricoles néolithiques.
Les recherches ont été menées par une équipe internationale, sous la conduite de Miriam Cubas (université de York, université d’Ovideo). Deux sites fouillés par les archéologues de l’Inrap ont été inclus dans l’étude :
- Le site d’Alizay (Eure) fouillé en 2011.
- Le site de Kervouric à Lannion (Côtes d’Armor) fouillé en 2014.
Les résultats des travaux ont été publiés dans Nature Communications le 27 avril 2020 : https://www.nature.com/articles/s41467-020-15907-4.
Sous la conduite de Miriam Cubas de l’université de York (UK), l’article propose les résultats des analyses moléculaires et isotopiques des lipides sur 234 tessons de poterie de 24 sites le long de la façade atlantique européenne, du Portugal aux pays baltes.
La propagation du Néolithique sur la façade atlantique de l’Europe
Alors que les origines proche-orientales de l’agriculture sont bien connues, ses modes de développement régional en Europe le sont moins. Comment ces économies agro-pastorales se sont-elles développées dans des contextes environnementaux et culturels variés ? L’analyse moléculaire et isotopique des résidus de lipides recueillis sur de la poterie permet d’étudier les aliments préparés par les premières communautés agricoles de la façade atlantique européenne. Il y a 7 000-6 000 ans, les premiers agriculteurs de la côte sud de l’Atlantique exploitaient les animaux pour leur lait. Mais c’est en se propageant vers le nord que cette pratique aurait vraiment progressé. Confrontés aux climats plus rudes des régions plus au nord, les agriculteurs néolithiques auraient eu davantage besoin des avantages nutritionnels du lait (apport en vitamine D et lipides).
Vaches, chèvres, moutons…
La présence de produits laitiers est attestée dans 80 % des fragments de poterie en Grande-Bretagne et en Irlande. Sur la côte sud de l’Atlantique (Portugal et Espagne), l’élevage laitier semble avoir été beaucoup moins intensif et avoir favorisé le lait de moutons et de chèvres plutôt que celui de vaches. En France, les tessons de céramique proviennent de sites en Bretagne et en Normandie datant de la fin du VIe et du début du Ve millénaire (Rubané finale et Blicquy-Villeneuve-Saint-Germain). Sur ces sites, la poterie a été utilisée pour traiter à la fois le lait de ruminant et la viande. Des graisses de carcasse de ruminants ont également été identifiées dans une petite sélection de tessons. Deux sites fouillés par l’Inrap sont concernés par cette étude. Le premier, à Lannion (Côtes-d’Armor), revêt une importance indéniable pour les recherches sur le début du Néolithique dans le nord-ouest de la France : ses bâtiments sont les plus occidentaux connus pour la fin du Néolithique ancien. Le second, à Alizay (Eure), est implanté dans une zone humide parcourue de chenaux et a notamment livré une occupation plus ancienne, du dernier tiers du VIe millénaire.
La disparition des produits de la mer
L’étude révèle une disparition des aliments issus de la mer dans les récipients, y compris dans la céramique des sites côtiers (sauf dans la Baltique occidentale). Cette absence dans les échantillons pourrait témoigner d’un rejet par les Néolithiques des aliments marins au profit des produits laitiers. Selon Miriam Cubas, ce travail constitue une des plus importantes comparaisons régionales de l’utilisation précoce de la poterie. Il fournit un éclairage nouveau sur la diffusion de l’agriculture sur le littoral atlantique européen il y a 7 000 ou 6 000 ans et montre la diversité des modes d’alimentation de ces populations. L’introduction de l’agriculture a eu des effets considérables sur la santé, la structure sociale et la démographie des populations préhistoriques. Ces différences latitudinales dans l’échelle de la production laitière pourraient être corrélées avec l’évolution de la persistance de l’enzyme permettant la digestion du lait, la lactase à travers l’Europe (communiqué de presse 30 avril 2020).
Source : Inrap et https://www.nature.com/articles/s41467-020-15907-4
Crédit photo : @ Hervé Paitier, Inrap
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