C’est un bien triste 1er mai que ce 1er mai 2020, avec une population confinée de force par son gouvernement (tandis que partout en Europe, nos voisins se déconfinent progressivement). Pas de manifestations partout en France, peu de muguet (hormis dans les supermarchés autorisés à en vendre ou des fleuristes en passant commande). Alors on vous propose une petite plongée dans l’histoire du 1er mai. Pourquoi ces traditions et ces manifestations ?
Le 1er mai, on offre du muguet…
Le 1er mai, on offre tout d’abord des brins de muguet aux gens qui nous sont proches et que l’on aime. Dans la Rome antique, les célébrations en l’honneur de Flora, déesse des fleurs, atteignaient leur apogée le 1er mai. Les Celtes célébraient Beltaine pour le début de l’été le même jour. Ils érigeaient un arbre autour duquel ils dansaient pour chasser les mauvais esprits. Ils accordaient par ailleurs au muguet des vertus de porte-bonheur.
En 1560, le roi Charles IX, en visite avec sa mère Catherine de Médicis dans la Drôme, se vit offrir par le chevalier Louis de Girard de Maisonforte un brin de muguet, cueilli dans son jardin à Saint-Paul-Trois-Châteaux. Dès le 1er mai 1561, le roi se met alors à distribuer des brins de muguet aux dames de la cour en leur disant: « Qu’il en soit fait ainsi chaque année ». La coutume était née.
Avant la fête du travail et le muguet, l’églantine et la journée internationale des travailleurs
C’est au gouvernement de Vichy et au Maréchal Pétain, qui a instauré le 1er mai comme étant « la fête du Travail et de la concorde sociale », que l’on doit l’association muguet/fête du travail. En réalité, cette association a été réalisée pour « contrer » le symbole de la journée internationale des travailleurs, qui depuis 1891 était l’églantine rouge.
Le 1er mai vient en réalité des États-Unis et du 1er mai 1886 qui verra une grève généralisée – suivie par près de 350 000 travailleurs qui réclament la journée de travail de 8 heures. Dans l’Illinois, à Chicago. des milliers d’ouvriers grévistes se massent devant les usines Mc Cormick pour protester contre les briseurs de grève et les conspuer. La police charge alors la foule puis l’armée intervient, faisant 6 morts et de nombreux blessés. Le lendemain, un meeting de protestation réunit près de 150 000 personnes. La ville est en état de siège et une bombe explose, tuant 15 policiers. Si les manifestants obtiennent gain de cause, le bilan est lourd avec plus de dix morts du côté des travailleurs. Cet épisode sera nommé massacre de Haymarket Square.
Trois ans après les émeutes de Chicago, en 1889, l’Internationale socialiste se réunit à Paris et adopte le 1er mai comme « journée internationale des travailleurs » et comme symbole le triangle rouge porté par les manifestants, triangle qui sera remplacé deux ans plus tard par l’églantine, en hommage notamment à Fabre D’Églantine, inventeur en 1793 du calendrier révolutionnaire et d’une « journée du travail » (qui se déroulait alors le 26 avril).
L’églantine, comme un hommage également aux luttes ouvrières dans le Nord de la France, où l’églantine est très cultivée et notamment à ce 1er mai 1891, à Fourmies, où l’armée française (La troupe) tire dans la foule qui manifestait pour revendiquer la journée de huit heures. Le bilan est de dix morts, dont deux enfants, et de 35 blessés (hé oui, comme ont tendance à l’oublier certains patrons de multinationales aujourd’hui, des gens sont morts, ont versé du sang pour obtenir des acquis sociaux). Bien que les forces de l’ordre aient été mises en cause, neuf manifestants furent condamnés pour entrave à la liberté de travail, outrage et violence à agent et rébellion, à des peines de prison de deux à quatre mois fermes (pour en lire plus sur cette répression sanglante, c’est ici).
La journée de 8 heures ne sera ratifiée que le 23 avril 1919 en France, par le Sénat qui fait du 1er mai de l’année suivante, exceptionnellement, une journée chômée.
Par la suite, pendant les grèves du printemps 1936, lors de l’avènement du Front populaire, les manifestants mettent l’églantine de côté et arborent du muguet tressé dans un fin ruban rouge. Des grèves qui, il faut le rappeler, ont amené les deux premières semaines de congés payés et la semaine de 40 heures.
En 1941, Vichy bannit définitivement l’églantine, trop rouge, et officialise le muguet. Le caractère chômé et férié du 1er mai, décidé par le Maréchal Pétain, ne sera confirmé après la Libération qu’en 1947. Le 1er mai se caractérise par une interdiction légale de travail sans réduction de salaire.
Une journée célébrée dans la quasi-totalité des pays d’Europe à l’exception des Pays-Bas et de la Suisse.
Plus récemment, depuis 1988, le Front national et les patriotes français sont eux aussi descendus dans la rue le 1er mai pour fêter Jeanne d’Arc en plus des travailleurs. Cela se substituait à la tradition du dimanche 8 mai où la fêtaient les mouvements patriotes depuis plus d’un siècle. Cette date du 1er mai a été choisie à la fois pour se démarquer de groupes jugés trop radicaux par le FN, dont l’Action française pourtant historiquement à l’origine de ce défilé, mais également pour profiter d’une date située entre les deux tours de l’élection présidentielle de 1988 et donc d’une mobilisation. Initialement, la « Fête de Jeanne d’Arc » se voulait être une alternative au 14 juillet, loin d’être rassembleur (la Terreur républicaine n’a pas laissé des bons souvenirs dans toute la France), avec un défilé commémoratif du jour de la libération d’Orléans par Jeanne d’Arc en 1429.
Les responsables syndicaux français n’ont eu de cesse dès lors de dénoncer une « récupération politique » par le FN.
Au final, ils sont toutefois nombreux les patriotes, dans toutes les régions et dans tous les pays, à commémorer chaque année le 1er mai aux côtés des travailleurs dont ils font partie pour se rappeler que les acquis sociaux ont été obtenus par le sang versé des ouvriers et par la lutte.
Le tout, pourquoi pas, avec un brin de muguet, et d’églantine !
YV
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