Le confinement n’empêche pas les conflits d’usage sur les bords de l’Erdre à Nantes. Quai Henri Barbusse, cyclistes, piétons et joggers (soufflant fort et évidemment pas masqués) se croisent sur la piste cyclable qui longe la rivière. Lors du récent réaménagement des lieux, la ville avait pourtant veillé à séparer piste cyclable et cheminement piétonnier.
Ce dernier occupe une bande de l’ancien quai de l’Erdre. Son accès est dûment signalé par un panneau de signalisation d’aire piétonne. Un panneau carré à fond bleu, modèle « B54 », selon la nomenclature administrative. Or des barrières interdisent aujourd’hui l’accès de cette aire piétonne. On y lit sur fond rouge : « Accès aux berges interdit ».
Et si l’on accède quand même ? C’est 135 euros d’amende. Oh ! la police municipale ne fait pas preuve d’une férocité extrême, sans doute un peu gênée de verbaliser de simples piétons au lieu de courir derrière les délinquants. Mais elle brandit tout de même son carnet à souche et élève le ton pour vous reprocher d’avoir enfreint l’arrêté préfectoral du 20 mars 2020.
Entre le préfet et la Ville de Nantes, qui se trompe de vocabulaire ?
Un arrêté dont la rédaction pourrait annoncer un afflux de recours devant le tribunal administratif. Il interdit en son article 2, « l’accès aux cours d’eau, aux lacs et plan d’eau publics ainsi qu’à leurs rives… ». L’accès aux rives, mais pas l’accès aux berges, comme le prétendent les panneaux d’interdiction posés par la ville de Nantes !
« Berge » et « rive » ne sont pas synonymes. Le CNRTL précise que la rive est la « bande de terrain qui borde une étendue d’eau douce » tandis que la berge est le « bord d’un cours d’eau ou d’un lac, en pente, souvent escarpé, formé naturellement ou dû à la main de l’homme ». Un quai est une berge. Le code de l’environnement, le code civil, le code de l’urbanisme, le général de la propriété des personnes publiques ne confondent pas les deux termes et les emploient à bon escient.
Mais à Paris, pourtant, les voies sur berge sont interdites aux piétons ? Absolument. Le 20 mars, le préfet de police de Paris a pris un arrêté qui spécifie : « tout déplacement et rassemblement est interdit sur les voies sur berges situées rive droite et rive gauche de la Seine ». L’interdiction ne concerne pas les rives, ni même les berges, mais les voies sur berge. Claude d’Harcourt, préfet de Loire-Atlantique, s’est peut-être mal exprimé. Ou peut-être n’a-t-il voulu interdire que les rives naturelles des cours d’eau. Mais tel que son arrêté est rédigé, reprocher aux Nantais d’arpenter leurs trottoirs sur berge est abusif.
E.F.
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