La pandémie du Covid-19 nous rappelle, avec une fracassante âpreté, que nous pouvons mourir demain, que c’est peut-être injuste mais que c’est comme ça. Ni plus ni moins que hier d’ailleurs, où nous pouvions glisser dans notre salle de bain ( 20 000 morts par an d’accidents domestiques…) ou périr d’une rupture d’anévrisme, sans cause, sans raison, sans « culpabilité» de qui que ce soit. La vie est ténue, fragile et éphémère. Elle ne vaut donc pas par sa longévité, incontrôlable, ni par l’espérance de se donner les moyens – aléatoires – de la prolonger au maximum, mais par son épaisseur, par sa nature, par sa densité, par son intensité, par son sens… Cela nous rappelle – et combien de façon impérieuse ! – qu’il ne faut pas reporter les projets, enterrer les vocations, repousser les combats, les marques d’affection, les preuves ou déclarations d’amour, qu’il ne faut faut pas « attendre le bon moment pour », mais faire les choses, les dire, les expérimenter, les hurler, qu’il ne faut pas croire au rassurant confort ni à la protection de l’habitude, mais garder à l’esprit que tout est précaire, que tout se joue sur le fil… Il faut tout donner, ici et maintenant, car demain est un possible, pas une certitude… Il faut prier, chanter, aimer, s’enivrer, construire, se battre, rugir, mordre, griffer ou caresser dans l’instant qui nous est offert… Tous les calculs sont futiles et vains, puisque ce n’est pas nous qui décidons de l’addition. Nous ne sommes pas une accumulation d’années passées sur terre, nous sommes ce que nous créons, ce que nous transmettons, ce que nous ressentons, ce que nous construisons, ce que nous produisons, ce que nous incarnons…
Que vaut une vie « confinée » ? Elle n’est plus que survie. Contre le confinement : l’explosion ! L’explosion des sens, des idées, des envies, des risques, des luxures, des excès, des choix, des affirmations, des refus, des violences, des espérances et des brasiers !
Quitte a à perdre sa vie, autant avoir vécu.
Source : A moi que chault
Illustration : Albrecht Dürer, Le chevalier, la Mort et le Diable (1513)