Coronavirus. L’immunité collective, une perspective à oublier ?

Une nouvelle étude menée dans l’Oise, au cœur de l’un des premiers foyers de coronavirus apparu en France, se révèle peu favorable pour les partisans de l’immunité collective.

Le cluster de Crépy-en-Valois passé au crible

Les jours défilant, les études successives viennent apporter leurs lots d’enseignements sur le coronavirus. Comme celle réalisée par l’Institut Pasteur et publiée le 23 avril. Celle-ci porte sur l’un des premiers clusters de Covid-19 ayant touché l’Hexagone, à savoir celui de Crépy-en-Valois, dans le département de l’Oise. C’est aussi dans cette ville que le premier décès causé par le coronavirus a été recensé en France le 26 février.

L’étude en question s’est matérialisée par des tests sérologiques pratiqués entre le 30 mars et le 3 avril sur un échantillon de 661 individus comprenant des lycéens, enseignants et personnels travaillant dans le lycée de Crépy-en-Valois. Mais aussi des parents et des frères et sœurs de lycéens. Le but étant de définir parmi ceux-ci le nombre de personnes ayant été contaminées par le coronavirus.

Il s’est alors avéré que 26 % (171) de ces dépistés présentaient des anticorps après avoir été infectés par le Covid-19. Soit une part très insuffisante au regard des 50 % minimum à atteindre pour envisager la piste de l’immunité collective afin de casser les chaînes de transmission du coronavirus. Et, avec un taux aussi faible, pas question selon les chercheurs de l’Institut Pasteur de relâcher les mesures barrières.

Immunité collective : trop peu d’anticorps pour trop d’incertitudes

De plus, les résultats laissent entrevoir de fortes disparités en y regardant de plus près. Ces tests de détection d’anticorps indiquaient ainsi que 41% des lycéens, enseignants et personnels dépistés avaient contracté le coronavirus contre seulement 11 % des proches des lycéens (parents, frères et sœurs).

De quoi en déduire pour les scientifiques que les contaminations intra-familiales ne surviennent donc pas si facilement qu’ils le pensaient. Au sein du domicile, l’étude révèle que le risque d’être infecté passait de 9 % à 17 % pour les parents si le lycéen était positif au Covid-19. Pour les frères et sœurs, ce risque passait de 3% à 21% dans la même situation. À noter également un taux d’infection similaire chez les hommes et les femmes. Quant aux asymptomatiques, leur part a été chiffrée à au moins 17% des personnes infectées.

Enfin, outre cette présence trop minoritaire d’anticorps dans ce cluster de l’Oise pour envisager une immunité collective, les chercheurs s’interrogent aussi sur le caractère protecteur de ces anticorps. Mais aussi sur la durée sur le moyen-long terme de cette immunité. Selon Samuel Alizon, chercheur du CNRS au laboratoire Maladies infectieuses et vecteurs, cette durée est « encore en débat en raison de l’absence de recul nécessaire pour la mesurer dans le temps », ajoutant qu’« au-delà d’un an nous n’avons aucune certitude ».

À titre de comparaison, suite à l’épidémie de SRAS en Chine au début des années 2000, 10% des patients n’avaient plus d’anticorps au bout de 12 mois selon certaines études. Autant d’informations qui ne plaident pas en faveur de l’immunité collective, déjà remise en cause par des travaux chinois menés en ce mois d’avril.

AK

Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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