L’Observatoire des journalistes et des médias (OJIM) a récemment publié un article évoquant le rôle des « fact checkers », ces traqueurs (partiels) de fausses informations, en pleine crise du coronavirus. Tout en pointant du doigt les bobards gouvernementaux. Nous avons interrogé Claude Chollet, son président, pour voir quel regard il portait sur cette crise et surtout, sur le traitement de l’information.
Breizh-info.com : Tout d’abord, quels sont les grandes leçons que vous tirez, pour l’instant, de ces semaines de pandémie au niveau médiatique ?
Claude Chollet (OJIM) : Dans un entretien au site de géopolitique Strategika, j’ai employé les termes de « pandémédias » ou de « épimédias ». Une des caractéristiques de cette nouvelle crise sanitaire c’est son emballement médiatique. La grippe dite espagnole de 1918/1920 a fait plus de 50 millions de morts mais à une époque où ni la télévision, ni les réseaux sociaux n’existaient.
Ce qui me frappe dans la course à l’échalote médiatique ce sont trois choses : le recours éperdu à l’émotion, la confusion et l’édulcoration de certaines nouvelles. L’émotion au premier plan, 6 morts à l’EPADH de Romorantin, une jeune fille de 16 ans meurt du virus, une femme accouche en étant testée positive. Mais hélas on meurt tous les jours dans les maisons de retraite médicalisées, des jeunes gens sont couramment victimes d’accidents mortels le samedi soir et il y a parfois des accouchements très difficiles. Ces faits – dramatiques mais peu significatifs – prennent un relief extraordinaire et contribuent à un effet de sidération, comme une loupe un million de fois grossissante. La confusion ensuite. Les masques, pas besoin de masques, si besoin de masques, n’importe quel masque fait maison, non le masque RDP811AK estampillé AFNOR, le masque pour certains, le masque pour tous. Le confinement nécessaire, le confinement inutile, le confinement total, le confinement partiel. Les frontières ne servent à rien, si elles servent, on les ouvre, on les ferme mais pas toutes, etc. Et enfin les nouvelles les plus importantes enfouies sous ce magma : quels sont les pays qui s’en sortent mieux ? Et comment ont-ils fait ? L’Autriche sort du confinement sans avoir arrêté son appareil productif. De même la Suisse où le nombre de morts par habitant est la moitié de la France et où l’économie s’est ralentie mais sans caler.
Breizh-info.com : Vous avez rédigé un article mettant en relation les organes dits de « fact checking » et le gouvernement. Pouvez-vous revenir là-dessus ? Ont-ils réellement fait leur travail ?
Claude Chollet (OJIM) : Les « fact checkers » sont à la mode. Tout le monde s’y met, les Décodeurs (financés par Google) du Monde, Check news (financé par Facebook) de Libération, l’AFP et France Info (financés par vos impôts), j’en passe et des pires. Nous avons passé au crible ces vérificateurs sur cinq items dont quatre principaux : la minimisation du virus (ce n’est qu’une gripette), l’anticipation de la crise, l’affaire des masques, le thème de la fermeture des frontières. Check news s’en sort plutôt bien avec quelques manques. Le Monde a tendance à édulcorer fortement les nouvelles trop rugueuses.
L’AFP et France Info pratiquent volontiers l’omerta, voire le mensonge par omission. Bonnet d’âne pour l’AFP qui est souvent reprise par les autres médias.
Breizh-info.com : Même en tant que journalistes bien informés, il devient difficile de déceler le vrai du faux, de l’intox, parmi le flot d’informations quotidiennes publiées dans le monde entier, et alors même que tout le monde se transforme en médecin, en spécialiste des virus… Comment se sortir de ces pièges, de ces écueils ?
Claude Chollet (OJIM) : Il faut à la fois de l’humilité et un peu de discernement. De l’humilité, je ne suis ni virologue, ni épidémiologiste, ni médecin. Je me garderai bien de porter des jugements péremptoires sur la durée de l’épidémie, sa dangerosité, ses modes de transmission. Du discernement, sur les réseaux sociaux on trouve le meilleur mais aussi (beaucoup) le pire. Plus le monde s’agite, plus il faut rester calme, le confinement obligatoire devrait y contribuer. Je recommande vivement de ne pas écouter les grandes chaînes de télévision ni les grandes radios. De lire la presse de grand chemin avec circonspection et de s’informer sélectivement en évitant le sensationnalisme, mais je me rends compte que je suis en train d’élaborer un programme éducatif…
Breizh-info.com : Comment analysez-vous le rôle de la presse alternative dans cette période, inédite, de notre Histoire ?
Claude Chollet (OJIM) : Il est essentiel à condition de trier. Certains sites sont – vous me pardonnerez – l’expression des « putes à clic » et racontent n’importe quoi. Je me répète, plus un média donne dans le sensationnalisme, plus il faut s’en méfier. Mais s’informer en dehors des médias de grand chemin est un acte indispensable dont le caractère sanitaire et salutaire est maintenant largement prouvé.
Breizh-info.com : Y a-t-il quelques personnalités, quelques sites, qui ont retenu votre attention et qui méritent qu’on les suive, pour « bien » s’informer ?
Claude Chollet (OJIM) : Je serai certainement incomplet : pour avoir des points de vue un peu différents mais assez libres je conseillerai Marianne et Valeurs Actuelles pour les grands médias. Au quotidien, TVL pour son journal du soir et le site Les Crises pour sa revue de presse. Vous me pardonnerez de me citer mais l’Ojim pour ceux qui s’intéressent aux médias. Pour ceux qui comprennent certaines langues étrangères, avoir un point de vue anglophone, germanophone, italien ou espagnol donne un éclairage différent. Et pour les bretons Breizh-info bien entendu.
Propos recueillis par YV
Illustration : DR
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