Guillaume Durand recevait le professeur Raoult, directeur de l’IHU de Marseille, sur Radio Classique ce vendredi 17 avril à 8h15 pour faire le point sur son traitement du coronavirus à base de chloroquine.
Le professeur Raoult, dans ces réponses sur l’évolution de la maladie et sur la façon de la soigner, va s’affirmer comme un adepte de la science expérimentale.
Il l’affirme clairement : » Je suis plus en phase avec un mode de réflexion qui est pragmatique, très pratique, on a quelque chose, on commence par traiter avec ça, s’il y a quelque chose de mieux, on changera… »
L’épidémie a t-elle un caractère saisonnier ?
A la question sur une fin saisonnière de l’épidémie, il répond : » ce qui fait une grosse différence par rapport à la plupart des gens que vous entendez est que je regarde les données pratiques…je mesure tous les jours le nombre de cas que nous avons…on assiste à une diminution absolument spectaculaire…au pic, on avait par jour près de 400 cas, hier on avait 60 cas… »
Il ajoute que 18 des 19 virus qui donnent des affections respiratoires ont une évolution saisonnière donc : » on arrive à se dire bien possible que celui-ci fasse comme les autres » D’autant plus que » c’est un phénomène général pas spécifique à Marseille… »
mais il met en garde : » Ce n’est pas de la prédiction magique, je ne sais pas comment celui-là va faire, on ne peut jamais prédire avec quelque chose de nouveau ce qui va se passer «
La chloroquine est-elle toxique voire létale sur le plan cardiaque ?
Le professeur Raoult va s’en tenir aux constatations expérimentales dans la durée : » ça fait 25 ans que j’utilise ce traitement… Un papier vient de sortir sur un million de cas… Il n’y a aucune complication cardiaque… ».
Il précise qu’il peut en exister dans le cas du Covid 19 mais que c’est un effet de ce virus : » Cette maladie donne des myocardites…maladies qui infectent le cœur… [ces patients] meurent d’arrêt cardiaque… [quand] quelqu’un aura utilisé notre protocole, ils [des journalistes NDLR] diront que c’est la faute du traitement… [alors que] ce sera la faute de la myocardite… »
Il explique que dans son IHU un cardiologue examine l’électro-cardiogramme du patient et, selon le diagnostic, par mesure de protection, celui-ci ne sera pas traité à la Chloroquine. Cependant, il est en train d’en évaluer les conséquences car « des gens qui ne reçoivent pas ce traitement ont une évolution qui est moins favorable et on reviendra peut-être sur ces contre indications…
Cela serait d’autant plus utile qu’on constate : » un effet qui n’était pas soupçonné…dans la deuxième partie de cette maladie il y a une réaction immunitaire importante…elle est faite en partie d’anticorps dirigés contre soi-même, ce qu’on appelle les auto-anticorps, et que le médicament c’est l’hydroxychloroquine…c’est comme ça qu’on soigne les lupus ou les polyarthrites rhumatoïdes… ».
Le virus circule t-il dans l’air ?
Le professeur Raoult s’en tient au constat expérimental : « Ce qu’on sait en pratique, c’est que la plupart du temps ça passe soit par des contacts extrêmement proches, soit par les mains, soit en touchant les choses, soit les gens, là aussi c’est quelque chose qui est venue de la science … »
Il insiste sur le lavage très fréquent des mains avec du savon ou de l’alcool, ce qui a montré son efficacité partout où c’est pratiqué.
C’est intéressant de rappeler qu’il s’agit de la découverte du docteur Hongrois Semmelweis, auquel LF Céline a consacré sa thèse de médecine et dont nous avons rappelé les difficultés rencontrées avec les autorités de l’époque.
Faudra t-il proroger le confinement, en particulier pour les gens âgés ?
Dans ce domaine, le professeur Raoult garde sa démarche fondée sur l’observation des faits et ne peut répondre sans connaître la situation à venir : « Demandez aux magiciens de prédire l’avenir… s’il n’y a plus de cas dans 15 jours, la question ( du confinement ) ne se posera même pas, tout ça c’est du délire…ces spéculations à long terme ne veulent rien dire…ce sont des spéculations non scientifiques… ».
Pour lui, ce qui permettra de décider c’est de trouver les composants de cette épidémie : » la seule chose qui est vraiment intéressante pour le confinement, c’est de mettre en place rapidement…la détection des anticorps de cette maladie ….quand on est protégé, on n’a pas besoin d’être confiné… ».
Constate t-on une surmortalité par rapport à 1997 / 2000 / 2017 ?
Là aussi, le professeur Raoult reste prudent considérant qu’on n’a pas toutes les données et que les situations ne sont pas comparables : « Est-ce qu’il y en a plus cette année, est-ce qu’il y en a moins…on fera les comptes à la fin…pour l’instant je n’ai pas vu…( mais ) comme on a changé les conditions sociales, il y a moins d’accidents de la route …tout cela est imprévisible, les spéculations sont idiotes, on ne connaît pas les conséquences d’une crise de cette nature… ».
Le refus des polémiques, nées de l’esprit magique ou du charlatanisme
S’il refuse de répondre sur les polémiques, le professeur Raoult se montre sévère sur ceux qu’ils appellent les gens, qui discutent sa méthode thérapeutique, et sur les journalistes qui « s’excitent parce que c’est la nature de la presse de s’exciter ».
Il souligne leur ignorance : » ce qui excite beaucoup les débats, c’est une profonde ignorance de l’épistémologie dans ce pays. Les gens ne savent pas de quoi ils parlent. Ils n’ont pas la moindre idée de ce qu’est l’évolution des sciences…Depuis 25 ans, je fais des cours d’épistémologie, il y a de vraies questions, on est en train de travailler sur une nouvelle approche… Je ne crois pas que ce qui est établi à un moment donné correspond à une réalité définitive… Il faut être fou pour croire que la science, les méthodes,la pensée vont s’arrêter d’évoluer… »
Pour lui, ils sont coupés du réel : « Tous ces gens n’ont pas de malade, ils ne savent pas de quoi il s’agit, ils parlent de manière virtuelle,… ».
Concernant les journalistes, il ajoute : » On a des opinions très précises qui sont liées à l’observation médicale factuelle que les journalistes, qui n’ont jamais vu un malade de leur vie, se permettent de commenter la manière dont on traite 3 000 personnes pour une maladie avec un traitement, … ».
Cela ne caractérise t-il pas Nicolas Martin, journaliste de France Culture, qui, depuis le 16 mars du lundi au vendredi, commente l’actualité médicale du coronavirus dans une chronique baptisée « radiographies du coronavirus » ?
Ainsi, celui-ci, dans celle du lundi 13 avril, pose au départ le principe suivant : » Oui, « primum non nocere » – c’est-à-dire « avant tout ne pas nuire », c’est le principe de non-malfaisance qui guide toute recherche en pharmacologie. Un nouveau médicament doit bien sûr être utile, prouver son efficacité mais avant tout, il doit surtout ne pas nuire, ne pas être plus délétère qu’il n’est efficace. »
Puis, toute sa démonstration consiste à démonter le travail du professeur Raoult pour pouvoir conclure : » De son côté, la Suède a tranché dans ce débat de façon plus vive, tous les hôpitaux ayant arrêté de prescrire de l’hydroxychloroquine depuis fin mars, compte tenu des trop faibles preuves actuelles d’efficacité de la molécule. »
Ce qui étonne le plus le professeur Raoult dans ce refus de son traitement à base de chloroquine, c’est qu' »on est arrivé à penser qu’un médicament [le traitement alternatif. NDLR] qui n’est pas manufacturé… qui n’est pas évalué allait être la solution d’une maladie qui aura peut-être disparu avant qu’on ait les résultats… ».
Pour lui, c’est la conséquence d’un manque de travail : « Je pense que c’est un vrai problème et si vous regardez les résultats vous voyez que les résultats sont à la mesure du travail et pas à la mesure des spéculations ou des prévisions ».
Jean Theme
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