La légende de la mort, le Barzaz Breizh, Légendes celtiques de Bretagne et quelques autres livres indispensables : voici la sélection littéraire de la semaine, 100 % Bretagne, avec un gros soutien clin d’œil à Yoran Embanner, éditeur dont nous vous expliquions hier qu’il rencontrait de grosses difficultés notamment en raison du confinement imposé par le gouvernement.
La légende de la mort
Ce livre est le fruit d’un long collectage auprès de la population rurale de Basse-Bretagne, à l’époque brittophone dans sa quasi-totalité. La plupart de ces légendes lui ont donc été contées en breton…
L’imaginaire collectif des Bretons se retrouve dans cette Légende de la Mort, où nul n’est effrayé par l’ombre de l’Ankou (représentation personnifiée de la mort) ou bien le peuple des Anaon (âmes défuntes) et pour qui les kannerezed noz (lavandières de la nuit) ont gardé leur pouvoir enchanteur. Ces récits fantastiques et populaires sont un fidèle miroir de la sensibilité des Bretons qui, comme les Celtes d’Outre-Manche et même les Anglo-Saxons sont portés sur les légendes et phénomènes paranormaux : les intersignes, l’Ankou, moyen d’appeler la mort sur quelqu’un, les noyés, les villes englouties, les assassinés et les pendus, l’Anaon, les revenants, l’enfer, le paradis…
La préface de Léon Marillier, parue dans la première édition qui est publiée ici, donne un éclairage particulièrement intéressant sur la relation des Bretons avec la Mort. Il rapproche aussi les croyances, les usages et les rites qui se rapportent aux morts avec les usages funéraires d’un grand nombre de peuples et les conceptions qu’ils se forment de la nature de l’âme et de sa destinée après la mort.
Anatole Le Braz (1859-1926) est né à Saint-Servais (Côtes-d’Armor). Il a écrit beaucoup d’ouvrages sur les traditions en Bretagne. Collecteur infatigable de contes, chansons et légendes populaires, il est considéré, avec Hersart de La Villemarqué, comme un des piliers du renouveau de la culture traditionnelle et populaire en Bretagne.
Le Barzaz Breizh
Le Barzaz Breiz, ou en français « Recueil de poèmes de Bretagne », est tout simplement un recueil de chants populaires bretons, des chants récoltés auprès de la population bretonne au début du XIXe siècle par le Marquis Hersart de la Villemarqué (Kervarker en breton). La première édition de ce recueil est parue en 1839 et comporte une centaine de chansons, présentées avec leur traduction en français et la mélodie, classées en trois catégories :
– les « gwerziou » : chants mythologiques, héroïques, historiques et ballades,
– les « soniou » : chants de fêtes et d’amour,
– des légendes et chants religieux.
Le Barzaz Breiz regroupe des chansons issues de toutes les régions de Bretagne. L’origine des chansons, les bardes, la vie et les croyances des Bretons depuis le Moyen Âge jusqu’à son époque, la langue bretonne, tout cela y est indiqué et chaque chanson est précédée et suivie de commentaires détaillés.
L’auteur du Barzaz Breiz, Théodore Hersart de La Villemarqué, fut un ancien élève de l’École des Chartes. Il naît en 1815 à Quimperlé et partage son enfance entre Cornouailles et la campagne avoisinante. Il est élevé dans une famille qui ne s’exprime qu’en français mais il est immergé de manière permanente dans le breton local qui est la seule langue utilisée dans les campagnes à cette époque, et il le parle couramment.
Entre 1833 et 1837, il va sillonner les campagnes de Cornouailles où il notera le répertoire des poésies et gwerz (chant racontant une histoire, ballade) chantées par les paysans. En 1837, ses carnets comportent près de 300 pages de transcriptions et notes diverses. Il se lance alors dans un travail de sélection et de restauration des textes recueillis, qu’il traduit et commente.
L’ouvrage connaîtra un succès immédiat dès sa publication. Des commentaires élogieux paraissent dans la presse bretonne, mais également dans la presse parisienne. Le succès dépasse même les frontières où son ouvrage sera apprécié et traduit. Théodore Hersart de La Villemarqué poursuit alors ses travaux. Il publie une seconde édition enrichie en 1845, puis en 1867. En 1846, on lui décerne la Légion d’honneur. Il entre à l’Institut en 1858.
Vers 1867 les premiers doutes sur l’authenticité des chants du Barzaz Breiz, jusqu’alors exprimés à mots couverts, sont étalés publiquement. Des controverses passionnées sont ouvertes. La Villemarqué est accusé d’avoir inventé de toute pièce les chants populaires ainsi que les mélodies qui les accompagnaient. On va même jusqu’à dire qu’il a écrit ses textes en français puis les a fait traduire en breton, ne maîtrisant pas la langue.
La Villemarqué meurt le 8 décembre 1895 près de Quimperlé.
Légendes celtiques de Bretagne
Ce livre se veut un florilège des légendes bretonnes. La Bretagne comme les autres pays celtiques est une terre de légendes. C’est un pays où le mythe et la réalité se confondent, sans que l’on puisse discerner lequel est prépondérant. La Bretagne, c’est le pays des enchantements, c’est le pays où tout est sacré ! C’est le pays où se déversent en nous les siècles passés.
Dans cet ouvrage, on trouvera, en premier lieu, les textes fondateurs de la nation bretonne :
- Conan Mériadec et l’arrivée des Bretons en Armorique.
- Le Roi Arthur et le royaume des deux Bretagnes.
- La légende de l’hermine.
- Puis suivent tous les personnages clés du légendaire populaire : l’Ankou, les lavandières de la nuit, les korrigans, les morganes, les fées… mais aussi les intersignes ou la barque fantôme.
- Le légendaire breton a influencé la culture européenne. Chrétien de Troyes, Marie de France ou Richard Wagner et bien d’autres, s’en sont emparé :
- Merlin, le Roi Arthur et les chevaliers de la Table Ronde,
- Tristan et Iseult. Mais aussi,
- La fée Carabosse,
- Gilles de Rais qui a inspiré Barbe Bleue.
Ces légendes font partie de l’âme bretonne. Elles sont la porte d’entrée de l’imaginaire d’un peuple.
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Légendes du diable chez les Bretons
Le livre se devait de commencer par la légende de la ville d’Is narrée magnifiquement par Michel Cazenave, ancien responsable de programmes sur France Culture et spécialiste de la mythologie et des légendes celtiques.
Suivent une dizaine d’histoires et autres contes, collectés, adaptés ou traduits par Claude Trividic, qui nous font découvrir un autre pan de l’univers « magique » des Bretons. Le style est alerte : de nombreux dialogues entremêlent le français et le breton donnant ainsi de l’authenticité aux récits (avec la traduction pour les non-bretonnants, eveljust !).
Ce livre, tout à fait dans l’esprit de la Légende de la mort apporte un nouvel éclairage sur les relations des Bretons avec le diable. Mais au bout du conte, qui sera le plus « malin » ?
Claude Trividic du Cap Sizun, s’est attaché à retrouver les légendes connues des anciens. Il a aussi traduit en français pour le présent ouvrage, des textes en breton d’Eostig Kerinek, Yvon Crocq, et Erwan ar Moal, notamment « Pipi Gonto ». Parmi ses précédents livres, Les contes du Cap Sizun ont été un succès local.
La légende de la Ville d’Is
Une Atlantide bretonne ? Mais pas seulement ! La légende de la submersion de la ville d’Is engloutie au fond de la baie de Douarnenez est une des légendes bretonnes les plus célèbres. Mais les auteurs entendent démontrer avec cet ouvrage que derrière cette image folklorique se dissimule la figure du mythe celtique de la femme de l’Autre Monde : la fameuse banshee irlandaise.
La légende bretonne de la ville d’Is, engloutie en raison des péchés de ses habitants, connut de nombreuses modifications au fil des siècles qui en défigurèrent le sens.
Car cette légende fut en effet, dès l’époque médiévale, l’objet d’une réinterprétation des hagiographes et chroniqueurs bretons qui la réorientèrent pour la plus grande gloire de saint Guénolé, premier abbé de Landévennec et de saint Corentin, premier évêque de Quimper.
C’est ainsi que Dahud, fille de Gradlon, roi de Cornouaille fut séduite par le Diable, à qui elle offrit, après les avoir subtilisées, les clefs des écluses, provoquant la submersion de la ville. Le roi ne devant son salut qu’à l’intervention de saint Guénolé !
Les auteurs s’attachent dans cet ouvrage à retrouver le sens originel de cette légende altérée depuis sa christianisation. Diabolisée à l’époque médiévale, le personnage de Dahud nous est désormais dévoilé : la représentante de ce qu’il subsiste dans le folklore breton du mythe celtique de la femme de l’Autre Monde, la fameuse banshee irlandaise.
Trois annexes apportent au lecteur, en complément, les textes bretons (avec leurs traductions) à l’origine de cette légende.
Françoise LE ROUX et Chr.-J. GUYONVARC’H figurent parmi les meilleurs spécialistes du monde celtique. Ils sont auteurs de plusieurs centaines d’articles et de nombreux ouvrages traduits en une demi-douzaine de langues.
Fr. LE ROUX, co-fondatrice de la revue d’études celtiques Ogam, était spécialisée dans l’histoire des religions.
Chr.-J.GUYONVARC’H, docteur d’État, spécialisé dans l’étude des textes irlandais médiévaux, fut professeur honoraire de celtique à l’université de Rennes II.
Photo : DR
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