Dans un entretien avec Joachim Imad dans Le Figaro, Jérôme Fouquet, directeur du pôle opinion et stratégie d’entreprise de l’Ifop, après avoir analysé les tendances de l’opinion exprimées lors des sondages, en déduit que si « L’union sacrée initiale cède progressivement le pas à la critique collective du pouvoir (…) Le Covid-19 n’a pas clarifié la situation, bien au contraire. »
Les sondages montrent que l’union sacrée est remplacée par la défiance
Selon Jérôme Fourquet, « deux dynamiques d’opinion sont à l’œuvre. On observe tout d’abord, un «rally ‘round the flag effect» (…) Ce ralliement au drapeau en temps de crise bénéficie au chef de guerre, en l’occurrence le président de la République (…) On constate cependant que ce réflexe est moins fort en France qu’à l’étranger. Cela s’explique en partie par la faible popularité d’Emmanuel Macron avant même la crise du coronavirus »
À cette confiance finalement assez limitée en Emmanuel Macron, explique Fourquet, « s’ajoute (…) un mécontentement grandissant vis-à-vis de la gestion de la crise par l’exécutif. » En effet, « le sentiment que le gouvernement aurait caché des informations est dorénavant presque unanime. Il concerne en effet 81 % des Français, contre 64 % le 20 mars. De même, seuls 30 % des Français estiment que le gouvernement donne des moyens suffisants aux professionnels de santé pour lutter contre la pandémie, contre 39 % au début du confinement. Enfin, les Français déplorent une réactivité beaucoup trop lente du gouvernement. 24 % estiment que celui-ci a réagi suffisamment tôt, contre 43 % au moment du premier tour des élections municipales… »
La crise économique et sociale devrait accentuer la défiance
Pour l’auteur de L’Archipel français, « la situation actuelle montre (…) que la dimension protectrice d’Emmanuel Macron et du gouvernement laisse largement à désirer aux yeux des Français.
Selon lui, « le coronavirus aura des conséquences économiques et sociales dévastatrices. (…) Et avant de penser les grands changements à venir, tout le monde devrait d’abord avoir à cœur de faire en sorte que le navire ne coule pas…
Les oppositions inaudibles
Jérôme Fourquet constate par ailleurs que « la pandémie écrase tout sur son passage et met le débat politique entre parenthèses. Le gouvernement et la population demeurent les seules forces en présence, tandis que la configuration actuelle rend les oppositions inaudibles… »
Et l’opposition ? Si « Marine Le Pen (…) ambitionne de devenir le réceptacle de la colère populaire et en profite pour mettre en avant des thèses que son mouvement défend de longue date, à l’instar du retour des frontières et de la réappropriation de la souveraineté », Fourquet se demande « si elle parviendra à élargir son audience électorale à l’occasion de cette crise sanitaire ».
Selon lui, « il est probable que la fragmentation du paysage électoral (…) s’accentue. L’exécutif est fragilisé, le RN stagne et la large partie du corps électoral qui ne se retrouve pas dans le duopole Macron-Le Pen est éparpillée sur différentes offres politiques ».
Le Covid-19 n’a pas clarifié la situation, bien au contraire
De cette analyse, rien ne permet de prévoir ce qui va se passer pendant les deux dernières années du quinquennat d’Emmanuel Macron à la sortie de la pandémie, quand les effets de la crise économique et sociale pourraient s’ajouter à la défiance née du manque d’anticipation de la nature de l’épidémie, puis de la lenteur de la réaction pour la juguler. A ce jour, aucune des forces politiques en présence ne semble capable d’emporter une adhésion majoritaire dans l’opinion des Français.
Jean Theme
Crédit photo : Didier-CTP/Wiçkimedia (cc)
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