Pour aider les compagnies aériennes en difficulté, le gouvernement propose d’annuler les obligations de remboursement de vols pour les transformer en avoir. Malgré les aides de plusieurs États accordées aux compagnies, les consommateurs vont se retrouver lésés.
Lobbying en cours de Jean-Baptiste Djebbari auprès de Bruxelles
Le Secrétariat d’État au Transport a révélé que le gouvernement français milite actuellement auprès de la Commission européenne pour suspendre l’obligation de remboursement des passagers en cas de vol annulé et proposer à la place un avoir (cette obligation figure dans le règlement EU 261/2004).
La Commission européenne agit pourtant déjà en faveur des compagnies aériennes, en autorisant notamment les aides d’État aux compagnies (prêt public subventionné, garanties d’État à des emprunts bancaires entre autres), ce qui est habituellement interdit par le droit européen.
Pourquoi est-ce différent de ce qui a été accordé aux agences de voyage ?
Les agences de voyage étaient prises en étau entre les compagnies aériennes qui refusaient de les rembourser et leurs clients qui demandaient un remboursement. On comprend dès lors que la difficulté soit bien plus grande pour les agences de voyage et qu’elles aient obtenu via l’ordonnance du 25 mars 2020, la possibilité de ne pas rembourser et d’offrir à leurs clients un bon d’achat valable 18 mois puis transformé en remboursement après cette période s’il n’a pas été utilisé.
Les compagnies n’ont pour le moment pas été autorisées à proposer aux passagers des avoirs au lieu d’un remboursement. Elles bénéficient déjà d’aides d’État, mais le gouvernement considère qu’il faut également leur permettre de ne pas rembourser immédiatement les passagers. C’est ce qui a été acté en Allemagne, dont le gouvernement a suspendu temporairement l’obligation de remboursement des vols annulés à la suite de la pandémie
Une situation où le consommateur se retrouve lésé
De nombreux passagers demandent actuellement des remboursements et se trouvent confrontés à des refus (pourtant illégaux) ou des délais anormalement longs pour les compagnies qui acceptent de les rembourser. Si la possibilité d’un non-remboursement devait être officialisée, les consommateurs seraient doublement pénalisés. D’une part, ils se retrouveront créanciers de compagnies pouvant potentiellement faire faillite, comme ce fut le cas de la compagnie britannique Flybe au début du mois de mars.
Or, lorsqu’une compagnie fait faillite, il est alors pratiquement impossible pour le passager d’être remboursé. D’autre part, les passagers ne devraient pas participer au financement de la trésorerie des compagnies alors que nombre d’entre elles avaient sacrifié leur trésorerie pour racheter leurs propres actions à prix d’or avant la crise (principalement des compagnies américaines). Alors que de nombreux Français se retrouvent en situation financière délicate, il leur serait demandé de contribuer à la trésorerie des compagnies aériennes alors même que l’État les aide déjà massivement. Aucune mesure n’est prévue pour les passagers, qui, rappelons-le, ne pourront pas être indemnisés pour l’annulation de leur vol, la pandémie étant une circonstance extraordinaire.
« Si la Commission européenne acceptait la proposition française, les très nombreux passagers aériens concernés ne pourraient tout simplement pas être remboursés avant un an ou plus. Ils pourraient même ne jamais être remboursés en cas de faillite de la compagnie. Jean-Baptiste Djebbari en portera la responsabilité si cela devait arriver.» indique Anaïs Escudié, présidente de RetardVol.fr.
« Il est totalement inacceptable de demander aux consommateurs de financer la trésorerie de compagnies aériennes qui sont aidées par leurs États ou qui ont manqué de précaution en rachetant leurs actions au détriment de leur trésorerie. Le secrétaire d’État envoie un mauvais signal aux Français qui pour nombre d’entre eux se retrouvent déjà dans des situations financières délicates. »
Photo : DR
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