Selon les résultats de la dernière enquête du Syndicat des Indépendants (SDI), les chefs d’entreprises artisanales, commerciales, libérales et dirigeants de TPE estiment encourageante l’action des administrations sociales et fiscales dans la crise du coronavirus.
Ces professionnels dénoncent toutefois la faillite financière et morale des assureurs, un soutien bancaire timoré pour ne pas dire défaillant voire absent, ainsi que le comportement peu solidaire des cabinets comptables.
Le seul report des charges courantes pour les 75 % de TPE qui ont dû baisser le rideau en mars ne suffira pas à la reprise à terme de ces activités qui se déclarent en impasse de trésorerie sous 2 mois pour 77 % d’entre elles.
Cette enquête a été réalisée du 2 au 6 avril auprès des adhérents du Syndicat des Indépendants (qui représente les commerçants, artisans, dirigeants de TPE). 1 583 entreprises ont répondu au total.
Défaillance et faillite morale des assureurs ?
Alors que 51 % des chefs d’entreprise interrogés ont sollicité leur assurance au titre de leur couverture perte d’exploitation, la réponse des assureurs est uniformément négative. L’attitude des complémentaires maladie au titre d’un arrêt de travail pour garde d’enfant de moins de 16 ans est quasi similaire avec un taux de refus de 96 %.
La posture des assureurs est particulièrement mal vécue par les professionnels en principe couverts, notamment dans les filières de la restauration et des fleuristes contraints de jeter leurs stocks en raison de l’obligation de fermeture immédiate sans préavis.
L’abondement au fonds de solidarité à hauteur de 200 millions d’euros des assureurs est perçu comme une aumône, de surcroît après l’annonce de la seule MAIF d’une économie évaluée à 100 millions sur la période de confinement en raison de la chute de 80 % des sinistres automobiles.
Un soutien bancaire timoré, défaillant voire absent
En ces temps exceptionnels, force est de constater que les banques n’ont pas fait évoluer leurs critères d’acceptation des crédits, ce qui présage de dizaines de milliers de liquidations judiciaires, en contradiction avec les affirmations du ministre de l’Économie.
Il n’est un secret pour personne que la trésorerie est le point faible des entreprises en général et des TPE en particulier. Le report des charges sociales et fiscales, du paiement des loyers commerciaux, des factures des fournisseurs d’énergie, la capacité à avancer les salaires dans le cadre du chômage partiel, n’ont de sens que si l’entreprise dispose de la trésorerie nécessaire pour assumer ces charges, dès à présent et à terme.
Sa capacité à traverser cette crise dépend donc intégralement d’un accès facilité et généralisé au PGE (Prêt Garanti par l’État). À ce stade, 43 % des structures ayant fermé leurs portes ont sollicité un PGE auprès de leur établissement bancaire. Si 41 % d’entre elles ont obtenu le prêt sollicité, 47 % restent dans l’attente angoissante d’une réponse. Dans l’intervalle, tout incident de paiement sur le compte (rejet de chèque ou de prélèvement) dégradant leur note, leur fermera les portes du PGE.
La surprise : l’attitude peu solidaire des cabinets comptables
Le cabinet comptable est l’interlocuteur privilégié, sinon unique, des professionnels indépendants et dirigeants de TPE, notamment pour la gestion administrative des questions sociales et fiscales de l’entreprise. 84 % de ces professionnels ont eu le réflexe de faire appel à leur comptable dans le cadre des démarches administratives à réaliser pour faire valoir leurs droits.
Lorsque 30 % d’entre eux se sont vu présenter une facture complémentaire au titre de ces diligences, 54 % restent dans l’attente de la facturation à intervenir. Beaucoup dénoncent des honoraires très élevés, variant notamment de 200 €HT à 600 €HT pour une simple déclaration de chômage partiel.
La bonne réactivité des administrations sociales et fiscales
La réactivité des pouvoirs publics, le suivi efficace des consignes données aux administrations sociales et fiscales figurent parmi les points positifs des résultats de l’enquête du SDI, avec des taux de satisfaction de 70 %. Un bémol est à apporter en ce qui concerne l’accès au chômage partiel, massivement sollicité (86 %), mais au titre duquel 43 % des demandeurs restent encore dans l’expectative d’un accord ou d’un refus.
Principales propositions du SDI
Face à ces constats, le SDI demande que soient rapidement inclus dans les dispositifs de soutien aux TPE, les 14 propositions suivantes parmi lesquelles figurent : une taxe exceptionnelle sur les compagnies d’assurance à hauteur d’1 milliard d’euros par mois sur la durée de l’état d’urgence sanitaire, mois de mars compris ; l’annulation des charges sociales et fiscales sur la même période.
Les 14 propositions du SDI
Mesures immédiates :
Assurances – Participations à l’effort national :
- Proposition 1 : Une taxe exceptionnelle sur les assurances à hauteur minimum d’1 milliard d’euros par mois sur la durée de l’état d’urgence sanitaire, soit un complément de 800 millions d’euros pour le mois de mars 2020.
- Proposition 2 : Organiser la prise en charge sans carence par les complémentaires santé des arrêts maladie liés à la garde d’enfant de moins de 16 ans par un indépendant.
- Proposition 3 : Interdire toute tarification des cabinets comptables au titre des diligences accomplies liées au Covid-19, notamment les demandes de chômage partiel et leur suivi. Banques : Accorder du temps pour l’étude des demandes de PGE au bénéfice des entreprises les plus fragiles.
- Proposition 4 : Neutraliser les effets des incidents de paiement sur la dégradation de la note bancaire des structures sur la période d’étude du PGE, incluant la période de recours à la médiation du crédit.
- Proposition 5 : Annuler tous les frais bancaires sur la période d’étude du PGE, incluant la période de recours à la médiation du crédit.
Social :
- Proposition 6 : Accorder aux TPE la possibilité d’imposer 6 jours de congés payés sur la période d’urgence sanitaire sans accord d’entreprise préalable.
- Proposition 7 : Renforcer l’action des pouvoirs publics auprès de deux secteurs particulièrement touchés :
Les fleuristes et restaurateurs (hors livraisons) qui ont perdu l’intégralité de leurs stocks à défaut de préavis sur l’obligation de fermeture, sans être couverts par leur assurance perte d’exploitation. Les professionnels de l’habillement qui ont acheté leurs stocks pour la saison printemps-été livrée en février et devaient se constituer la trésorerie pour le paiement et la commande de la collection de la prochaine saison sur la période Mars à Juillet.
Mesures de sortie de crise :
- Proposition 8 : Annuler des charges sociales et fiscales sur la période d’urgence sanitaire pour les TPE.
- Proposition 8 bis (alternative) : Étaler le paiement des charges sociales et fiscales liées à la période d’urgence sanitaire, augmentée de 2 mois, sur une durée s’écoulant jusqu’au 31 décembre 2021.
- Proposition 9 : Élargir le déplafonnement de la durée hebdomadaire maximale de travail de 48h à 60h aux secteurs du commerce de manière générale.
- Proposition 10 : Déplafonner le seuil de déclenchement des heures supplémentaires à 42h.
- Proposition 11 : Désocialiser et défiscaliser les heures supplémentaires au-delà de 42h.
- Proposition 12 : Accorder la possibilité de payer un volume de congés payés en sus du salaire en considérant que le salarié concerné travaillera sur cette période.
- Proposition 13 : Organiser les modalités de remboursement des loyers non perçus au titre du décret du 1er avril 2020.
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