Grégoire Kauffmann, historien, petit-fils de Pierre Brunerie, un des chefs de la Résistance à Quimperlé, livre une enquête fouillée sur les assassinats, en particulier celui d’Adolphe Fontaine, commis par des membres du réseau de son grand-père, dans la région de Quimperlé en Août 1944. Une démarche courageuse pour se libérer d’un secret de famille.
En effet, Grégoire Kauffmann est le fils de Joëlle Brunerie, gynécologue, militante féministe de gauche, et de Jean Paul Kauffmann, journaliste, capturé par l’organisation libanaise du jihad islamique, qui restera détenu pendant près de 3 ans. Ses livres précédents – par exemple, Édouard Drumont, Le Nouveau FN. Les vieux habits du populisme, Le Front populaire est une fête, – montrent quelles sont ses convictions et orientations politiques.
Au chapitre 2, il explique : « J’ai toujours eu vent de cette histoire d’exécution sommaire… La rumeur familiale laissait entendre que Pierre Brunerie avait tiré Louis Rivière d’une situation périlleuse »… Le nom de Rivière semblait cacher un non-dit… L’assemblée familiale n’avait jamais cherché à savoir… Dans cette famille pérorante, personne n’avait jamais eu le temps- ni l’envie – de s’y atteler. Unique historien de la famille, j’avais un peu honte de délaisser cette intrigue prometteuse. ».
En 2014, paraît la traduction du livre de Keith Lowe, L’Europe barbare. » Cette étude implacable « , dit Grégoire Kauffmann, rapporte entre autres violences que : » en France, en Grèce, en Italie, la justice du maquis avait encadré des dizaines de milliers d’exécutions sommaires « . Sa lecture va le décider à enquêter sur cette affaire familiale et historique.
Grégoire Kauffmann entreprend alors une enquête approfondie. Il consulte toutes les archives administratives, judiciaires, familiales ou des divers intervenants. Il interroge les survivants ou les descendants des acteurs de cette tragédie. Il reconstitue les biographies et les occupations des principaux acteurs de la vie à Quimperlé sous l’occupation de 1940 à 1944. Son grand-père est au coeur de son travail en raison de son action dans la Résistance à Toulouse, puis à Quimperlé, d’où est originaire son épouse Imelda, de la famille qui y possédait l’hôtel de Bretagne.
Son livre débute par l’assassinat sans procès d’Adolphe Fontaine le 9 août 1944. Au fur et à mesure de sa démarche, il découvre que d’autres ont eu lieu, plusieurs membres de la famille Harnay à Querrien, Anne Marie Perron de Lanvénégen, souvent après des séances de violence.
Dans la plupart des cas, aucune preuve certaine de collaboration n’a pu être apportée. Ces actes ont été le fruit soit de rumeurs, soit de jalousies, soit d’anciennes querelles.
Après guerre, les familles des victimes ont porté plainte contre les exécutants de ces crimes. Grégoire Kauffmann découvre que son grand-père, Pierre Brunerie, a fait un faux témoignage pour couvrir les membres de son réseau, en particulier Louis Rivière et Yves Redier des Vallons. A l’exception de ce dernier, les tribunaux décideront d’un non lieu pour les acteurs mis en cause dans ce drame.
Grégoire Kauffmann recoupe ainsi le livre publié en 1948, Les crimes masqués du résistantialisme, de l’Abbé Jean-Marie Desgranges, grand résistant breton.
Grégoire Kauffmann avec ce livre prouve qu’il est un véritable historien qui fait passer la réalité des faits avant ses liens familiaux et ses propres convictions politiques et idéologiques.
Jean Lebrun, Emmanuel Laurentin, Xavier Mauduit, Anaïs Kien, Patrick Boucheron et, d’une façon plus générale, les animateurs et les habituels invités des émissions d’histoire de Radio France devraient s’en inspirer…
En cette période de confinement, tous les passionnés par l’histoire de l’occupation et de la Libération doivent lire cet ouvrage.
Louis Galibert
Hôtel de Bretagne, de Grégoire Kauffmann, Flammarion. 22,90 €
Crédit photo : Flammarion
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