Charlelie Couture, le musicien, a été victime du Covid19 et se remet doucement. Dans un message posté ce 1er avril au matin sur son compte Facebook, il raconte ce qu’il a vécu.
4h30 du matin, j’ai peut-être enfin passé le cap. 1er Avril, c’est pas une blague, la preuve : je me lève. Seul dans le silence de la maison endormie, je me sens fichtrement mieux que la veille. Petit retour sur huit jours/nuits terribles…
À peine après avoir mis en ligne le dernier post, alors comme une pierre dans l’eau, j’ai commencé à sombrer. Des jours sans fin, au fond du trou. Incapable de rien. Même plus rester assis. Même plus me lever. Des jours au trente-sixième dessous. La bouche sèche, le goût de l’eau en plomb. Je n’ai plus faim, plus envie de rien. Même plus envie de parler. J’ahane, je m’essouffle. Kaput. HS. Comme un droïde cassé, un jouet sans pile, un pantin dans l’ombre d’un grenier. Mal à l’aise comme un carton froissé. Enfiévré du matin au soir et plus encore pendant la nuit. Les deux thermomètres électroniques oscillent entre 38,4° et 39,8°. Maux de tête, spasmes et tremblotements, le corps en vrac et la nuque qui craque, un clou entre les omoplates, les couilles molles, nauséeux, le teint blafard, quand je tente une sortie de la chambre, j’erre comme un zombie. Je ne sais plus où j’en suis. « Quand par moment même, on perd jusqu’à l’estime de soi… »
Complétement stoned. Défoncé de fatigue. K.O. intégral. Passer son temps à plat, tellement à plat. Limande, raie ou plie, je suis dans le lit confondu aux draps. Comment retrouver la force de remonter sur le ring, comment reprendre le dessus ?
Cela fait des années que je n’ai pas vécu une épreuve si difficile. Replié sur moi-même, j’ai perdu mes repères. J’ai honte d’être si mal. J’évite de me montrer aux miens. Je ne suis pas visible. Dire que je me croyais assez solide, assez en forme pour lui rire au nez. Ce virus est sournois.
Heureusement qu’il y a eu la décision de ce confinement ! Quel qu’il soit, il m’a sauvé; je ne sais pas comment j’aurais pu gérer les contraintes de mon planning, si la vie avait continué ?
Les statistiques me donnaient à penser que je faisais sûrement partie des 98% qui ne feront pas appel à la diligence des services hospitaliers, mais la maladie m’a chopé en traître. Coup de bambou derrière la nuque, il m’a mis la tête à l’envers comme une chauve-souris. Plusieurs nuits de suite, j’ai déliré et vu la mort en face, disons non, de trois-quarts. J’étais vieux, un arbre mort. J’avançais à petits pas et je risquais de tomber dans l’escalier. Seulement un cas parmi tant d’autres, loin d’être le pire. Je pense à tous les pauvres gens, qui déjà en temps normal, vivent dans des conditions d’hygiène ou de vie difficiles, comment ça doit être tellement dur pour eux ! Et ceux qui vivent cet enfer à New York ! En dehors des statistiques, en dehors des chiffres et des informations officielles, en dehors de ce blog, en dehors des messages d’amitié, ma situation n’a pas d’intérêt. Peu de gens sont au courant de mon état et l’on me demande de participer à des actions de distraction, alors que je suis bien incapable de bouger.
C’est peut-être une chance d’être en communication avec le monde grâce à Internet, mais si j’allume mon téléphone pour me distraire, quand je l’éteins, je suis encore plus mal. Une bouillie d’images, un hachis de vidéos, j’ai la tête farcie de n’importe quoi, à croire que la bêtise humaine est le lien, le tronc commun entre toutes ces images aléatoires que me proposent les logiciels des serveurs on line.
Et quand la lumière baissait, j’appréhendais la nuit. La nuit qui serait forcément longue, très longue. Comme aujourd’hui, oui, et pourtant aujourd’hui, c’est différent, car je peux me lever pour affronter ma réalité, celle que j’écris ici, maintenant sur cet écran. Ça se remet en fonctionnement.
L’inquiétude grandissait autour de moi, mais je n’ai heureusement jamais senti l’oppression de l’insuffisance respiratoire nécessitant de faire appel à une assistance publique.
Hier j’ai recommencé à me lever, un peu.
– Nous sommes dans les normes, tout va bien » a dit le médecin resté zen. « Il vous faut juste faire preuve de patience. »
En fait de patience, j’ai peut-être un peu trop attendu avant de profiter de son Savoir et de sa Connaissance. On disait que ça allait passer tout seul… je voulais le croire. Pourtant l’idée de boire de l’eau citronnée chaude en prenant des douches brûlantes, c’est bien gentil, mais à un moment ça n’a plus vraiment suffi. Je ne parle même pas d’ Hydroxy-chloroquine… N’empêche qu’il faut être vraiment obtus pour refuser les évidences. Qu’on le veuille ou non, et quelle que soit la polémique, ce professeur Didier Raoult de Marseille – dont l’apparence hors du commun le faisant ressembler à Renaud, Buffalo Bill ou je-ne-sais-trop-qui déstabilise ceux qui se préoccupent des apparences – ce fils de médecin militaire, cet infectiologue hors norme, laissera c’est certain, a posteriori le souvenir d’avoir été l’un des médecins prêts à tout pour aider leurs patients à guérir. Les masques sont tombés, c’est le cas de le dire, on a vu les courageux, ceux qui osent et qui s’engagent au front contre la maladie et on a vu aussi les pitreries des théoriciens planqués derrière l’alibi de l’éthique universitaire, défendant bec et ongles les protocoles aux dépends de la vie de certains patients en désespoir. Si je ne m’abuse Pasteur n’avait pas non plus exactement fini les tests de son vaccin quand il inocula la rage à Joseph Meister…
Donc le médecin m’a envoyé une prescription d’antibiotiques pour « protéger les poumons » et voilà le résultat : je retrouve aujourd’hui mon clavier pour écrire ces quelques lignes.
T’es cap ou t’es pas cap,
Normalement, ça devrait être bon. Si je ne me fais pas fouetter par un retour de queue de ce virus du Diable, j’ai peut-être franchi le cap.
Vive la vie !
À bientôt les amis.
CharlElie
Crédit photos : DR
[cc] Breizh-info.com, 2020, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine