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Coronavirus : la Russie entre en confinement obligatoire

Du fait de la hausse des cas de coronavirus et du non-respect du confinement volontaire par certains habitants, partis faire des grillades dans les parcs ou en vacances dans le sud du pays, la Russie durcit son confinement. Les régions sont appelées à s’isoler les unes des autres, les citoyens à ne pas sortir de chez eux sauf urgence ou nécessité et ceux qui travailleront auront des QR-codes qui leur serviront de laisser-passer.

Un habitant de Saint-Pétersbourg – où le gouverneur est allé jusqu’à interdire l’accès à tous les lieux de culte – écrivait qu’au 29 mars, les mesures de confinement volontaires ne s’appliquaient quasiment pas : « presque tous les parcs sont ouverts, les gens y vont. Dans le métro il y a 7-10 personnes par wagon le matin, en journée jusqu’à 20. Personne n’est assis à touche touche, et les uns en face des autres. 90% n’ont pas de masques. Les bus roulent presque vides. On a trois églises près de la maison, les gens y vont, ce soir il y avait plusieurs dizaines de personnes qui sont venues à la messe en dix minutes. Les gens sont maintenus au boulot, ou au contraire expédiés en congés payés. Certains commerces indiquent qu’ils ne travaillent qu’avec les commandes sur internet, en réalité ils fonctionnent normalement. Idem pour les fleuristes. En revanche les bars-restaurants sont fermés ou ne vendent qu’à emporter ».

A Moscou des centaines de personnes se sont aussi précipitées dans les parcs pour profiter du temps doux et faire des grillades. Cependant, les parcs de jeux pour enfants ont été fermés – et ces fermetures plutôt respectées – et deux tiers des retraités sont restés chez eux, d’après les données des opérateurs mobiles à Moscou.

La circulation a aussi beaucoup diminué, tant dans les trains de banlieues (-37%), les taxis (-42%), le métro (-67%), les bus, les tramways et trolleybus (-55%) que les automobiles (-27%). Moscou n’a presque plus de bouchons et les accidents de la route ont diminué de 27%. Nombre d’usines sont fermées, tant en ville que dans la région de Moscou. Vedomosti et Izvestia ont annoncé que les deux journaux ne paraîtront pas en version papier jusqu’au 5 avril.

Ce 29 mars, la Russie avait 1534 cas de coronavirus dont 1014 à Moscou ; 64 avaient guéris (+15 par rapport à la veille), 8 étaient morts dont 1 à Saint-Pétersbourg et 1 à Pskov. Parmi les personnes en réanimation, 45% avaient moins de 60 ans ; à Moscou, 40% ont moins de 40 ans. Dans les nouveaux cas en 24 heures, 197 sont à Moscou – dont seulement 32 de plus de 65 ans, 27 dans la région de Moscou, 5 à Saint-Pétersbourg, 4 en Tchétchénie – où le patient zéro a été identifié, il revenait d’Italie –, autant à Penza et dans la république de Komi, 3 à Tcheliabinsk et autant à Omsk etc.

Ce 30 mars à midi la Russie comptait 1836 malades dont 1226 à Moscou, 10 morts (dont un à Vladimir), 66 guéris. Dans les nouveaux cas en 24 heures, 212 sont à Moscou, 15 en République de Komi – là encore le patient zéro est rentré d’un pays européen – 8 à Saint-Petersbourg, 7 dans la région de Moscou, 5 en Bouriatie, 4 à Arkhangelsk etc.

Depuis le début de l’épidémie, la Russie suit l’expérience coréenne – identifier les personnes avec qui un malade a contacté et les confiner, pour limiter la propagation de l’épidémie, mais aussi placer en quarantaine d’office les rapatriés et les personnes qui ont voyagé dans les pays à risque. A ce jour, 182.702 personnes sont en quarantaine chez elles ou dans des hôpitaux pour les quelques dizaines qui ont tenté de se soustraire à leurs obligations de confinement.

Quarantaine obligatoire et isolation des régions entre elles

A Moscou, la mairie a décidé d’une quarantaine à partir du 30 mars. Les citoyens ne pourront sortir de chez eux que pour le travail – avec des laissez-passez format papier ou sous forme de QR codes, sortir les animaux domestiques à moins de 100 m de chez eux, faire les courses au plus près de chez eux, à la pharmacie, sortir les poubelles – les collectes, même du recyclage, ne sont pas suspendues –, en cas d’urgence vitale ou pour se soigner. Les gens devront maintenir une distance d’un mètre et demi entre eux. Les personnes qui ont une forme légère de coronavirus se soigneront chez elles – les antiviraux leur seront acheminés gratuitement et elles devront se confiner complètement.

Des mesures similaires ont été décidées dans la région de Moscou – c’est une circonscription administrative distincte. La police routière et l’armée se déploient pour assurer le respect de la quarantaine dans les grandes villes et sur les axes principaux, mais aucun couvre-feu n’a été décidé. Ce 30 mars au soir, les autorités de la ville de Moscou ont annoncé le maintien du confinement obligatoire jusqu’au 14 avril inclus.

Les caméras de vidéo-protection et les données des opérateurs mobiles devraient faciliter aux forces de l’ordre la surveillance des populations – ainsi que la météo. Le temps se refroidit, il devrait neiger à Moscou à partir de mardi. Yandex, équivalent russe de Google et de Uber – avec ses nombreux services (moteur de recherche, taxis, livraison de nourriture, cartes en temps réel du trafic…) a annoncé qu’elle mettra en ligne des cartes du respect du confinement, à l’instar de ses cartes du trafic en temps réel.

Plusieurs régions ont décidé de s’isoler, notamment la Tchétchénie dont l’entrée n’est plus possible que pour les fournisseurs alimentaires et les soignants, la région de Kaliningrad, celle de Penza, celle de Mourmansk où quatre cantons sont plus particulièrement bloqués, etc. Vladimir Poutine a appelé ce dimanche les régions à se calquer sur les décisions prises par Moscou et la région de Moscou – c’est déjà le cas ce 30 mars dans les régions de Vologda, Irkoutsk, Lipetsk, Astrakhan, Tatarstan, Sverdlovk, Briansk, Adyghee, Ulianovsk, Iakoutsk, Arkhangelsk… En Crimée, le gouverneur de Sébastopol, grand port maritime où est basée la flotte militaire de la Mer Noire, a fermé la gare maritime et suspendu le trafic des bus.

En revanche Poutine a martelé ce 30 mars la nécessité de maintenir la libre circulation des marchandises entre les régions, pour éviter la création de pénuries et d’oligopoles. Depuis début mars, des réserves de vivres de première nécessité et de médicaments ont déjà été mises en place pour les deux prochains mois dans les régions, à la demande de Poutine. Dans les trains, l’opérateur ferroviaire national RZHD ferme les wagons-restaurants, mais livrera désormais les repas chauds en service à la place.

Ces mesures doivent aussi permettre d’éviter que des moscovites ne partent vers leurs résidences secondaires dans le sud du pays ou en province et propagent l’infection. A Sotchi, les hôtels et appart-citys ont été fermés hier et avant-hier avec l’aide de la police et des services de désinfection, les personnes qui y logeaient testées et invitées à rentrer chez elles si elles étaient négatives au coronavirus. Plusieurs milliers de personnes ont déjà quitté la cité balnéaire du sud de la Russie. A Belgorod ce 30 mars, le gouverneur a ordonné que le nombre et l’identité des moscovites qui entrent dans la région soient notés.

Jusqu’à 485 € d’amende pour les personnes qui ne respectent pas la quarantaine, 6100 € pour les entreprises

Des amendes sont prévues pour les personnes qui ne respectent pas la quarantaine : de 15 à 40.000 roubles (de 180 à 485€) pour des personnes physiques, de 200 à 500.000 roubles (de 2440 à 6100 €) pour des personnes morales. S’il y a des cas de contamination avérés suite à ces infractions, les amendes passent à 150.000 roubles (1830€) pour les personnes physiques et 1.000.000 de roubles (12.195€) pour les personnes morales.

Deux procédures ont déjà été ouvertes – à Vladimir après qu’une personne infectée en quarantaine s’en est affranchie et en a contaminé au moins deux autres, et à Ufa où la police a interrompu un concert avec une cinquantaine de personnes dans une boîte de nuit qui devait pourtant être fermée depuis trois jours.

Des aides mises en place, « un impact économique fort pendant six mois »

Le pouvoir russe s’attend à « un impact économique fort pendant six mois », notamment dans les domaines de l’hôtellerie-restauration, des services à la personne et du secteur marchand non-alimentaire, ainsi que sur la consommation en général. A Moscou, 14.900 restaurants et plus de 40.000 magasins non-essentiels ont déjà fermé. Les procédures des faillites vont aussi être simplifiées et la Duma – l’assemblée nationale russe – adoptera un paquet de lois d’aide aux secteurs économiques impactés dès ce 31 mars.

D’ores et déjà, 20% du personnel des services aux consommateurs se sont retrouvés au chômage à Moscou. Pour atténuer le choc économique du coronavirus, des reports de charge sont prévus pour les auto-entrepreneurs, les TPE et PME impactées par la crise : ils pourront ne pas payer de TVA dans la restauration pendant six mois, les écotaxes qui devaient être mises en place ne le seront que dans six mois, les charges sociales et les impôts pourront être reportées pendant six mois. Une aide de 5000 roubles (60€) sera versée pendant trois mois aux familles qui ont des enfants de moins de 3 ans et une autre de 19.500 roubles (240€) par mois, sera versée automatiquement aux personnes qui ont perdu leur travail, sans déclaration à faire de leur part.

Selon le ministère du développement économique, le chiffre d’affaire de l’hôtellerie-restauration, des services aux personnes et du secteur marchand non-alimentaire s’est déjà contracté de 50 à 80% selon les régions. Le ministère de l’économie table sur un impact fort sur la consommation pour six mois, en l’absence d’autre crise.

Seul secteur qui ne semble pas touché encore, la religion. Bien que le patriarche Kirill a demandé aux fidèles de « ne pas écouter les popes déraisonnables » et « éviter de fréquenter les églises le temps de la quarantaine », les messes continuent aux horaires normaux et avec à peine moins de monde que d’habitude, sauf à Saint-Pétersbourg et en Carélie où les lieux de culte sont fermés au public sur ordre des gouverneurs.

Une situation impensable en France où les évêques ont suspendu les messes bien avant que le pouvoir ne le leur demande, et où, mis à part les prêtres traditionnalistes et quelques évêques comme celui de Toulon, une écrasante majorité des prélats et des prêtres diocésains se terrent, fuyant les églises et leurs devoirs envers les fidèles en attendant que les scientifiques trouvent un traitement ou un vaccin.

Louis-Benoît Greffe

Crédit photo : DR
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