Heroic fantasy, fantastique et science fiction : des genres longtemps méprisés et aujourd’hui encore sous estimés mais pourtant quels autres genres nous promettent une évasion aussi importante de notre monde agonisant. Aucun. Non content de nous faire oublier notre triste situation, ils nous interrogent souvent sur notre avenir ou sur nos comportements. Genres extrêmement prolixes, ils ont donné vie depuis près de 150 ans à certains chefs d’œuvres, à de très bons livres – et hélas aussi à beaucoup de mauvais… Difficile parfois pour les non initiés de s’y retrouver, de savoir par quelle face attaquer la montagne. Voici quelques livres qui vous permettront de vous évader… en cette période de confinement.
Commençons par l’heroic fantasy, le genre le plus distrayant. Il est difficile d’attaquer ce genre sans parler de deux de ses principaux fondateurs. En premier bien sur, vient JRR Tolkien et son magistral Seigneur des anneaux (Christian Bourgeois – 1972/1973, Presse Pocket pour l’édition de poche). Influencé par la passion de Tolkien pour les légendes scandinaves et saxonnes mais aussi par son horreur de la guerre – combattant dans les tranchées, il a été horrifié par le massacre – et de la civilisation industrielle, cette quête initiatique de deux hobbits à travers la Terre du Milieu est une formidable geste à la fois grandiose et intime. Des champs de batailles démentielles jusqu’aux angoisses des deux héros confrontés au mal absolu, Le Seigneur des anneaux balaye tout le spectre de l’aventure. Un must que je relis quasiment une fois par an depuis mes 11 ans.
Mais avant Tolkien, un homme bien différent avait fondé une Heroic Fantasy bien plus sombre et débridée : Robert E. Howard. Exubérant Texan ami de Lovecraft, Howard crée Conan Le Barbare. Archétype du guerrier sans peur et sans retenue, magnifiquement incarné par Schwarzenneger dans le chef d’oeuvre de Milius, ses aventures traversent les nouvelles de Weird Tales dans les années 20. Les livres publiés sont des recueils de nouvelles parues dans ce magazine fondamental. On pourra choisir Conan le Cimérien (Bragelonne 2007, Le livre de Poche) qui rassemble les nouvelles originales de Howard d’après ses manuscrits, c’est à dire sans les ajouts et les changements imposés par les éditeurs et exécuteurs testamentaires de Howard – passablement perturbé par le coma de sa mère et depuis longtemps dépressif, il se suicide en 1934 à 30 ans. Les aventures de Conan sont un Heroic Fantasy simple, efficace et sans fioriture exaltant la nature sauvage et non perverti d’un héros sans état d’âme.
En dehors de ses deux fondateurs, l’Heroic Fantasy nous offre aussi des œuvres au ton fort différent. En premier on peut citer la longue série de David et Leigh Eddings : La Belgariade et La Mallorée (Presse Pocket – 1990/1992 ). D’une inventivité rare et foisonnante ces deux épopées qui se suivent nous offrent un monde à la construction solide et efficace : elles mettent en scène la traditionnelle quête initiatique d’un jeune héros qui découvre ses pouvoirs. La qualité de cette série c’est sa galerie de personnages principaux et secondaires. Traversée d’un humour habile naissant des interactions entre des héros extrêmement attachants, elle propose une atmosphère moins sérieuse et hiératique que le Seigneur des anneaux tout en proposant des enjeux tout aussi cruciaux.
Autre série (même si ce n’est pas de la Fantasy pure et dure) : Le cycle des Princes d’Ambre de Roger Zelazny ( Denöel – 1975/2005 ). Narrant les Aventures de Corwin (puis de son fils Merlin), elle entremêle luttes familiales pour un royaume dont découlent tous les mondes existant et lutte de ce même royaume contre ses implacables ennemis venus du Chaos. Une série au personnage extrêmement bien dessinée et au idées originales et foisonnantes.
Enfin comment terminer un chapitre sur la Fantasy sans citer le Britannique iconoclaste Michaël Moorcock. Cet artiste touche à tout de génie – il est à la fois écrivain, peintre, scénariste et guitariste/parolier pour les groupes Blue Oyster Cult et Hawkwind – révolutionne la Fantasy dans les années 60 et 70 grâce à son héros charismatique : Le prince Elric de Melniboné. Ce mercenaire albinos sans moralité ni perspective, issus d’une race déchue qui dominait son monde et accompagnée de son épée maudite Stormbringer qui boit l’âme de ceux qu’elle tue et dont il tire ses forces, incarne à la perfection ces héros nés dans les années 60. Ils ne luttent par pour de grands principes ou bien parce qu’ils veulent sauver le monde. Ils luttent parce qu’ils y sont contraints. Ils luttent pour leur survie dans un monde sans pitié ni bien. Un monde bariolée, vivant et foisonnant que Morcoock développera dans maintes nouvelles et romans. Dans le cycle d’Elric, on citera Stormbringer (Presse Pocket – 1984) et Elric Le Nécromancien (Presse Pocket – 1977), les recueils de nouvelles les plus cohérents. Il est à noter que Morcoock déclinera ce qu’il appelle le champion éternel (figure héroïque maudite) à travers plusieurs personnages (Cycle d’Hawkmoon, Corum ou Erekose pour ne citer qu’eux) incarnations différentes d’une même figure apportant ainsi une grande cohérence à une œuvre riche et variée.
Le fantastique ou l’irruption de l’étrange dans notre monde est un genre depuis bien longtemps connu avec Dracula de Stocker et Frankestein de Shelley en figure les plus notables. Parmi les anciens on peut citer aussi Poe (Les aventures d’Arthur Gordon Pym ou la nouvelle Le Corbeau) ou même Maupassant (Le Horla).
Mais le fantastique ce ne sont pas que les figures classiques des monstres de folklores et les sorciers. Avant tout il convient de citer le grand H.P. Lovecraft. Écrivain, mais reclus et rongé par la dépression, il créera la mythologie fantastique la plus génialement inspirés du vingtième siècle : les Mythes de Cthulhu. Sur notre terre et dans notre univers survivent des dieux et des entités sans âge dont les pouvoirs et la puissance détruiraient notre monde si les héros de ses nouvelles ne sacrifiaient pas leur santé mentale. Merveilleusement écrit, ces nouvelles nous laisse voir l’indicible et crée l’angoisse et la peur grâce à des descriptions subtiles et l’irruption de l’horreur dans des paysages familiers. Il me semble indispensable ici de recommander le premier tome de son intégrale paru chez Bouquins en 1991. Il est à noter que la traduction est remarquable. Un incontournable de la littérature fantastique et de la littérature américaine. Précisons que le reclus de Providence, sa ville natale, rassemblera derrière lui une bande d’auteurs, amis correspondants ou admirateurs, qui reprendront et enrichiront son œuvre après sa mort. Parmi eux : Howard, Arthur C. Clarke, August Derleth, Robert Bloch, …
Dans le fantastique on citera également Clive Barker qui penche plus vers l’horreur. Lui aussi touche à tout (écrivain, cinéaste, auteur de BD), Barker fait surgir l’horreur et le fantastique dans nos années 80. On citera Cabale (Albin Michel – 1990, en poche chez Pocket), Imajica ( Payot et Rivages – 1996 ) et Hellraiser ( Bragelonne – 2006 ). On s’intéressera aussi aux chroniques des vampires d’Anne Rice et en particulier les trois premiers tomes : Entretien avec un vampires ( JC Lattès – 1978 ), Lestat le vampire ( Albin Michel – 1988 ) et La reine des Damnés ( Olivier Orban – 1990 ), tous parus en poche chez Pocket, qui renouvelle et dépoussière totalement le genre vampirique sans tomber dans le néo romantisme gnangnan de la série Twilight.
Deux autres références indispensables du fantastique à mes yeux. Un ancien d’abord : H.G. Wells avec L’île du Docteur Moreau (Mercure de France – 1901, en poche chez Folio Junior) chef d’œuvre qui n’a pas pris une ride et qui interroge sur la médecine, la science et ses limites. Un contemporain ensuite : Michael Crichton avec Les Mangeurs de morts (Mazarine – 1982, en poche chez Pocket) qui lui installe le fantastique dans le moyen âge viking.
Voici une première porte ouverte sur un univers littéraire riche et varié qui vous donnera des clés pour ouvrir bien d’autres portes. Nous aborderons dans une suite la science fiction, le genre qui réfléchit le plus sur nous et notre avenir. Bonne lecture.
LaVrenti
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