Loire-Atlantique. 57 marchés rouverts en Loire-Atlantique, mais aucun à Nantes…

Confronté à une forte bronca des producteurs, des maires des communes rurales, des agriculteurs et des pêcheurs pour la fermeture de tous les marchés couverts et de plein air en Loire-Atlantique, le préfet Claude d’Harcourt a dû lâcher du lest. Non sans que, selon nos informations, Paris n’intervienne pour donner des consignes de modération aux préfets qui s’ingéniaient à fermer tous les marchés. La situation reste cependant ubuesque à Nantes où tous les marchés demeurent fermés. Celui de Talensac est la dernière halle couverte du grand Ouest à être interdite d’accès aux clients.

En Vendée, le maire de la Roche-sur-Yon a obtenu ce jeudi une dérogation pour les halles, qui devaient fermer à partir de vendredi. Le marché des halles de Challans avait aussi été sauvé, et aux Sables d’Olonne, qui ont enregistré un afflux de résidents secondaires, à force de tempêter, le maire a sauvé ses trois marchés couverts, qui vont pouvoir rester ouverts.

En Loire-Atlantique, depuis le 25, les dérogations pleuvent. Après Saffré et le Loroux-Bottereau qui, les premiers, ont pu sauver leurs marchés, d’autres communes ont obtenu, parfois en s’y reprenant à plusieurs reprises, leurs dérogations.

A ce jour, les marchés de Abbaretz, Ancenis (halles), Assérac, Avessac, Blain, Bouguenais, Campbon, Casson, Clisson, Couëron, Derval, Gétigné, Grandchamp-des-Fontaines, Guéméné-Penfao, Guérande (halles), Herbignac, Héric, La Baule-Escoublac, La Chapelle-Launay, la Chapelle-sur-Erdre, La Turballe (à partir du 1er avril, Halles), Le Cellier, Le Croisic (halles), Le Loroux-Bottereau, Le Pouliguen, le Temple-de-Bretagne, Nozay, Paimboeuf, Piriac, Plessé, Pont-Saint-Martin, Porniché, Pouillé-les-Coteaux, Rezé, Riaillé, Saffré, Saint-André des Eaux, Saint-Etienne de Montluc, Saint-Gildas des Bois, Saint-Joachim, Saint-Julien de Concelles, Saint-Léger les Vignes, Saint-Mars-du-Coutais, Saint-Mars la Jaille, Saint-Même le Tenu, Saint-Molf, Saint-Père en Retz, Sainte-Luce, Sévérac, Sucé-sur-Erdre, Vay et Vieillevigne sont réouverts, ainsi que les halles de Méan et les halles centrales de Saint-Nazaire.

Pas de logique

Si au début, la logique était de refuser des dérogations aux communes qui avaient une supérette ou un supermarché – ainsi de Basse-Indre dont la demande de dérogation a été refusée pour cause de présence d’un Leader Price – d’autres conditions sont intervenues, notamment la sauvegarde de la filière agricole, l’accès à l’alimentation pour tous, et la dimension sociale.

« Autrement éviter que les gens pètent un câble, alors que le marché est leur seule sortie. Les parcs sont fermés, les plages aussi, et on a même trouvé moyen d’interdire la chasse, la pêche et la destruction des nuisibles ! », relève un gendarme du nord du département. « Résultat, les ragondins prolifèrent – monsieur le Préfet, les berges de nos cours d’eau vous disent merci – et les violences conjugales, aussi ». A Nantes la nuit, on peut voir désormais des ragondins de taille fort respectable nager en toute tranquilité – ce sont quasiment les seuls à y avoir droit, les berges de l’Erdre étant – très sommairement du reste – barricadées.

Du reste, dans les dérogations, on peut s’étonner d’y retrouver un certain nombre de communes fort bien pourvues en supermarchés, comme Blain qui compte deux hypers et un Lidl à cinquante mètres du marché, ou Sainte-Luce, où le marché est à cinquante mètres du Super U.

Plus les jours passent, et plus les arrêtés dérogatoires du cabinet du préfet ressemblent à des monuments de méfiance : 8 mètres entre chaque étal, 15 commerçants maximum sous les halles, gel hydro-alcoolique aux entrées du marché, barrières Vauban, contrôles de gendarmerie et de police… n’en jetez plus ! « Résultat, notre marché rouvre mais on va probablement être obligés de venir une semaine sur deux », relève un producteur de fromages qui vend sur les marchés de la côte. « Mais c’est mieux que rien du tout, d’autant que c’est le printemps, les vaches n’en ont rien à faire du confinement et elles donnent du lait à plein ».

Par exemple, pour l’arrêté dérogatoire qui autorise la tenue du marché de Couëron, pris ce 27 mars, il faudra « obliger les clients à réaliser une friction hydroalcoolique, ou un lavage des mains à l’entrée et à la sortie du marché, respecter une distance de 8 mètres entre chaque étal et limiter le nombre d’étals à 15, organiser et étendre éventuellement les horaires afin d’éviter des pics de fréquentation, limiter la fréquentation du marché à un membre par foyer [difficile à respecter s’ils y vont chacun de leur côté], positionner des personnels dédiés afin de réguler la fréquentation, définir un sens de circulation unique obligatoire à l’intérieur du marché, installer des barrières Vauban perpendiculairement à l’étal et aux extrémités de chaque étal pour matérialiser les cheminements d’accès, positionner des lignes de barrières […] pour éviter que les clients n’accèdent aux denrées, matérialiser au sol des distances d’un mètre à respecter entre chaque client, interdiction pour le client de toucher les produits, favoriser les paiements sans contact et désinfecter régulièrement les claviers de paiement, installer des protections en plexiglas le cas échéant ou un film en polypropylène pour l’ensemble des denrées […] les commerçants doivent porter un masque [introuvables, même pour les livreurs et les infirmiers] et des gants s’ils vendent des denrées alimentaires fraîches immédiatement consommables », etc.

Dans la mesure où les dérogations pourraient être annulées si l’ensemble de ces préconisations n’étaient pas respectées – ce qui est déjà très difficile en temps  normal –, on se demande si le préfet n’a pas renoncé à sa volonté de torpiller les marchés, au grand bonheur des supermarchés. « Pendant ce temps, l’autre jour j’étais chez Picard », explique un de nos lecteurs. « Ils étaient en train de faire le réassort à deux, il y avait de grands chariots qui barricadaient une partie du magasin, plus les vendeuses, plus les clients… bref on était 10 dans autant de mètres carrés. Et dire que la grande halle de Talensac, où il y a bien plus de place disponible, est fermée ! Cela n’a ni queue ni tête ».

Des initiatives de commerçants, de mairies et de vente directe pour pallier l’absence de marchés

Par ci, par là, la réouverture ne compense pas le marché existant – par exemple à Guérande où seules les halles réouvriraient, alors qu’une partie du marché alimentaire est de plein air. Selon nos informations, la mairie a monté une liste des commerçants du marché pour permettre aux guérandais de passer des commandes ; des livraisons groupées sont possibles sur Guérande pour les producteurs extérieurs à la commune.

A Bouguenais où la mairie n’a pas demandé de dérogation, plusieurs producteurs habituellement présents aux marchés proposent aux clients de les joindre pour prendre des commandes. Pour le marché des Couëts et du bourg, on peut contacter les primeurs Guérin (06-26-18-91-29) avant 17h le jeudi pour une livraison le vendredi, et la poissonnerie Frédo Marée (06-80-32-85-72). Aux Couëts, le producteur de fruits et légumes Bouchereau (06-12-33-12-31), la fromagerie Loret (06-09-64-93-08), l’épicerie Brugier (06-99-78-42-90). Pour le marché nocturne des Couëts, le producteur de viande bovine François (06-64-51-78-93) et la crêperie Tellenn Du (06-16-91-41-29). Au bourg, le producteur le Champ des Papilles (06-59-62-50-68).

Par ailleurs les initiatives de vente directe font florès et suscitent des vocations. A Guérande, la ferme de la Maisonneuve (élevage de poulets et de pintades) habituellement présente sur 18 marchés a mis en place une vente directe. Commandée la veille ou le jour avant 9h, elle peut être prête à 11h et récupérée directement par le client. Les commandes se font sur le site internet (https://lafermedelamaisonneuve.com) et par téléphone au 02-40-61-94-18.

Les AMAP connaissent aussi actuellement un boom. Plus étonnant, Agnès Eskenazi, présidente du GECALA (groupement des commerçants ambulants de Loire-Atlantique) et Myriam Bioret, propriétaire de l’ex-chapelle de la Pommeraye à Donges, désaffectée en 2017 et transformée en 2019 en épicerie et salle de réception (l’Évidence), ont lancé ce samedi matin un marché privé de 8h30 à 12h, avec trois producteurs de Donges. Etaient notamment proposés du pain, des viennoiseries, des jus, des pommes, des fraises et des produits de saison.

Talensac, seul marché couvert de la région encore fermé

En revanche, faute de volonté politique peut-être, la situation reste toujours bloquée à Nantes, privée de marchés. Ce qui génère un gros manque à gagner pour les producteurs, la filière agricole et celle de la pêche – les deux criées du Croisic et de la Turballe tournent toujours, mais au ralenti.

Certes, le drive fonctionne toujours – face au boom de commandes, il s’est relocalisé avec quatre camions où les commandes sont préparées, triées entre la boucherie, les fromages, les légumes et le poisson, sur le côté du marché face à Picard. Pour les commandes, il faut appeler les commerçants habituels – une vingtaine y participent, tous issus de la halle et membres de l’association des commerçants  – ou passer sur le site du marché (www.marche-talensac.fr).

Un doodle a été mis en place pour planifier les livraisons, mais les créneaux sont pleins jusqu’au 1er avril inclus. Un système plus simple permettant plus de livraisons devrait être mis en place sous peu. « Cependant la semaine prochaine ça va retomber car beaucoup de commerçants ferment. Certains voient le confinement se prolonger sans que les Halles ne rouvrent, d’autres ne veulent pas venir travailler pour faire trois ou quatre commandes… », relève un vendeur ce matin.

Dans le département, certaines communes n’ont obtenu la réouverture de leur marché qu’après avoir fait deux, voire trois demandes. A la Turballe, après le refus de la préfecture adressé au maire sortant Branchereau, c’est le candidat de gauche élu maire le 15 mars, Didier Cadro, et pas encore installé, qui s’est fendu d’un courrier au préfet avec ses colistiers. « J’y ai fait valoir qu’on avait des producteurs et des pêcheurs qui étaient mis en difficulté par la fermeture du marché, et que ça n’avait pas de sens de dire aux pêcheurs d’aller pêcher ou aux agriculteurs d’aller dans les champs s’ils ne pouvaient écouler leur pêche ou leur production », nous explique le nouveau maire. Résultat : marché alimentaire réouvert à partir du 1er avril, les mercredis et samedis. Le changement, c’est maintenant.

Que fait Johanna Rolland ?

A Nantes, certains s’interrogent sur l’action de la mairie. « On peut se demander si la maire Johanna Rolland a vraiment fait une demande de dérogation, et si elle n’est pas en train de nous balader… ainsi que les autres producteurs qui vendent sur les autres marchés nantais, et pour lesquels cette situation est très difficile », s’interroge un commerçant. « Rennes a réouvert les Lices, même limitées à 15 commerçants, Cholet, la Roche-sur-Yon, Challans et Les Sables ont sauvé leurs marchés couverts et halles, sur la côte, ça réouvre de partout, de Guérande à Pornichet en passant par La Baule, la Turballe, le Croisic, les deux halles de Saint-Nazaire et Méan sont réouvertes, y a que Talensac qui reste fermé. C’est la seule ville du grand ouest dont le marché couvert est fermé, ça n’a aucun sens ! », tempête un vendeur.

« Si on ferme complètement, ça va faire aussi du monde au chômage technique, même si on a conscience qu’on pèse bien moins que le lobby des supermarchés », relève un commerçant. « Pour nous, et nos clients, c’est très compliqué à gérer, mais on peut assurer des conditions d’hygiène et de confinement bien meilleures que dans les supermarchés, où la désinfection est aléatoire, surtout entre les clients. Sans compter que certains touchent, puis remettent la marchandise, il y a des cohues, notamment aux caisses. Sur les marchés, y a du courant d’air et on ne touche pas la marchandise, c’est plus sain ».

Les supermarchés préférés aux marchés ?

Reste à savoir si Johanna Rolland va faire le bonheur des Nantais et des petits producteurs, ou des gérants d’hypermarchés et de supérettes. D’autant que si la plupart des commerçants ne résident pas et ne votent pas à Nantes, « nos clients, si, et ils n’apprécient pas le manque de volonté de la maire, qui est d’autant plus flagrant que des petits maires ruraux ou des maires de la côte ont réussi à récupérer leurs marchés. Là, à Nantes, on passe vraiment pour des buses », constate, désabusé, un vendeur.

Louis-Benoît Greffe

Photo d’illustration :DR
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