Face à l’adversité, le refuge du moment présent [L’Agora]

La survenue brutale de la pandémie du coronavirus est à l’origine d’un traumatisme collectif d’une ampleur inédite dont nous ne connaissons pas encore toutes les répercussions. Elles  seront vraisemblablement colossales pour l’économie. Au-delà du nombre de victimes terrassées par cet ennemi invisible, une part importante de la population épargnée par les ravages de la crise sanitaire portera à coup sûr les stigmates de l’immense ébranlement. Ce choc s’annonce d’autant plus violent pour nos sociétés occidentales, que nous avons été arrachés avec une soudaineté imprévisible à un mode de vie fondé sur la jouissance matérielle. Toutes les préoccupations de la vie moderne sont revenues à leur condition illusoire avec la mise en arrêt forcé d’une activité qui avait pour habitude d’être trépidante, car perdue dans les captations du divertissement à outrance. Nous nous relèverons probablement de cette crise, au risque de redevenir oublieux sur nos penchants superficiels pour une surconsommation irraisonnée. Reste à traverser avec le moins de dommages psychologiques possibles une période terriblement anxiogène, scandée tour à tour par le macabre décompte journalier, la peur de contracter la maladie et l’incertitude matérielle de l’avenir.

Il y a quelques jours, Eckhart Tolle, l’un des plus grands enseignants spirituels a posté  une vidéo sur YouTube afin de venir à la rescousse des esprits tourmentés par le flot d’informations funestes. Bien plus utile que les petits concerts privés des artistes désœuvrés du moment, le message porté par l’un des plus éminents intellectuels rappelle l’importance des fondations du moment présent pour braver les assauts des éléments. Voici le décryptage de ces paroles empreintes d’une profonde sagesse qui donnent le seul véritable antidote à l’affrontement de nos peurs actuelles.

Qui est Eckhart Tolle ?

Eckhart Tolle, aujourd’hui âgé de 74 ans, est un auteur conférencier canadien d’origine allemande qui va se rendre célèbre pour son livre Le pouvoir du moment présent, édité à la fin de la décennie 90. Dans le monde, sa considération est à l’égal de celle du Dalaï-Lama et son immense aura, lui a forgé une stature de guide spirituel. Pour autant, fidèle à ses prescriptions de vie, l’homme a toujours su se garder des travers du gourou moderne. Durant la première partie de sa vie, le jeune étudiant est aux prises avec les tourments d’une existence terne et sans envergure dédiée à des études littéraires à l’université de Cambridge. Assailli par ses angoisses, il sombre petit à petit dans une triste mélancolie qui l’installe dans une lente dépression. Au point de vivre à l’âge de 30 ans, l’expérience terrifiante de la « nuit obscure de l’âme », autrement dit de subir un état dépressif intense dans lequel l’identification au « moi » est devenue insupportable. Le paroxysme de son mal-être pousse alors Eckhart Tolle à entamer une transformation intérieure profonde. Depuis lors, l’ensemble de ses écrits sont dédiés à la restitution d’une vérité œcuménique originelle qui imprègne tous les textes religieux : la grandeur du moment présent. L’écriture inspirée et la limpidité de ses propos reflètent son grand état de communion avec « l’Être ».

La citadelle du moment présent

Dans son adresse, Eckhart Tolle s’appuie sur la lecture d’une célèbre parabole tirée de l’Ancien Testament qui appelle l’homme à bâtir sa maison sur le rocher  du « calme intérieur », seule capable de faire résistance au déchaînement des éléments de la nature (pluies, vents et inondations).

À la différence de la maison établie sur le sable des peurs et construite par un esprit réactif à toutes les attaques qu’il subit, la stabilité de la maison assise sur le rocher du moment présent échappe à l’engloutissement. Une conclusion d’une simplicité biblique appelant à saisir la relativité des plus grands périls impuissants à renverser la citadelle inexpugnable de la dimension la plus profonde de l’être.

Attention à notre rapport à l’information

Reclus dans nos logements, les esprits sont livrés à leur abandon complet et recherchent la nourriture de l’information pour donner les éléments nécessaires à la compréhension d’un phénomène qui a déstabilisé notre mode de vie. Pour autant, cette recherche absolue de sens et de données, en mesure d’atténuer notre angoisse, constitue le sable sur lequel nous bâtissons notre maison. Pire, plus nous sommes happés par ce besoin compulsif d’amasser l’information, plus nous renforçons la puissance des éléments qui jetteront à bas les fondations mouvantes de nos hantises cachées. Il ne s’agit pas de tourner le dos à ce qui nous arrive, en faisant l’autruche, mais d’être vigilant à ne pas ingurgiter une information angoissante impossible à digérer par l’esprit. Aussi, il est conseillé de modérer sa dose d’information journalière sur des moments opportuns (le midi par exemple et surtout pas le soir) et de privilégier les journaux écrits, moins traumatisants et faisant preuve d’un peu plus de recul que le choc des images.

Notre relation au temps change

La rupture avec notre ancien mode de vie va conduire forcément la plupart des personnes à regretter l’avant-crise, cette époque pas si lointaine où la vie s’écoulait normalement. Or se raccrocher à ses souvenirs immédiats empêche d’intégrer le moment présent, de même que la projection dans l’après-crise ne constitue pas davantage une issue psychologique. Elle est surtout porteuse de franches désillusions car l’ordre des choses ne reviendra pas à leur état d’origine, sans compter toute l’angoisse sous-jacente aux questions de retour à une activité économique paralysée pendant des semaines. La solution consiste à reconnaître ce moment pour ce qu’il est avec ses manques, ses frustrations, ses regrets, ses peurs, tout en vivant pleinement un temps qui s’égrène plus lentement qu’à l’accoutumée. Il est nécessaire de réadapter l’esprit tourbillonnant de pulsions et d’envies, éternellement insatisfait et avide d’occupation à cette contraction de l’activité par une pleine acceptation du moment présent. Mieux qu’une méditation de 10 minutes mal réalisée, l’exercice du quotidien repose sur le fait de vivre en complète symbiose avec notre cadre domestique réduit, sans éprouver d’impatience et ressentir le besoin urgent d’une libération qui se fait attendre.

Une formidable opportunité d’approfondir notre relation à « l’Être »

Comment est-il possible de voir du positif dans ce désordre apparent au parfum d’apocalypse ? C’est que nous regardons principalement la surface des choses et elle prend la forme d’une menace directe contre l’humanité. Mais toute tragédie recèle ses opportunités pour rompre avec l’état d’inconscience permanent dans lequel nous avons été portés lorsque la vie roulait pour nous sur le chemin d’une douce insouciance. Dans ces conditions idéales, quelle personne peut éprouver le besoin de vivre le moment présent détaché de toutes les préoccupations de l’esprit. C’est lorsque les circonstances deviennent insupportables, que se présente alors l’échappatoire du moment présent. Pour Eckhart Tolle, cette pandémie offre une occasion inespérée aux pratiquants dilettantes de la méditation de plonger plus profondément dans la dimension transcendantale du calme intérieur.

Beaucoup de choses changeront dans l’état d’après-guerre. Des fortunes tomberont, des pans entiers de l’économie peineront à se relever, certains postulats sociaux-économiques ne résisteront pas à ce gigantesque bouleversement planétaire, mais l’heure n’est pas à la reddition des comptes, elle est à la pleine intégration de l’adversité pour la préparation d’un futur qui ne se fera que dans le présent !

Raphno

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