Un long décret vient de paraître sous le numéro 2020-293 au Journal officiel, en date du 23 mars. Il enterre les marchés sous couvert de quarantaine : une liberté de plus suspendue au nom de la santé. Des communes ou des gendarmeries avaient déjà pris les devants et suspendu des marchés.
« La tenue des marchés, couverts ou non et quel qu’en soit l’objet, est interdite », indique le décret. « Toutefois, le représentant de l’État dans le département [préfet] peut, après avis du maire, accorder une autorisation d’ouverture des marchés alimentaires qui répondent à un besoin d’approvisionnement de la population si les conditions de leur organisation ainsi que les contrôles mis en place sont propres à garantir le respect [des mesures de quarantaine] ».
Le système est le même qu’avec la fin partielle des 80 km/h : vous êtes libres de déroger, mais à vos risques et périls. Le résultat ne s’est pas fait attendre : Paris n’aura plus de marchés, couverts ou non, Anne Hidalgo ayant refusé de faire une demande de maintien des marchés. Les soucis d’hygiène et de distance sanitaire à Barbès sont donc résolus, par le vide.
Dans l’agglomération nantaise, des communes avaient déjà pris les devants : les marchés ont ainsi été suspendus à Pornic, Vertou (samedi et dimanche place de la Becquetterie, jeudi cale de Beautour), Sainte-Luce (sauf le samedi matin), place Zola à Nantes après une forte cohue jeudi dernier, etc. À Basse-Indre, d’après le maire Serge David, « c’est la gendarmerie de Couëron qui m’a demandé de fermer les marchés » du mercredi et surtout du dimanche qui attire jusque 5 000 personnes en temps normal.
Entrée filtrée à Talensac
À Nantes, des mesures de déconcentration des marchés ont été prises : à la Petite Hollande et au Vieux Doulon, les commerçants abonnés sont priés de se présenter une semaine sur deux. À Talensac l’entrée du marché était filtrée, avec 70 personnes maximum sous la halle, un drive mis en place par une vingtaine de commerçants limité à une cinquantaine de commandes dans la matinée, et une queue à l’extérieur pour accéder sous la halle.
Résultat, les marchés ne font guère recette. « Normalement, je devrais avoir 150 clients le vendredi ou le samedi, j’en ai eu une vingtaine, et plus de 200 le dimanche, j’en n’ai pas fait 20 », explique une charcutière esseulée. « On devrait réduire la production, car ça ne sert à rien de produire pour jeter », ajoute-t-elle. Plus bas, « les gens ont fait des courses énormes en fin de semaine dernière et au début de la semaine, ils sont assis sur des montagnes de pâtes et de plats préparés, pas étonnant qu’ils n’aillent pas sur les marchés », explique un vendeur de fromages. Il y avait aussi peu de monde à la Petite Hollande samedi, mais au Vieux Doulon dimanche, les commerçants ont fait recette.
Chez Picard, en fin de semaine, on confirme : « On a été dévalisés, avec 30 à 50 bacs vides dans les magasins ; on a même du fermer un jour [mercredi] car on n’avait plus rien et on attendait du réassort ». Ce jeudi, les bacs du magasin boulevard Guist’hau étaient encore à moitié vides, même la crème glacée.
Les paysans à la peine
Du côté des marchés, l’inquiétude demeure pour les exposants. « On ne peut pas mettre en place de vente à la ferme, on a de la production, et en plus il faut qu’on s’occupe des invendus, ça fait du boulot », résume un paysan, producteur de fromages, de pains et de gâteaux, qui vend moitié moins qu’en temps normal.
« Le système ne permet pas aujourd’hui de vendre en-dehors des marchés et des supermarchés, la plupart des épiceries bio et magasins paysans ne sont ouverts qu’aux commandes, et puis la vente à la ferme, il faut pouvoir la mettre en place rapidement et s’en occuper aussi, avec le respect des normes sanitaires. On est dans l’impasse », explique un autre agriculteur, qui trouve « con de jeter les produits alors qu’il continue à y avoir des gens qui travaillent, les hôpitaux, etc. ».
Louis-Benoît Greffe
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