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Prisons : la situation se tend après la suppression des parloirs liée au coronavirus

Après la suspension des parloirs liée au confinement national, la situation se tend dans les prisons. Des tensions éclatent un peu partout dans les établissements, aggravées par une très nette surpopulation – sur l’ensemble de la direction interrégionale de Rennes, toutes les prisons sauf Cherbourg et Rouen sont sur-occupées.

Les agents eux-mêmes sont sous tension, puisque les états grippaux dans leurs rangs ne sont traités par l’administration pénitentiaire que par le mépris : « Le jeudi 12 Mars 2020, l’agent du 3ème CD en service 12h a pris son service le matin dans un état de santé déplorable qui ne lui a pas permis de le terminer au vu des symptômes qu’il avait », écrit ainsi FO Pénitentiaire à Rennes-Vezin.

« Ces derniers étaient identiques à ceux du COVID-19. Malgré cela aucun protocole n’a été mis en place, pas même un appel au SAMU afin d’effectuer une levée de doutes et s’assurer de la pathologie de l’agent. Au lieu de respecter ladite procédure qui est sans cesse expliquée sur toutes les chaînes de télévision et d’information nationales, la direction du CPH Rennes-Vezin a préféré le renvoyer chez lui en cours de matinée tout simplement. Par la suite cet agent s’est rendu chez son médecin traitant qui lui a prescrit un arrêt de travail de 3 jours et il lui a diagnostiqué un état grippal ». Fermez le ban.

Officiellement, le seul établissement pénitentiaire où il y a des détenus infectés est celui de Fresnes, avec trois cas diagnostiqués le 16 mars dernier – révèle FO Pénitentiaire dans un communiqué. Il s’agit d’un détenu de 74 ans incarcéré le 8 mars dernier – et depuis décédé, ainsi que deux infirmières. À Strasbourg, un surveillant a été atteint du coronavirus et plusieurs de ses collègues confinés.

La suspension des parloirs pour 15 jours à partir de ce 18 mars a provoqué des « refus de réintégrer » [les cellules] et des « mouvements collectifs » [d’insubordination] dans plusieurs établissements pénitentiaires, notamment à Grasse où une centaine de détenus dans deux cours de promenade ont cassé des portes, allumé des feux et jeté des pierres sur les surveillants le matin du 17 mars – ceux-ci ont du faire quatre tirs de sommation. Ce 17 mars dans l’après-midi, une émeute a aussi eu lieu à Perpignan où une centaine de détenus ont refusé de rentrer dans leurs cellules.

Mais les événements retracés dans les médias ne sont qu’une petite partie de ce qui s’est passé. FO Pénitentiaire écrit ainsi le 18 mars : « Ce mercredi 18 mars 2020 restera gravé dans les mémoires des personnels pénitentiaires de la région Rhône-Alpes !

 À Aiton, un refus de réintégrer et blocage de la cour de promenade. 2 détenus transférés suite à l’intervention. À Saint-Quentin-Fallavier, les détenus ont cassé le grillage d’une cour de promenade pour se rendre sur le terrain de sport. À Villefranche, les détenus ont cassé le grillage d’une cour de promenade pour monter ensuite sur un toit et faire le tour des zones neutres. 2 transferts.
À Grenoble, refus de réintégrer et déploiement des forces de l’ordre autour de l’établissement. À Lyon-Corbas, les détenus ont fracturé 2 grillages sur 2 cours de promenade. Il sont remontés après l’arrivée des ERIS. 2 mises en prévention au Quartier Disciplinaire. Hier, c’était Valence qui a connu un refus de réintégrer de promenade
 ».

Des refus de réintégrer ont aussi été signalés le 17 mars à Bar-le-Duc (12 détenus), Reims (25 détenus) le 18 mars, Osny, au Bois d’Arcy le 17 mars où les ERIS – le GIGN pénitentiaire – ont dû intervenir pour faire rentrer une cinquantaine de détenus dans leurs cellules, à Réau (77) le 18 mars, Épinal le 16 mars (25 détenus), à Maubeuge le 17 mars où deux détenus sont d’abord placés au quartier disciplinaire pour avoir incité à l’émeute, puis 57 autres font un mouvement collectif le soir, nécessitant l’intervention des ERIS.

« Il y a plusieurs choses qui concourent à attiser les tensions. D’abord les détenus ont bien compris que le virus vient du dehors, donc ce sont les surveillants qui peuvent l’apporter – or ils n’ont rien ou presque pour se protéger », explique un surveillant pénitentiaire breton. « Puis avec les parloirs, y a de la drogue et des téléphones qui rentrent. Plus de drogue, plus de téléphones, et la détention saute. Ajoutez la surpopulation et le fait que les activités, le sport etc. sont à l’arrêt et ça va devenir très rapidement intenable pour tout le monde ».

Dans ces conditions, les directeurs d’établissement improvisent, et pas toujours heureusement. À Saint-Martin-de-Ré, le directeur d’établissement nouvellement arrivé commence par dire à un agent qui refuse de travailler sans gants en latex que c’est strictement interdit, puis lui met une lettre d’observation avec demande d’observation. « Le fait est que le personnel de la Maison Centrale n’a NI MASQUES, NI GANTS, NI GEL. On est à poil, comme on pourrait le dire vulgairement. Oui, mais alors, pourquoi refuser aux agents qui le souhaitent ou le peuvent de mettre des protections ? », explique FO Pénitentiaire. Le pire, c’est que les détenus préfèrent voir leurs surveillants avec des gants que sans…

Louis Moulin

Crédit photo : DR
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