Voici quelques suggestions de lecture en ces temps de repli sur soi. Elles sont de mon goût qui n’est pas forcément le vôtre. Ne vous forcez pas, oubliez-les, lire est d’abord un plaisir. Cela ne doit jamais obéir à une prescription. Ces livres m’accompagnent depuis un demi-siècle. Pour la plupart, je les ai lus et relus. Ce sont donc mes favoris mais j’en ai écarté un, mon préféré peut-être : Louis-Ferdinand Céline… Voyage au bout de la nuit ne me paraît guère roboratif par ces temps ! A l’extrême limite, Mort à crédit, car le burlesque l’emporte.
Épargnez-vous Voyage autour de ma chambre de Xavier de Maistre (1794). Le titre est alléchant, mais c’est tout. Dispensez-vous de La Peste, ce n’est pas le meilleur Camus, préférez Noce, L’Été.
Du côté des Britanniques, Thackeray, pour son Barry Lyndon (1843), magnifié par Stanley Kubrick ; sa Foire aux vanités (Vanity Fair), joliment adaptée en une mini-série (2018). Ah, Becky, femme libre comme on en rêve ! Passez chez Dickens, pas celui de La Petite Doritt ou d’Oliver Twist mais celui de Pickwick, Le Pickwick Club est un chef d’œuvre (toujours pour moi, vous pouvez me contredire, essayez…) N’oubliez surtout pas Les Trois hommes dans un bateau de Jérome K. Jérome (1894), summum de l’humour rosbeef.
J’ai eu la passion d’Henry Miller. Mais c’est un Célinien à la sauce américaine, il faut avoir le cœur bien accroché. L’exception, son Colosse de Maroussi (1941). « La lumière de la Grèce m’a ouvert les yeux… ». Après, allez voir du côté de Nilos Kazantzákis, son Alexis Zorba (1946) est de la même eau. Comme Miller, il aimait le grand écart, de François d’Assise à Nietzche.
A propos d’auteurs grecs et latins, trop de monde. A votre place, je m’épargnerai Platon et je passerai en revue les stoïciens, Sénèque et Marc Aurèle en tête. Ne pas oublier le Satiricon de Pétrone, pour passer ensuite à Fellini.
Rien pour le Moyen Age, sauf François Villon. Au siècle suivant, Rabelais, presque illisible dans le texte original. Aux éditions critiques qui le modernisaient, préférer la formidable translation de Guy Demerson et de son équipe (Gargantua, Points/Seuil, 1994). Rabelais, le maître de Céline.
Pour le 18° siècle français, je n’en donne qu’un, Les Mémoires de Casanova. Attention aux éditions coupées par pudibonderie. Prenez la dernière, sur le manuscrit original. Vous saurez tout sur le siècle des Lumières en lisant Casanova, cela vous évitera de tomber dans le piège de la pensée unique.
Des auteurs français du 19° siècle, je retiens Stendhal quand il se promène en France, en Italie. Chez Flaubert, Bouvard et Pécuchet et puis l’Éducation sentimentale.
Les Russes sont terribles, atroces… Pour garder le moral, Tourgueniev et, plus encore, Les Âmes mortes de Gogol.
Les Allemands, les bras m’en tombent. Ah si, Les Affinités électives de Goethe. Il n’y a pas pris la pose.
Je tire ma révérence, avec un seul auteur vivant, une auteure pardon, une Japonaise. Le Restaurant de l’amour retrouvé de Ito Agawa (2015) est un hymne à l’acceptation païenne de nos vies. Sublime. Sa lecture vous écartera définitivement des boniments mortifères proférés par les trois religions du Livre.
Jean Heurtin
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