« Le comptoir d’un café est le parlement du peuple ». C’est avec la fermeture forcée des cafés et restaurants, annoncée samedi soir avec effet immédiat, que les Français ont l’occasion de se rendre compte combien la restauration et les cafés sont nécessaires à la vie sociale. Certes, on peut prendre son café à emporter au tabac ou à la boulangerie, mais l’effet n’est pas le même. Du côté des restaurateurs, on convient de la nécessité de la quarantaine, mais on critique l’impréparation du gouvernement.
« En six jours on est passé d’une vie à peu près normale au lock-out le plus total : dans la mesure où l’évolution à la hausse de l’épidémie était tout à fait prévisible, il n’y avait-il pas de possibilité d’annoncer dès le début de la semaine dernière les mesures à venir ? » s’interroge ce cafetier nantais. « Certes, une quarantaine est logique et utile, mais ils auraient dû nous laisser le temps de nous retourner ».
En première ligne, les restaurateurs, qui ont dû vider leurs chambres froides. « D’ici lundi, on aurait vidé nos stocks, vu le monde qu’il y avait samedi. Non seulement il faut qu’on avance le chômage partiel de nos salariés, mais le gouvernement stoppe net nos revenus », explique le patron d’une grosse affaire de Nantes-centre. Lundi, beaucoup de restaurateurs donnaient le contenu de leur chambre froide – pour certains, tout a été partagé et emmené en une dizaine de minutes.
« On a vraiment toutes les emmerdes possibles et imaginables », explique le patron d’une autre affaire, quartier Jean Jaurès. « Deux casses, dont l’un au lendemain de l’ouverture, et maintenant, facile un mois de fermeture ». Un autre s’interroge : « Certes, on peut ne pas payer l’eau et l’électricité, ou le gaz, mais quid des loyers ? Quid aussi de l’avance sur l’IS [impôts sur les sociétés] ou du terme URSSAF ? »
Les activités de livraison et de vente à emporter sont maintenues, donc certains établissements restent ouverts. « On va voir, car on n’a pas grand monde », explique un salarié d’un kebab, seul commerce ouvert de l’ensemble de sa rue à l’ouest du centre-ville. « L’ambiance est bizarre. On a rangé nos tables, et les livreurs attendent dehors ». Les boulangeries restent aussi ouvertes, sans consommation à l’intérieur.
À Saint-Julien-de-Concelles, La Pierre Percée propose des plateaux repas chauds à 13,5 € entrée/plats/desserts, avec couverts et plateau jetables et biodégradables, sur réservation la veille et le jour même jusqu’à 10 heures.
Mais beaucoup de restaurants qui pouvaient mettre en place une vente à emporter ne l’ont pas fait. « C’est compliqué, dans la mesure où il ne faut pas mettre en péril nos salariés, il faut acheter de la marchandise et la cuisiner, et on ne sait pas jusque quand la vente à emporter sera autorisée. S’ils la suspendent du jour au lendemain, on aura pris des risques pour rien. Ils nous ont déjà fait le coup une fois, pas deux », balaie un restaurateur nantais.
Très minoritaires, quelques cafés maintiennent leur ouverture, principalement pour des clients de leur quartier. Des clandés, comme lors de la prohibition ? « On est plutôt de l’ordre du cercle d’amis, et puis les fûts, faut bien les vider, sinon ça va se gâter », élude-t-on en-dehors de Nantes. Dans le Nord de la France et autour de Marseille, les contrevenants semblent plus nombreux et socialement plus encouragés. « Un café, c’est un service public. Un pays où tous les cafés sont fermés, c’est un pays qui meurt », résume un des rares clients à pouvoir encore boire son demi au comptoir.
Louis Moulin
Le facebook des restaurateurs solidaires.
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