Energie nucléaire. Une plainte déposée contre la fermeture de Fessenheim

Bruno Comby, le Président de l’Association des Ecologistes Pour le Nucléaire (AEPN) a déposé le 14 février 2020 une plainte (acceptée) contre X au sujet de la fermeture abusive des deux réacteurs de la centrale nucléaire de Fessenheim.

Motifs : abus de bien social (actionnaires minoritaires lésés), abus de pouvoir sur personne en situation de faiblesse, achat de suffrages, et financement illégal de campagne électorale.

Sa lecture (10 pages), « vaut le détour ».

Pour ceux qui ne souhaitent pas lire en entier ce document juridique, cet article en est un résumé à partir d’extraits.

Cinq juridictions concernées

Compte tenu des multiples irrégularités juridiques relevant de plusieurs juridictions pénales, cette plainte est adressée :

– aux Parquets de Colmar et de Paris,

– au Parquet National Financier,

– à la Commission Nationale des Comptes de Campagne (CNCCFP),

– à la Brigade de Répression de la Délinquance Astucieuse (BRDA).

Le but de cette action n’est pas seulement juridique pour empêcher cette fermeture.

En effet, s’il est peut-être trop tard pour Fessenheim, il est encore temps de réorienter la future programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) en cours d’élaboration.

Il s’agit aussi, et surtout, d’informer les journalistes, les décideurs politiques et la population, afin d’initier une réflexion sur le caractère absurde et coûteux de cette décision, ainsi que sur l’immense gaspillage de ressources.

En pleine crise financière, alors que notre économie s’asphyxie, jeter ainsi 10 milliards d’euros par la fenêtre représente un formidable gâchis.

Il s’agit donc d’éviter que cette erreur soit renouvelée avec 12, voire 24 fermetures anticipées de réacteurs, comme le prévoit actuellement la PPE à l’étude.

Une gabegie financière et écologique

L’arrêt prématuré d’une centrale nucléaire propre et respectueuse de l’environnement sans la remplacer au préalable par une puissance équivalente pilotable et propre est absurde.

Cet arrêt est l’aboutissement d’une conspiration électorale PS‐EELV remontant à fin 2011 (avant l’élection présidentielle de 2012) établissant l’échange de suffrages contre la fermeture arbitraire d’une centrale nucléaire.

Cet accord engage la France et EDF vers la fermeture anticipée et illégale des 2 réacteurs de la centrale de Fessenheim, avec des conséquences environnementales majeures : augmentation massive des émissions de CO2 et des importations de gaz en provenance de Russie dès 2020, et la poursuite de l’exploitation de la centrale au charbon de Cordemais jusqu’en 2026, et peut-être au-delà.

Ce même accord électoral idéologique et irrationnel programme la fermeture de 24 réacteurs alors que les énergies renouvelables intermittentes sont bien incapables de prendre le relai à ce niveau. Il en résulte des risques importants de black-out électriques pouvant mettre en danger la population avec de graves conséquences économiques.

La direction suivie qui consiste à réduire la capacité de production électrique pilotable décarbonée nucléaire reste à l’opposé de ce qu’il faudrait faire pour répondre simultanément aux besoins de la population, aux enjeux environnementaux (réchauffement climatique) et au développement attendu des transports électriques qui nécessiteront davantage (et non pas moins) d’électricité.

Ce troc électoraliste a été conclu au seul profit personnel des contractants, avec un mépris total de l’intérêt général, dans un but électoral (gagner les élections) et pour obtenir davantage de députés, voire des postes ministériels. Ce troc n’a aucune légitimité, car la centrale n’appartient pas à l’Etat ni à un quelconque parti politique, et encore moins à des candidats à une élection. Ils ne peuvent donc pas en disposer à leur guise (même après l’élection).

Deux prétextes fallacieux avaient été mis en avant pour justifier, selon eux, l’arrêt de la centrale : son âge (Fessenheim étant la plus ancienne centrale du parc français en fonctionnement) et sa situation en zone sismique. Pourtant, l’Autorité de sureté nucléaire (ASN) a considéré que la centrale de Fessenheim était parfaitement apte à fonctionner, autant du point de vue de ses composants industriels, que du risque lié au séisme, pendant encore au moins 10 ans (éventuellement renouvelables plusieurs fois).

L’Autorité de sûreté nucléaire considère le 5 juin 2018 que : « les performances en matière de sûreté nucléaire du site de Fessenheim, dans la continuité des années précédentes, se distinguent de manière favorable par rapport à la moyenne du parc »

Il n’existe donc en réalité aucune raison objective d’anticiper la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim.

Fraudes et délits

Il s’agit donc bien d’un enchaînement de fraudes et délits astucieux. Des actes graves et choquants, qui vont provoquer une gabegie industrielle de plus de 10 milliards d’€ avec des indemnisations pour l’entreprise EDF, ses partenaires étrangers, ses actionnaires minoritaires, sans oublier les aides de l’Etat pour compenser le sinistre économique et social à venir pour le territoire de Fessenheim et ses environs. Toutes ces dépenses improductives seront financées sur fonds publics jusqu’en 2041.

L’article 434‐1 du code pénal sanctionne en effet : « quiconque ayant connaissance d’un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets, ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives ».

Ce feuilleton médiatico‐politique a provoqué la perte de confiance de nombreux investisseurs (donc la baisse de la valeur du titre EDF), ainsi qu’une grande méfiance au sein de la population (générant de la peur). La destruction volontaire de biens majoritairement publics, sans motif industriel valable est une conséquence directe des petits arrangements politiques qui constituent un abus de bien social.

La centrale de Fessenheim pourrait très probablement fonctionner jusqu’à 60 ans (voire 80 ans…) en toute sûreté, comme Beaver-Valley, la centrale américaine de référence lors de la construction.

Certains prétendent que le développement d’une filière de démantèlement serait une opportunité économique extraordinaire qu’il serait urgent de développer. C’est aussi absurde que de prétendre aider l’industrie automobile en cassant volontairement une usine de production de véhicules en bon état.

EDF dispose d’ailleurs déjà de l’expérience du démantèlement du même type de centrale avec la centrale de Chooz dans les Ardennes, et n’apprendra guère plus en démantelant prématurément Fessenheim.

Pourquoi cette plainte n’a-t-elle pas été déposée plus tôt ?

Parce que la centrale n’étant pas arrêtée jusqu’à présent, les délits et complots détaillés dans cette plainte n’étaient pas répréhensibles, car non encore consommés, rendant hasardeux tout dépôt de plainte ou dénonciation des faits délictueux.

L’enquête préliminaire pourra révéler qu’il y a eu abus de pouvoir sur un Président d’EDF en situation de faiblesse, puisque nommé et rémunéré grâce à cette nomination par le pouvoir. Ce dernier exige ensuite de lui l’arrêt abusif de la centrale par un processus astucieux de « légalisation » artificielle a posteriori, une fois le pouvoir ayant été illégalement conquis du fait de cet abus de pouvoir, et après avoir nommé les personnes qui conviennent aux postes ad hoc pour permettre de concrétiser le délit. Ces procédés sont contraires aux intérêts d’EDF comme de notre pays.

Une forfaiture astucieuse

Le fait que le délit ou le renvoi d’ascenseur soit différé dans le temps rend cette forfaiture « astucieuse ». Le président d’EDF sait parfaitement que la décision de fermeture prématurée de Fessenheim est tout à fait contraire à l’intérêt à la fois stratégique et financier de la société EDF SA qu’il préside. Il a cependant été contraint de l’accepter sous peine de ne pas être soit nommé soit renouvelé à son poste.

Il s’agit donc du cas typique d’abus sur une personne en situation de faiblesse ou de dépendance.

Le président d’un conseil d’administration se doit de servir son entreprise et de ne proposer à son CA que des dispositions favorables à la société qu’il préside. En l’occurrence, étant en situation de faiblesse il a dû céder et inviter son CA à accepter des dispositions contraires aux intérêts de la société EDF-SA qu’il préside.

Chacun sait le poids prépondérant de l’avis du Président en exercice dans un CA qui fût en l’occurrence très partagé : six administrateurs ayant voté pour, six administrateurs représentant le personnel ayant voté contre. Les 6 représentants de l’Etat devant s’abstenir conformément à la réglementation, c’est donc bien la voix prépondérante du Président lui‐même (sous pression) qui a emporté la décision.

Les citoyens français, les usagers de l’électricité et les actionnaires minoritaires d’EDF sont les victimes et font les frais de cette forfaiture contraire aux intérêts de la société EDF SA et aux intérêts de notre pays à tous niveaux (équilibre du réseau électrique, indépendance énergétique, respect de l’environnement et sur le plan économique).

La soif du pouvoir

Cette manière d’accéder au pouvoir en s’octroyant à des fins personnelles et électorales un bien de l’entreprise EDF SA, pour l’achat de suffrages contre les intérêts de la Nation, relève de la répression de la délinquance astucieuse.

C’est le contribuable et le consommateur d’électricité et de produits pétroliers qui règlera in fine ces dépenses de « campagne » astucieusement dissimulées.

Les infractions pénales apparentes sont donc :

1°) Abus de biens sociaux. Les petits actionnaires trompés demandent réparation de la perte de valeur spectaculaire de leur portefeuille d’actions.

2°) Abus de pouvoir et de faiblesse sur le président d’EDF en état de dépendance contraint à un acte préjudiciable aux intérêts de son entreprise.

3°) Financement illégal, occulte (différé), abusif et « en nature », de campagne électorale ayant échappé aux comptes publics, avec vol astucieux du bien public (prise illégale d’intérêts).

Il sera intéressant de voir les suites données à cette plainte.

Post-scriptum : Il est possible de soutenir l’AEPN en adhérant à l’association, ou encore en cotisant à la cagnotte LEETCHI (le montant du don est libre) pour payer notamment les frais juridiques (avocat, etc.) particulièrement onéreux.

Vous remerciant de votre soutien au nucléaire heureux, propre et respectueux de l’environnement.

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