Avec les écolos et les socialistes, nous avons affaire aux « frères ennemis ». Ils ne s’apprécient guère mais les exigences électorales les obligent à s’allier. C’est vrai à Rennes…
Être en tête au premier tour
« On peut gagner de nombreuses municipalités, notamment de grandes villes. Le deuxième tour se construira sur la base du programme écolo. On veut gagner Parais, Nantes, Rennes, Toulouse et ailleurs, confirmer Grenoble et de nombreuses villes, petites ou moyennes, où on a fait de très bons scores », avait affirmé Yannick Jadot (Le Monde, mercredi 5 juin 2019). Même son de cloche avec Matthieu Theurier et Priscilla Zamord, les deux têtes de liste de « Choisir l’écologie » aux élections municipales à Rennes : « Être en tête au premier tour des municipales à Rennes », soulignent-ils. Aucune ambiguïté cependant : ils souhaitent le rassemblement de la gauche au deuxième tour. Mais de toute la gauche, des « sociaux- démocrates jusqu’aux Insoumis » (Ouest-France, Rennes, 19–20 octobre 2020). L’objectif est donc fixé.
Pas question de jouer les seconds rôles
En déplacement à Rennes, le leader national d’EELV confirme qu’il n’est pas question pour eux de jouer les seconds rôles. « Nous ne sommes pas là pour être de « juniors partenaires », prévient Jadot. Nous faisons campagne pour être en tête et organiser le grand rassemblement des mouvements de gauche, pourquoi pas jusqu’aux Insoumis. » (Ouest-France, Rennes, vendredi 1er novembre 2019).
Si les écolos avaient de bonnes raisons de monter une liste autonome au premier tour des élections municipales, à Rennes, en mars 2014, ils en ont maintenant d’excellentes après les résultats des élections européennes de mai 2019. L’an passé, la liste de Yannick Jadot était en effet arrivée en seconde position (24,33%), derrière celle de LREM – MoDem (25,85) et devant celle du PS (10,91%) dans cette métropole. Une situation nouvelle et encourageante pour les écolos : au premier tour des municipales de 2014, ils obtiennent 8 923 voix (15,09%), contre 21 030 voix (35,57%) pour la liste socialiste de Nathalie Appéré. Changement de programme en mai 2019 aux européennes : 124 713 voix (24,33%) pour la liste écolo et seulement 6 594 voix (10,91%) pour celle du PS. Un renversement de situation qui leur permet d’espérer de devancer la liste de Nathalie Appéré (PS) à ces élections municipales. Mais les élections européennes constituent une consultation nationale avec sa dynamique propre, tandis que d’autres ressorts font fonctionner les élections municipales. Un bobo « de gauche » ne verra aucun inconvénient à voter Jadot dans le premier cas et Appéré dans le second.
Mme Appéré et ses amis semblent inquiets
Pour autant, Mme Appéré et ses amis semblent inquiets, c’est pourquoi ils mettent le paquet sur l’écologie. Ainsi la candidate socialiste se propose de faire de Rennes une « ville exemplaire pour l’écologie » et détaille ses « propositions pour faire face au réchauffement climatique » ; et de récupérer tous les thèmes chers aux écolos : pistes cyclables, repas bio dans les cantines, zéro pesticide… « Reste que les écolos (…) ne peuvent s’empêcher de voir aussi, dans ce verdissement à tout – va, la volonté de les « contenir électoralement (…) « On retrouve dans certains discours de Nathalie Appéré des paragraphes entiers de nos interventions », s’amuse Matthieu Theurier, conseiller municipal sortant EELV » (Libération, 8 – 9 février 2020).
Quel rapport de force au soir du 15 mars ?
La situation est simple : les deux listes seront incitées à fusionner pour le second tour afin de donner à la gauche une victoire nette et sans bavure. Mais toute fusion est conditionnée par le rapport de force qui se dégage du premier tour. Même si la liste socialiste devançait celle des écolos, Mme Appéré serait amenée à consentir d’importantes concessions aux seconds au cas où ces derniers réaliseraient un bon score et talonneraient la première. L’époque où on pouvait attribuer aux militants d’EELV quelques délégations mineures et symboliques – « développement durable », par exemple – est révolue. On imagine la tête de Nathalie Appéré si Matthieu Theurier exigeait le poste de premier adjoint ! Avec le risque qu’en ne donnant pas satisfaction aux écolos, ces derniers maintiennent leur liste au second tour ; ce qui provoquerait une triangulaire : LREM, EELV et PS.
Autre hypothèse amusante : les socialistes arrivent derrière les écolos. L’attelage suivant s’imposerait alors : Matthieu Theurier maire et Nathalie Appéré premier adjoint. Chacun son tour !
Bernard Morvan
Illustration : DR
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