« Laurence Garnier, je la trouve très, très légère », déclare cet habitant du centre de Nantes. Il ne parle ni du physique ni de la moralité de la candidate LR aux élections municipales mais de sa ligne politique. Depuis six ans, Laurence Garnier est la figure officielle de l’opposition municipale à Johanna Rolland. Face à la dirigeante socialiste, elle montre une louable constance. Mais beaucoup jugent qu’elle ne fait pas le poids. Elle rebondit sur les sujets de mécontentement mais apparaît rarement comme une force de proposition.
Pour les municipales, elle a intitulé sa liste « Mieux vivre à Nantes ». Personne n’est contre la qualité de vie, bien sûr, mais suffit-elle pour définir une politique ? En face, Éléonore Revel (Rassemblement national) a choisi « Le bons sens pour Nantes », Julie Laernoes (écologistes) « Nantes ensemble », Hugo Sonnier (UPR) « Nantes en exemple ! », Johanna Rolland « Nantes en confiance », etc.
La profession de foi de Laurence Garnier met en avant trois thèmes : sécurité, environnement, solidarités. Rien de distinctif : même sur le plan de la sécurité, Johanna Rolland, tournant soudain le dos à des décennies d’angélisme, annonce elle aussi un renforcement de la sécurité. La renforcer comment ? Laurence Garnier avance une seule mesure : recruter 180 policiers municipaux supplémentaires, moyennant quelques millions d’euros de dépenses. Sur les origines de l’insécurité, elle ne dit rien.
En faire plus que la gauche pour les migrants
Nantes attire les migrants. Johanna Rolland a fait de son mieux pour glisser le problème sous le tapis à l’approche des municipales. Mais les migrants sont toujours là et les menées turques actuelles promettent de nouvelles arrivées. Une fois les élections passées, le problème devrait se poser de plus belle. Laurence Garnier n’en dit rien. Mais à l’été 2018, quand les clandestins affluaient vers le campement du square Daviais, elle avait reproché à Johanna Rolland de ne pas en faire assez. Pour renvoyer les illégaux ? Non, pour leur accorder les hébergement demandés.
À la même époque, Johanna Rolland avait demandé l’évacuation du squat du lycée Leloup-Bouhier. Laurence Garnier avait déclaré : « Je déplore le refus du Maire de repousser de quelques semaines le début des travaux sur ce site qui permettait d’accueillir ces personnes de manière transitoire, en dehors de l’espace public, en attendant de trouver des solutions plus pérennes ». Des solutions plus pérennes, c’est-à-dire une installation définitive. Elle avait aussi invoqué « l’alliance des territoires, notamment avec Rennes et Saint-Nazaire pour tenter de résoudre ensemble cette crise migratoire », autrement dit une politique de quotas pour répartir les migrants.
Sans doute avait-elle réalisé un peu tard son erreur politique. À quelques semaines de là, le conseil métropolitain avait voté près de 4 millions de dépenses pour mettre à l’abri quelque 700 squatteurs du square Daviais – majoritairement de jeunes hommes arrivés d’Afrique noire. Laurence Garnier avait alors reproché aux socialistes d’avoir provoqué un « appel d’air » : « Vous portez un discours d’accueil inconditionnel qui explique cette situation. Ce n’est pas responsable vis-à-vis des Nantais, ni même pour les personnes migrantes à la merci des réseaux esclavagistes. Les bonnes intentions ne font pas toujours la bonne politique. »
Une candidate très gentille
Mais de bonnes intentions, la candidate LR n’en manque pas. En octobre 2019, elle a mêlé sa signature à celle de la gauche locale pour réclamer à l’État une prise en charge des squatteurs du gymnase Jeanne-Bernard, à Saint-Herblain, parmi lesquels beaucoup de clandestins et de déboutés du droit d’asile. En annonçant sa candidature, elle évoquait la part disproportionnée des étrangers dans la délinquance à Nantes mais en tirait cette conclusion : « Il y a urgence à loger ces personnes, travailler à leur insertion professionnelle ». Une position qu’elle s’est gardée de réitérer pendant la campagne électorale. Elle a même pris soin de verrouiller la question en évinçant le Parti chrétien-démocrate (PCD) de sa liste d’union de la droite et du centre. Blandine Krysmann, représentante du PCD, dans le groupe d’opposition municipale, avait été la seule à s’opposer à l’accueil inconditionnel des migrants à Nantes. (Laurence Garnier a aussi repoussé avec horreur le soutien que lui apportait Alain Avello, représentant local des Patriotes de Florian Philippot.)
En fait, le handicap de Laurence Garnier est que, sauf à la droite, elle ne voudrait faire de peine à personne. Elle conteste la politique municipale, mais c’est souvent pour en demander plus. Contre toute évidence, elle qualifie l’île de Nantes de « belle réussite », mais trouve qu’il y manque des choses. Elle approuve le découpage de Nantes en quartiers définis sous Jean-Marc Ayrault (y compris l’improbable « Malakoff-Saint-Donatien ») mais veut mettre un maire à la tête de chacun d’eux. Elle approuve la construction de l’Arbre aux Hérons (une immense structure métallique) mais veut ajouter des animations à ses branches.
Sur les sujets les plus polémiques du moment, elle préfère parfois louvoyer : l’emplacement du nouveau CHU est mal choisi mais s’il n’est plus temps d’en changer, elle continuera. Et après le feuilleton YelloPark, elle soumettrait la question d’un nouveau stade à un référendum local. Ce qui lui éviterait de faire un mauvais choix.
Quant à la réunification de la Bretagne, c’est l’un des rares sujets sur lesquels cette vice-présidente de la région des Pays de la Loire exprime une opinion arrêtée : il n’en est pas question.
E.F.
Illustration : extrait du projet pour Nantes de Laurence Garnier
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